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« Et là, tous les joueurs adverses le défoncent... »
Ce dimanche 14 janvier, un match de Régional 3 (Ligue Occitanie) entre l'ES Pérols et l'US Béziers a été définitivement interrompu en raison d'une bagarre générale. Si dans les tribunes du football professionnel, les violences sont légion, cette tendance semble déteindre jusqu'aux mains courantes chez les amateurs. Une victime de cet affrontement témoigne de la scène.
Pouvez-vous nous raconter la scène comme vous l’avez vécue ce dimanche ?
Au stade, on a dix personnes dans les tribunes – deux ados, deux retraités, trois cinquantenaires et trois jeunes de 25 ans qui jouent habituellement pour la réserve –, et l’US Béziers a quatre ou cinq supporters. On mène 2-1 grâce à un but à la 89e minute. Un de nos joueurs part célébrer vers la cage et, pendant ce temps, il y a un accrochage sur le côté du terrain : un joueur de Béziers vient faire un « tête contre tête », un de nos joueurs arrive et prend deux droites. Je ne sais pas d’où ça part. Après ça, les supporters biterrois descendent au grillage, énervés. Nos supporters essayent de les calmer en leur disant que ça ne sert à rien, mais les joueurs s’en prennent sauvagement à un des nôtres, qui part en courant pour s’échapper. Ils arrivent à le rattraper. Là, c’est un déchaînement de violence, tous les joueurs adverses montent dans la tribune et le défoncent. Notre joueur arrive à sauter par-dessus un muret et est attendu par des supporters qui ont fait le tour. On l’a retrouvé plus tard, à 19 heures, roué de coups, torse nu et en crampons parce qu’ils l’ont laissé comme ça. Je tiens quand même à signaler le courage des trois arbitres officiels qui n’ont pas hésité à monter dans les tribunes pour aider les supporters agressés. C’est la première fois que je vois ça, ils ont vraiment du courage. Vraiment, merci à eux.
Et vous, à ce moment, où étiez-vous ?
Pendant ce temps, je suis sur le terrain, debout et j’essaie de calmer les choses. Il y a un joueur qui vient vers moi sans que je fasse attention, il prend de l’élan et il me « sèche ». Il aurait pu me faire une fracture au tibia, je suis au sol, mais j’arrive à me relever. Un de leurs supporters attrape un dirigeant et le menace de mort : « Rentre à l’intérieur (des vestiaires, NDLR), sinon je vais te crever », donc à ce moment, on rentre. Dans les vestiaires, c’est encore pire. Les supporters adverses nous insultent, il y a aussi un joueur qui rentre dans notre vestiaire et qui s’attaque à un de mes coéquipiers. Il lui dit : « Tu vois, t’as trop parlé sur le terrain » et il lui en remet une.
Vous étiez combien à ce moment ?
On n’était plus que six ou sept à ce moment-là, le reste avait réussi à fuir, et on se retrouvait avec des gens qui nous menaçaient et qui nous disaient de rester assis, c’était chaotique.
La police est intervenue à quel moment ?
Elle est intervenue quand c’était fini. Ce sont des supporters qui ont pu l’appeler, une fois à l’abri sur le parking. Nous dans les vestiaires, on attendait juste qu’ils arrivent, parce que les arbitres faisaient ce qu’ils pouvaient. La police et la BAC arrivent, ils étaient une vingtaine. Ils sont restés jusqu’à ce que le calme revienne, ils ont encadré les joueurs de Béziers jusqu’à leurs voitures et jusqu’à leur départ.
Y avait-il un passif de violence entre les deux équipes avant ce match ?
Jamais, et pour vous dire, il n’y a eu qu’un carton jaune pendant le match entier. Donc ce n’était même pas un match tendu.
Quelles sont les conséquences pour votre club ?
Financièrement, les conséquences ne sont pas très importantes. Ils ont juste tout cassé devant le club house, des tables pour les goûters, des chaises. Ce n’est pas ça le problème. Les conséquences, elles sont surtout mentales et morales. On a des joueurs qui ne veulent plus jouer du tout, certains ont peur de jouer au foot, de rentrer sur le terrain. Et aussi, à Pérols, on est à seulement 50 kilomètres de Béziers, donc certains ont peur des représailles des adversaires. Quand on vit des choses comme ça, on n’a juste plus envie de retourner sur un terrain de foot.
Votre joueur, roué de coups et retrouvé une heure plus tard, comment va-t-il ?
On ne peut pas dire qu’il va bien, mais ça aurait pu être pire. Il a été aux urgences jusqu’à trois heures du matin. Lui a eu cinq jours d’ITT, pareil pour le supporter agressé. Le joueur il ne va pas bien, mais c’est tous les joueurs qui sont complètement choqués de ce qu’il s’est passé.
Votre club a déclaré refuser de se présenter au match retour. Est-ce que vous vous y préparez quand même ?
On ne s’y prépare même pas, c’est catégorique, on n’ira pas à Béziers pour le match retour. On ne peut pas le concevoir.
Ce niveau de violence a déjà été observé à ce niveau-là ?
Jamais, jamais. Je veux insister sur le fait qu’il n’y avait pas d’enfants. Heureusement. Parce que normalement, il y a toujours cinq ou six enfants de présent, et là, ils ne sont pas venus parce qu’il faisait froid. Là, même s’il y avait des enfants, ils ne se seraient pas arrêtés.
Quelles poursuites envisagez-vous à titre personnel et à l’échelle du club ?
Des plaintes du club et des personnes agressées ont été adressées au pénal et auprès de la Ligue Occitanie. Ce genre d’équipes et de personnages n’ont rien à faire sur un terrain de foot. Je ne veux pas parler pour les autres clubs, mais d’autres ont déjà eu des problèmes de ce type avec cette équipe de Béziers.
Avez-vous déjà repris le football dans votre club ?
Non, normalement, c’est ce soir (mercredi 17 janvier, NDLR), mais je ne suis pas sûr qu’on puisse jouer. Pourtant, il faudra bien y retourner parce qu’on a quand même une compétition à reprendre. Arrêter, ce serait leur donner raison, donc on continuera. On va le faire pour le foot, pour reprendre du plaisir.
Propos recueillis par Quentin Fredon