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Eric Thomas : « Tous les clubs amateurs doivent entrer en résistance »

Propos recueillis par Maxime Renaudet
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Mécontents de la manière dont les compétitions ont été arrêtées, plus de 3 000 clubs amateurs ont décidé de se faire entendre avec l'aide de l'Association française de football amateur (AFFA). Son président-fondateur, Eric Thomas, ne décolère pas non plus face aux décisions arbitraires et au silence de la FFF. Loin d'être résigné, il appelle le foot d'en bas à se faire entendre.

Vous avez envoyé trois lettres à la Fédération française de football depuis début avril, dont la dernière en date du 25 avril. Avez-vous enfin reçu une réponse ? Non, toujours aucune réponse. Ni de la part de la FFF, ni de la part du ministère des Sports, à qui on a envoyé une lettre ouverte le 17 avril. Je me suis assuré que les trois courriers avaient été bien reçus par la Fédération, mais je n’ai eu aucun retour.

L’arrêt des compétitions était-elle la bonne solution ?Pour le foot amateur, il était évident qu’il fallait arrêter la saison. Ce qui l’était beaucoup moins, c’était de prendre les décisions que la FFF a prises concernant les montées et les descentes.

Il est peut-être temps de transformer cette dictature en démocratie. Après ça, on aura fait un grand pas pour le football.

Ça démontre bien l’arbitraire de cette Fédération. Et pour m’être entretenu avec certains membres du comité exécutif, certains n’ont pas compris, s’interrogent et regrettent leur décision. C’est pourquoi on demande qu’une Assemblée fédérale extraordinaire soit organisée quand les conditions le permettront. La FFF a invoqué l’intérêt supérieur du football, mais ça veut tout et rien dire. Est-ce le rôle du comité exécutif de prendre cette décision ? Non, c’est le rôle de l’Assemblée fédérale. Il est peut-être temps de transformer cette dictature en démocratie. Après ça, on aura fait un grand pas pour le football. Car ça voudra dire que tous les clubs voteront, et plus seulement les 40 clubs pros.

Comment expliquer que la décision de la FFF n’ait pas été prise en concertation avec le monde amateur ?Parce que la Fédération française de football vit au Moyen Âge, tout simplement. Il est temps d’organiser la révolution du football, car aujourd’hui, le football est une dictature qui n’écoute jamais, décide de tout et fait redescendre ses décisions sans tenir compte de l’équité sportive et de l’intérêt général.

Vous vous attendiez à cette décision ?On avait tout fait pour qu’elle n’arrive pas en tout cas, puisqu’on a pris le soin d’alerter la Fédé dès le 2 avril. Puis le 14 avril, deux jours avant la réunion du comité exécutif de la FFF, notre deuxième courrier était une nouvelle alerte.

Cette crise sanitaire, on va la surmonter, mais derrière, il va y avoir une crise économique et sociale qui va emporter beaucoup de clubs.

J’ai reçu ce mardi un courrier extrêmement touchant d’une présidente d’un club rural du côté de Rennes, qui explique comment elle se bat pour faire vivre au quotidien le football. Son petit club avait réussi à monter en R3, ce qui était historique et animait les dimanches du village. Mais là, parce que son équipe n’a joué que quatre matchs à domicile sur quatorze, elle va descendre. Ce courrier dit tout des difficultés rencontrées par les clubs amateurs, qui ne sont pas associés aux décisions et qui en pâtissent. Cette crise sanitaire, on va la surmonter, mais derrière, il va y avoir une crise économique et sociale qui va emporter beaucoup de clubs.

Malgré ça, la FFF ne vous écoute toujours pas…Ce n’est pas parce qu’on n’est pas écouté au moment où on se parle qu’on ne le sera pas demain. Je veux rester optimiste. Le rôle de l’AFFA, c’est d’être à l’écoute du foot d’en bas et de faire remonter ses propositions. On est des professionnels du foot amateur, on connaît son intimité, ses difficultés, ses attentes et ses espoirs. Aujourd’hui, on a plus de 3 000 clubs qui nous suivent dans ce mouvement. On a demandé 300 millions d’euros dans le cadre d’un fonds d’urgence parce que le début de la saison prochaine va être décisif. Ce n’est pas une somme exceptionnelle quand on sait que le foot amateur fait remonter 150 millions par an. On a également proposé à la FFF de faire un emprunt auprès de la grande banque avec laquelle elle est partenaire. C’est totalement indolore pour elle et ça montrerait son attachement aux fondations du football français.

L’aide financière proposée par l’État n’est donc pour l’instant pas suffisante ?J’ai entendu parler de 12 à 15 millions d’euros. Est-ce que ça vaut la peine d’en parler ? Je ne crois pas…

J’ai entendu parler de 12 à 15 millions d’euros. À titre de comparaison, la Fédération française de rugby a mis 35 millions d’euros sur la table avec des décisions immédiates et massives.

À titre de comparaison, la Fédération française de rugby a mis 35 millions d’euros sur la table avec des décisions immédiates et massives. Il s’agit de 35 millions pour 1900 clubs alors que dans le football amateur, on parle de 15 000 clubs. La Ligue de football amateur (LFA) n’est qu’une sous-commission de la FFF, elle n’a pas d’autorité juridique, pas de personnalité morale, ni de budget. Comment voulez-vous porter des actions pour le foot amateur quand vous n’existez pas ? C’est aussi pour ça qu’on demande depuis dix ans la création d’une vraie ligue de foot amateur. Ainsi qu’une véritable démocratie. Aujourd’hui, ce n’est plus un souhait, mais une exigence. Et puisque la Fédération ne nous répond pas, l’AFFA demande à tous les clubs amateurs de France d’entrer en résistance.

Craignez-vous que Noël Le Graët augmente l’aide financière accordée au football amateur pour faire passer la pilule ? On est très attentif aux mesures qui seront prises. Mais qu’on ne vienne pas nous dire que les ligues et les districts vont être mis à contribution. D’après le rapport de la Cour des comptes, nos instances intermédiaires ont thésaurisé de manière excessive sur le dos des clubs. On ne sortira pas de cette crise uniquement parce que la Fédération aura mis un peu d’argent pour calmer la révolte. Ce qui se passe est plus profond, c’est une colère très forte. Ce n’est pas le rejet d’un homme, mais celui d’une gouvernance et d’un système.

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