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En 1993, la réserve du Hertha Berlin atteignait la finale de la Coupe d’Allemagne

Par Julien Duez
En 1993, la réserve du Hertha Berlin atteignait la finale de la Coupe d’Allemagne

Il n’y a pas si longtemps, les équipes réserves pouvaient encore prendre part à la Coupe d’Allemagne. Et celle du Hertha Berlin a réussi ce que les pros de la capitale ne sont jamais parvenus à faire : jouer une finale à domicile. C’était en 1993, face au Bayer Leverkusen.

En 1985, la finale de la Coupe d’Allemagne pose définitivement ses valises au Stade olympique de Berlin après avoir migré de ville en ville pendant des décennies. Depuis, le chant « Berlin ! Berlin ! Wir fahren nach Berlin ! » (« Berlin, Berlin, nous allons à Berlin ! ») résonne dans la bouche des supporters de tout le pays à chaque fois que leur équipe valide son ticket pour la capitale. Tout le pays… ou presque.

En effet, à Berlin même, rares sont les clubs qui ont joué une finale à domicile. On en compte très précisément deux, pour autant de défaites : l’Union en 2001, vaincue par Schalke 04 (2-0) et huit ans plus tôt, en 1993, le Hertha. Enfin, la réserve du Hertha plutôt. Ou comment, malgré un revers face au Bayer Leverkusen (1-0), des amateurs sont parvenus à faire chavirer les cœurs bien mieux que leurs grands frères de l’équipe première.

Entre Anfield et l’Allegro

Cette histoire, c’est celle d’une bande de Bubis (les gamins, en argot berlinois) âgés de 18 à 23 ans qui, au printemps 1992, se qualifient pour la prestigieuse DFB-Pokal en remportant de justesse (1-0) la Coupe de Berlin face aux Reinickendorfer Füchse, autre club amateur de la capitale. Une victoire qui fait à peine l’objet d’un entrefilet dans la presse sportive allemande, et ne suscite guère l’admiration : jusqu’à la création d’un troisième échelon national en 2008, les réserves de clubs professionnels étaient encore autorisées à participer à la Coupe d’Allemagne. Lors de l’édition 1992-1993, on retrouve aux côtés de l’équipe B du Hertha, qui évolue alors en D3, celle du Werder Brême, du Bayer Leverkusen et du Fortuna Düsseldorf. Alors, quand les Bubis triomphent des amateurs du SG Kirchheim (3-0) au deuxième tour, seuls 300 spectateurs assistent au début de l’épopée, accoudés au pourtour du stade de l’Osloer Straße que les joueurs surnomment ironiquement Anfield Road, tant leur antre contraste avec celui de Liverpool.

À cette époque, l’équipe première du Hertha galère en D2. Autant dire que les moyens n’abondent pas pour permettre aux réservistes de s’entraîner dans les meilleures conditions. Pourtant, l’intendant des Bubis va trouver une solution afin que ses protégés se préparent sur un terrain digne de ce nom. Contre trois maillots des pros et vingt places pour un match au Stade olympique, il récupère les clés d’une enceinte inoccupée, le Stade Napoléon, située dans l’ancien secteur français du Berlin occupé par les quatre puissances vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Une anecdote illustrant la débrouille qui règne au sein de l’effectif de l’entraîneur Jochem Ziegert, lequel emmène ses troupes fêter les victoires à l’Allegro. Un petit restaurant italien dont le gérant, Camillo Mamoghli, « ne connaît strictement rien au foot », mais parvient quand même à pronostiquer correctement tous les résultats jusqu’à la finale.

Un enlèvement pour la bonne cause

Très vite, Don Camillo devient une sorte de trèfle à quatre feuilles pour les Bubis. Lors du tour suivant, ces derniers se paient le scalp du défunt VfB Leipzig (4-2) qui évolue un échelon au-dessus d’eux. En huitièmes de finale, ils reçoivent Hanovre, autre pensionnaire de D2, mais vainqueur de la Pokal l’année précédente. L’effervescence grandit, et les amateurs du Hertha doivent jouer la rencontre au Mommsenstadion – le jardin habituel du Tennis Borussia Berlin – pour faire face à la demande. Résultat, c’est devant 7000 personnes que les gamins se livrent à une bataille haletante. Mais à la mi-temps, Hanovre mène logiquement 0-2. À l’Allegro, Camillo vaque à ses occupations sans se douter qu’à quelques kilomètres, la tension est à son comble. « Soudain, une Mercedes noire s’est garée devant la porte. Deux hommes en sortent, se ruent dans mon restaurant et me traînent avec eux au stade », raconte-t-il, dix ans après les faits. Avec le porte-bonheur présent en tribune, la tendance s’inverse, et le Hertha remporte finalement la rencontre dans les tout derniers instants (4-3). Le lendemain, l’équipe première est éliminée par le Bayer Leverkusen. Alors, quand le tirage au sort envoie Nuremberg, pensionnaire de Bundesliga, défier les Bubis chez eux, le Mommsenstadion est plein à craquer pour un quart de finale qui s’annonce d’ores et déjà historique.

C’est donc par un froid mardi de décembre que le FCN débarque à Berlin, emmené par son légendaire gardien Andreas Köpke. Lequel ne se fait pas de soucis quant à l’issue finale de la rencontre, comme il le déclare avant le coup d’envoi : « Pour nous, la victoire est obligatoire. Sachant qu’il n’a jamais été aussi simple d’accéder au dernier carré, il n’y a aucune excuse possible. » À mi-chemin entre arrogance et excès de confiance, la déclaration fait en tout cas mouche. Les 14 000 spectateurs présents constatent que leurs gamins ont décidé de la jouer au courage. Et le courage, ça finit toujours par payer. À vingt minutes du terme, Andreas Zimmermann ouvre la marque d’un pétard à 25 mètres. « Et puis vient l’égalisation, rembobine Jochem Ziegert, l’entraîneur. Les joueurs sont crevés, et je sais exactement que si on va en prolongation, Nuremberg nous terminera. » Pas besoin de demander plus : le remplaçant Daniel Lehmann prend le dessus sur Köpke et envoie un ballon piqué au fond des filets, une minute après la fameuse égalisation… et une minute avant la fin. David a vaincu Goliath, les Bubis déchaînent les passions. La direction reçoit 400 lettres de supporters qui supplient de ne pas vendre les joueurs au prochain mercato : « C’est avec eux que l’on remontera en Bundesliga ! »

Naissance d’un hymne

Le plus dur serait-il derrière eux ? On pourrait le croire, car en demi-finales, le tirage au sort leur offre le Chemnitzer FC, autre pensionnaire de l’antichambre. Et les Bubis déménagent pour la deuxième fois. La direction tient en effet à ce que la rencontre ne se joue ni plus ni moins que sur le terrain d’honneur de l’équipe première, au Stade olympique. Ce 31 mars 1993 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de l’Alte Dame, puisque c’est à la mi-temps que le chanteur Frank Zander entonne pour la première fois le morceau Nur nach Hause geh’n wir nicht (« Le seul endroit où l’on ne va pas, c’est à la maison ») qui, 27 ans plus tard, fait toujours office d’hymne du Hertha Berlin. La direction lui avait demandé d’écrire une chanson pour l’occasion, et ce supporter de longue date a, en une nuit, adapté un texte pensé à l’origine pour les piliers de comptoir qui se font jeter de leur bar préféré au moment de la fermeture. « On était dans le vestiaire et en retournant sur la pelouse, on a entendu la fin de la chanson et la formidable ambiance dans le public. Mais nous étions trop excités pour tout comprendre », se souvient le libéro Sven Meyer.

« C’était risqué, j’aurais tout à fait pu me rater, enchaîne Frank Zander. Mais dès les premières strophes, les supporters ont compris que c’était une chanson qui venait du cœur. Quand j’ai commencé, les écharpes ont commencé à s’élever dans le virage et le public a repris le refrain en chœur. J’en avais la chair de poule, mais surtout, j’avais gagné ! » Sur le terrain, les Bubis savourent eux aussi une nouvelle victoire : 2-1. Et l’homme du match n’est autre qu’un certain Carsten Ramelow qui, quelques jours après avoir inscrit son premier but avec les pros devant quelque 5000 spectateurs en D2, triomphe avec les amateurs devant dix fois plus de monde. « À l’époque, je jouais entre les U19, la réserve et les pros. Cela faisait beaucoup et je me suis fracturé le métatarse deux fois d’affilée : d’abord le gauche, puis le droit. J’ai donc suivi les premières rencontres depuis les tribunes », raconte l’intéressé qui aura donc participé à réaliser ce que l’équipe première du Hertha n’est, à ce jour, encore jamais parvenue à réaliser : jouer une finale de coupe dans son propre jardin. La fête qui s’ensuit est très belle, sauf pour les jumeaux Oliver et Andreas Schmidt, qui doivent immédiatement rentrer à la maison pour être en forme le lendemain matin afin de passer un examen de biologie.

Herthamertume

12 juin, jour J. Près de 76 000 spectateurs ont pris place au Stade olympique pour voir les Bubis tenter de se payer le scalp du Bayer Leverkusen. Avant la rencontre, Camillo a un doute pour la première fois et pronostique « 1-0 ou 2-1 ». Les places s’arrachent au marché noir, et les joueurs, du haut de leurs 21 ans de moyenne d’âge, ont du mal à se frayer un chemin jusqu’à l’arène. « Nous étions escortés par la police, et on nous applaudissait à chaque feu rouge. Le bus tremblait ! Aujourd’hui, ça ne se reproduirait plus : les joueurs sont complètement concentrés sur le match avec leurs écouteurs vissés sur les oreilles », reprend Carsten Ramelow. De son côté, Jochem Ziegert sait qu’il a doublement les moyens d’écrire l’histoire, puisque jamais auparavant, une équipe amateur n’était allée aussi loin dans la compétition. « Vous n’avez aucune chance, alors allez-y et saisissez-la ! » assène-t-il à ses joueurs, en guise de dernière consigne. Encore une fois, les Bubis créent la surprise avec un score nul et vierge à la pause. « Ils ne nous ont pas sous-estimés, bien au contraire, poursuit Ziegert. Ils ont joué très prudemment, comme si nous étions Manchester United. Mais il faut reconnaître qu’ils contrôlaient le match, quand nous attendions d’avoir une opportunité pour tenter de faire la différence. »

Hélas, à un quart d’heure du terme, un centre de Pavel Hapal trouve la tête d’Ulf Kirsten qui foudroie Christian Fiedler, 18 piges au compteur. Les amateurs ne s’en relèveront pas. « Mais au cours de ma carrière, j’ai remarqué qu’une deuxième place pouvait aussi être synonyme de réussite », sourit Carsten Ramelow, qui, de tous ses coéquipiers, aura réalisé la meilleure carrière, en portant notamment le maillot de la Nationalmannschaft et celui du… Bayer Leverkusen, avec qui il vivra la légendaire annus horribilis 2002 (perdant le championnat, la finale de la Pokal et celle de la Ligue des champions). Parmi les autres rescapés, on retrouve aussi Andreas Schmidt qui, contrairement à son jumeau, fera finalement remonter le Hertha en Bundesliga en 1997 en compagnie de Fiedler, le gardien. Reconverti en agent du trésor public, Jochem Ziegert aura, lui, gagné la voiture de ses rêves, un cabriolet Triumph TR6 offert par le président de la section amateur de l’époque. Mais ce qui fera définitivement passer les Bubis à la postérité, ce sont les « spaghetti à la Hertha » , inventées par Don Camillo et dont il détaillait la recette quelques années avant sa mort survenue peu après les vingt ans de cette épopée légendaire : « Du filet de bœuf, une sauce tomate à la crème, on épice bien le tout et hop, terminé ! » Le goût des choses simples, en somme.

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Par Julien Duez

Photos : Hertha BSC

Propos de JZ recueillis par Der Tagesspiegel et HerthaBSC.de, de CM par Der Tagesspiegel, de CR par Der Spiegel et ceux de SM et FZ par le Berliner Zeitung

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