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Empoli-Naples, duel de classes

Par Adrien Candau
Empoli-Naples, duel de classes

Alors que le Napoli d'Aurelio de Laurentiis ne cesse de consolider son assise financière et de se stabiliser au sommet de la Serie A, le président des Partenopei n'hésite plus à militer en faveur d'un championnat italien et d'une Ligue des champions de plus en plus élitiste. De quoi attiser les tensions avec l'emblématique président d'Empoli, Fabrizio Corsi, qui se fait le porte-voix des clubs les moins favorisés de l'élite transalpine. Une baston à distance qui épice juste comme il faut le duel que se livreront Toscans et Napolitains ce mercredi, pour le compte de la 30e journée de Serie A.

C’est une interview qui avait fait grand bruit en Italie. Le 21 janvier dernier, Aurelio De Laurentiis déroulait pour le New York Times sa vision d’un football européen et italien de plus en plus excluant à l’égard des formations les plus modestes, notamment en militant pour le développement des ligues fermées. Une sortie qui lui a valu de se faire sèchement reprendre par Fabrizio Corsi, le président d’Empoli, qui, à défaut d’avoir les moyens de son homologue napolitain, a à cœur de défendre une Serie A qui laisserait aussi exister des équipes aux portefeuilles moins étoffés.

L’élite selon De Laurentiis

« Les commentaires de De Laurentiis sont proprement déprimants » , jugeait alors Corsi, président d’Empoli depuis 1991. Il faut dire qu’Aurelio De Laurentiis n’a pas particulièrement cherché à mâcher ses mots. Ce dernier s’est entre autres attaqué au système de prize money des ligues majeures, où tous les clubs, du premier au dernier, touchent une somme liée à leur place finale en championnat, y compris ceux qui sont relégués : « Vous finissez premier, vous recevez 100 millions d’euros, par exemple. Vous terminez en deuxième position, vous gagnez 50 millions d’euros, etc. Ça, ok. Mais si vous finissez dernier, vous devriez payer une amende. »

Colonel Sanders

Le président napolitain ne s’est pas arrêté en si bon chemin, en ciblant plus précisément des formations mineures de Serie A, comme Frosinone (actuel 19e du classement, N.D.L.R) : «   Le problème est que les petites équipes ont les mêmes droits que les grandes… Pourquoi Frosinone pourrait effectuer seulement une saison en Serie A, toucher sa part du gâteau et puis être relégué ? S’ils ne peuvent pas rivaliser, s’ils terminent derniers, ils ne devraient pas recevoir d’argent pour avoir échoué. » Surtout, De Laurentiis a semblé prôner pour l’instauration d’une Serie A en vase clos, un concept évidemment controversé : « La promotion et la relégation sont la plus grande bêtise du football… Les clubs doivent être structurés géographiquement de manière à pouvoir tous être autonomes. S’ils ne peuvent pas survivre financièrement, s’ils ne peuvent pas être autonomes, ils devraient être mis de côté. »

L’obsession de la Ligue fermée

Provocante, résolument clivante, l’offensive médiatique de De Laurentiis ressemble pourtant à une stratégie de communication savamment réfléchie. Avant de se confier au New York Times, il avait aussi dévoilé ses envies d’un football plus vertical et élitiste dans la presse française, comme en atteste cette longue interview qu’il avait donnée au Parisien en octobre dernier, avant le match de phases de groupes de C1 opposant le PSG au Napoli. Il avait alors férocement défendu l’idée d’une Ligue des champions fermée : « Il faut tout changer. Pourquoi l’Europe ne marche pas ? Ça devrait être l’Europe de l’Angleterre, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne. Point. Si vous faites un championnat de cinq nations à la place de la Ligue des champions, avec les quatre premiers de chaque championnat, ça fait 20 équipes. On fait seulement un match sec, sans aller et retour. Le tirage au sort permettrait simplement de désigner si le match est à domicile ou à l’extérieur. Le mardi, le mercredi et le jeudi, vous joueriez cette nouvelle compétition. Samedi, dimanche et lundi, vous disputeriez les championnats nationaux. »

Sarri, Hysaj, Tonelli : made in Empoli

Un scénario aux contours évidemment cauchemardesques pour les clubs qui n’ont pas les épaules pour disputer l’Europe, alors que les championnats nationaux se verraient relégués très loin au second plan, derrière ce super championnat continental. C’en est trop pour le président d’Empoli, Fabrizio Corsi, qui, fin janvier dernier, décidait de répondre aux provocations de son homologue napolitain : « Nous devons faire attention à de telles déclarations, car il y a un risque d’envoyer un message dangereux aux supporters, à savoir que le football n’est qu’un sport de consommation et que les autres valeurs ne comptent pas… Heureusement, il y a la loi du sport qui rend ses jugements. Il me semble que ces dernières années, à Empoli, nous avons beaucoup fait pour le football italien en lançant plusieurs jeunes. Par exemple, ces jours-ci, nous nous intéressons aux garçons nés en 2001, que nous voulons lancer en équipe première l’année prochaine. »

Le tacle est subtil, mais tranchant : si la Lega Serie A n’avait pas redistribué des revenus réguliers à des clubs de dimension moindres comme Empoli, ces derniers n’auraient pas eu les moyens de découvrir et de laisser mûrir des talents d’abord ignorés par les mastodontes du championnat. Comme un symbole, Empoli, actuel 18e de Serie A, est précisément l’un des Petit Poucet dont le travail a le plus profité au Napoli. Avant de devenir le technicien le plus sexy d’Italie sur le banc napolitain, Maurizio Sarri s’était d’abord révélé trois saisons durant à la tête du club toscan, entre 2012 et 2015. Le latéral droit albanais des Partenopei, Elseid Hysaj, a lui aussi fait ses classes à Empoli avant de partir pour Naples, tout comme le milieu polonais Piotr Zieliński et le défenseur central italien Lorenzo Tonelli (actuellement prêté à la Sampdoria). De quoi donner du relief à la vision de Fabrizio Corsi, pour qui une victoire surprise face au Napoli de De Laurentiis constituerait à la fois une étape décisive dans la course au maintien de son club et un succès symbolique pour la Serie A d’en bas.

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Par Adrien Candau

Tous propos issus du New York Times, du Parisien et libero.it

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