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Éminence Grizi

Par Florian Lefèvre
Éminence Grizi

Antoine Griezmann ne se contente pas de faire des célébrations de buts agaçantes, non, il met aussi en scène sa décision de rester à l’Atlético dans un documentaire à l’américaine de 30 minutes sur une chaîne espagnole. Tout cela sonne faux.

Yohan Mollo a beau faire des selfies torse nu sur Instagram toutes les semaines, avoir déclaré un jour que son « inconscient est philosophe » et se retrouver aujourd’hui sans club après un échec à Fulham, bref, faire ricaner la France, il se pose les bonnes questions dans la vie : « À quoi ça sert de vouloir plaire à tout le monde ? » Antoine Griezmann, c’est tout le contraire. Il attire tous les publicitaires, pèse chaque mot qu’il prononce dans les médias et réussit une brillante carrière. Programmé pour être aimé, le meilleur joueur du dernier Euro a réussi son pari. Mais, la vérité, c’est qu’à vouloir plaire à la Terre entière, il devient rebutant à souhait.

30 minutes de documentaire pour annoncer qu’il reste

La radio espagnole Cope a fait fuiter le teaser dans la soirée de mercredi. Une vidéo d’une vingtaine de secondes qui s’ouvre comme un clip de rap US, crachant des percussions à fond et dévoilant la villa du Français, avant qu’il ne prenne la parole : « Vous en avez marre des commentaires qui disent que je pars, que je reste, qu’untel me donne plus, untel me donne moins. Mais la vérité… est que je vais tout dire aujourd’hui. » Quelques heures plus tard, Movistar dévoile la version officielle : ce jeudi, à 21h15, Antoine Griezmann annonce s’il restera ou non à l’Atlético sur la chaîne Cero. Le suspense durera donc toute la journée. Vient le moment fatidique. Une explication de cinq minutes avec un journaliste de la télé espagnole ? Non, 30 minutes de documentaire produit par Kosmos, une société où a investi Gerard Piqué (d’où le fait que le Barcelonais sorte les pop-corns sur Twitter), censées dévoiler deux mois d’hésitation entre rester à l’Atlético ou partir au Barça, les discussions avec ses conseillers dont sa sœur et agent Maud, les négociations, le dilemme et puis finalement l’annonce de la décision dans les dernières minutes : « J’ai décidé de rester » . Rien ne paraît naturel là-dedans.

Certains trouveront cela déplacé d’annoncer ça à 36 heures du premier match des Bleus en Coupe du monde contre l’Australie, après avoir noyé le poisson face à la voix Google Traduction du smartphone d’un journaliste espagnol mardi. Mais le (vrai) problème n’est pas là. Le fait que Griezmann ait l’idée de se mettre en scène comme une vulgaire Paris Hilton et d’avoir précisément planifié deux mois à l’avance de le faire pose question. Pourquoi un tel cinéma ? Et s’il fallait s’y attendre ? Et si, derrière le storytelling parfait du gamin de Mâcon, négligé par les radars de la formation française car trop petit, qui a démarré sa carrière alors que personne ne le connaissait en France, qui a fondu en larmes au Maracanã, qui a marqué le doublé contre l’Allemagne, qui a une belle gueule et qui incarne l’après-Knysna, et si derrière le grand joueur, se cachait un type sans intérêt ?

Griezmann supporte l’OM, mais il vibrait pour l’OL jusqu’à son départ pour le Pays basque. Griezmann est fan de David Beckham, alors il s’est fait tatouer les mêmes gribouillages que David Beckham sur le corps, se coiffe comme lui et porte les mêmes maillots. Griezmann a découvert la NBA à l’âge de 20 ans en côtoyant le Mexicain Carlos Vela à la Real Sociedad, alors quand il va voir un match à New York, il porte le maillot des New York Knicks. Quand il va voir un match à Boston, il porte le maillot des Boston Celtics. Quand il va voir un match à Los Angeles, il porte le maillot des Los Angeles Lakers. Et la liste pourrait continuer avec une bonne louche des franchises de la ligue de basket nord-américaine… En fait, Griezmann aime tellement la NBA qu’il a décidé d’imiter LeBron James en mettant en scène l’un des tournants de sa carrière. Le titre de l’émission TV spéciale qui avait permis à James en 2010 de finir par annoncer un départ de Cleveland à Miami ? The Decision. Le titre du documentaire de Griezmann ? La Decisión.

« Ce mec-là, il est bourré de valeurs positives : il est humble, modeste, accessible, enthousiaste. De plus, il vient après Knysna et ses footballeurs perçus comme bling-bling et arrogants » , affirmait l’année dernière dans SO FOOT Sébastien Bellencontre, le communicant à l’origine du développement de l’image de « Grizi » à partir de 2014. La vérité, c’est qu’Antoine Griezmann ne montre surtout aucune personnalité. En attendant de savoir ce que Diego Simeone, ses coéquipiers et les supporters des Colchoneros ont pensé de sa mise en scène médiatique, il y a une Coupe du monde à jouer et on risque au mieux – ou au pire –, de subir encore pas mal de célébrations Fortnite.

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