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Emergency Brexit

Par Adrien Candau
Emergency Brexit

Alors que Londres et Theresa May se creusent actuellement la tête pour négocier avec l'Union européenne les conditions précises d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE, Mauricio Pochettino, le grand manitou de Tottenham, a tiré la sonnette d'alarme la semaine dernière en affirmant que le Brexit gonflait de 30% les coûts de construction du nouveau stade des Spurs. De quoi alimenter encore un peu plus le flou et les doutes relatifs aux dépenses additionnelles qu'une sortie de l'Union européenne engendrerait pour les clubs d'outre-Manche.

Le chiffre a de quoi interpeller. Un zéro tout penaud. Cet été, Tottenham n’a pas dépensé le moindre pound pour renouveler son vestiaire. Une vraie bizarrerie : c’est la première fois dans l’histoire de la Premier League qu’un club n’achète aucun joueur durant le mercato d’été. Alors Mauricio Pochettino a dû donner quelques explications aux supporters des Spurs : « Il y a la construction du nouveau stade qui coûte 1,1 milliard d’euros… Avec le Brexit, c’est plus cher, car le prix a augmenté de 30%. » Le prix d’une sortie de l’UE, un élément qui obsède les politiques et la vox populi britannique, mais aussi les clubs de Premier League.

En première ligne

Alors que le Brexit sera théoriquement effectif le 31 décembre 2020, les clubs d’outre-Manche se triturent les méninges pour tenter d’anticiper ce que la scission du Royaume-Uni avec l’Union européenne leur coûtera. Pour l’heure, tout le monde est dans le flou : les critères fixant précisément les contours de la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE sont encore à définir. Néanmoins, le gouvernement de Theresa May semble partisan d’une solution intermédiaire : le fameux « soft Brexit » qui épargnerait les biens de consommation en garantissant la libre circulation des produits, pour pouvoir continuer de commercer avec l’Union. Une voie médiane, qui n’épargnerait cependant pas la libre circulation des personnes, alors que Londres tient à garder la main sur sa politique d’immigration et d’accueil des travailleurs étrangers. Le cas échéant, la Premier League et son contingent de joueurs non-britanniques seraient en première ligne. À en croire Pochettino, elle paierait d’ailleurs déjà les coûts du Brexit, alors même que le Royaume-Uni fait toujours techniquement partie de l’UE.

Le juste prix

Chiffrer les coûts que le vote en faveur du Brexit a déjà eu sur le football professionnel anglais semble pourtant hasardeux. Un rapport publié fin juillet par la société de jeux en ligne Bwin estime que l’annonce de la sortie de l’Union européenne a coûté près de 270 millions de livres aux clubs de l’élite anglaise. Un chiffre calculé en fonction de la diminution de la valeur de la livre sterling par rapport à l’euro, depuis que l’Angleterre a voté le Brexit en juin 2016. Ce taux d’échange plus défavorable aurait coûté en moyenne une livre de plus pour tous les huit livres dépensées par les clubs d’outre-Manche, quand ils achètent des joueurs évoluant dans des pays dont la monnaie est l’euro. « Mais les gens se concentrent trop sur les transferts. Il faut aussi penser salaires, explique Simon Chadwick, professeur d’économie du sport à l’université de Salford. Un club comme Tottenham doit sans doute contractuellement payer certains de ses joueurs étrangers en euros. Prenons Lloris par exemple, dont le salaire est peut-être versé à un compte français. Avec ce nouveau taux de change plus désavantageux, le club paie plus cher qu’avant le Brexit. »

Le pire sera cependant à venir une fois que l’Angleterre ne sera effectivement plus membre de l’UE. Si la législation relative aux travailleurs étrangers en Angleterre reste telle quelle, les joueurs européens évoluant en Premier League ne bénéficieront plus d’avantages relatifs à leur statut de citoyen de l’UE. Ils auront ainsi un statut similaire à celui des joueurs extracommunautaires et devront avoir l’approbation de la Fédération anglaise (FA) pour pouvoir demander un visa ou un permis de travail pour jouer sur le sol anglais. C’est là que la procédure peut s’avérer corsée. Et faire de gros dégâts. Selon Miles Jacobson, directeur de Sports Interactive, l’entreprise qui développe le jeu vidéo Football Manager, et dont les développeurs ont simulé les conséquences du Brexit sur la Premier League, « environ 25% des joueurs de la Premier League n’obtiendraient certainement pas de permis de travail… »

Brexit and don’t come back

Une estimation basée sur le règlement de la FA : ce dernier stipule que les joueurs éligibles à l’obtention d’un permis de travail doivent avoir participé à un pourcentage prédéfini de matchs avec leur équipe nationale ces deux dernières années. Ce pourcentage varie en fonction de la qualité de l’équipe nationale du joueur. Plus la sélection est compétitive, moins il est important : il est de 30% pour les joueurs évoluant dans les sélections classées de 1 à 10 au classement FIFA, de 45% pour ceux jouant dans celles classées de 11 à 20, de 60% pour ceux appartenant à des sélections entre la 21 et la 30e place et ainsi de suite.

Les joueurs ne remplissant pas ce critère peuvent demander une dérogation exceptionnelle, accordée cas par cas. Le potentiel futur club d’un joueur peut alors arguer que l’expérience et le montant de transfert du joueur signifient qu’il devrait être éligible à l’obtention d’un permis de travail. « Il y a des dérogations, oui. Mais si cette régulation avait été mise en place il y a quelques années, un joueur comme N’Golo Kanté n’aurait jamais pu évoluer en Premier League » , relève Tom Cannon, professeur de développement stratégique à la Liverpool Management School et spécialiste de l’économie du foot anglais. « Ceci dit, je pense que la Premier League va négocier avec le gouvernement des réglementations spéciales, relatives aux footballeurs étrangers, nuance Simon Chadwick. Même si, pour le moment, personne en externe ne sait rien de ces pourparlers et s’ils existent. » Signe que la Premier League n’a sans doute pas fini de pagayer dans le brouillard et de se poser un bon paquet de questions. En attendant le 31 décembre 2020, le Brexit et ses premiers éléments de réponses.

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Par Adrien Candau

Propos de Simon Chadwick et Tom Cannon recueillis par AC

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