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Eh, Fernando Santos, t’aurais pas oublié Beto ?
Le sélectionneur portugais a dévoilé la liste des 26 joueurs convoqués pour affronter la Tchéquie (24 septembre) et l'Espagne (27 septembre). Et dans cette liste, il manque un joueur qui casse l’écran depuis plusieurs mois déjà : Beto, l’avant-centre de l’Udinese.
Norberto Bercique Gomes Betuncal, dit Beto, n’espérait certainement pas grand-chose, lorsque Fernando Santos a annoncé la liste des 26 qui allait disputer les deux derniers matchs de la phase de poules de la Ligue des nations. Et pour cause : à 24 ans, il ne compte aucune sélection en équipe du Portugal. Difficile, de toute façon, de se faire une petite place au soleil au beau milieu de Cristiano Ronaldo, Diogo Jota, João Félix, Rafa Silva ou Rafael Leão. Pourtant, si Ricardo Horta (SC Braga) et Pedro Neto (Wolverhampton) y sont parvenus, pourquoi pas lui ? Après tout, cela fait environ 9 mois que Beto Betuncal monte en puissance du côté de l’Udinese. Et le joueur réalise un début de saison à l’image de son club : explosif. Les Frioulans trustent en effet la troisième place du classement, à un point du duo Naples-Atalanta, et ont déjà cassé la figure de la Roma (4-0) et de l’Inter (3-1). Beto, lui, s’est affirmé comme le terminal offensif de cette équipe : il occupe la troisième place du classement des buteurs de Serie A, avec quatre réalisations en sept apparitions. Mais d’où sort donc ce grand dadais, qui rêverait d’être le Eder de 2022 ?
Au comptoir du KFC
Lorsqu’il regarde dans le rétro, Beto doit se dire qu’il a parcouru un sacré chemin, lors de la décennie qui vient de s’écouler. Né à Lisbonne en 1998, il s’inscrit pour la première fois dans un club de foot en 2007, à l’União de Tires, près de la ville de Cascais. Son modèle s’appelle Samuel Eto’o, à tel point que, dans ses cahiers, il écrit son nom « Beto’o » . Quelques années plus tard, des recruteurs de Benfica le repèrent et le font venir. Mais la marche est visiblement trop haute. La saison ne se passe pas bien, et à la fin de l’année, le joueur n’est pas conservé. « Il n’était pas prêt à aller là-bas, mais comment refuser un club de ce genre ? s’interroge Luis Lopes, son entraîneur à Tires, pour le média italien Chronache di Spogliatoio. Il s’est retrouvé au bon endroit, mais au mauvais moment. À Benfica, ses coéquipiers le chambraient parce qu’il n’était pas au niveau, et ainsi, il s’est retrouvé isolé. » Un peu découragé, il rentre à Tires, et pour mettre du beurre dans les épinards, décroche un petit job au KFC. Le foot ne fait plus franchement partie de ses priorités, il veut juste profiter de l’été avec ses amis. Au KFC, il sert les clients, prend les commandes, nettoie les tables. Malgré son jeune âge, il mesure déjà près d’1,90m (il fait aujourd’hui 1,94m), et forcément, au comptoir, les clients l’interrogent : « Tu es basketteur ? » « Non, je suis attaquant », répond-il, même si, à cette époque là, il pense plutôt à tout plaquer.
Mais le destin va venir s’en mêler. Un jour où il sort du boulot et se rend à la plage, Beto tombe sur le président de l’União de Tires. Débute alors plus d’une heure de discussion, au cours de laquelle le président va véritablement remotiver son joueur, en trouvant les mots justes. « Il lui a dit que rêver d’être footballeur ne suffisait pas, poursuit Luis Lopes. Il fallait qu’il s’autodiscipline et qu’il fasse ressortir sa personnalité. Il lui a conseillé d’avoir le regard du tigre et de démontrer chaque jour ce qu’il valait. » Récit confirmé par Beto lui-même, lors d’une interview à DAZN : « Il m’a fait un tel sermon que pendant une heure et demie, je n’ai pas vu le sable. Finalement, il m’a convaincu de revenir. » Mais pour avoir eu « l’audace » de quitter l’União de Tires, Beto va devoir manger son pain noir. À savoir : aller jouer dans l’équipe B, la Juniors B. Une punition ? Non, plutôt une aubaine pour le joueur. « Je n’étais pas concentré sur le foot à l’époque, donc si j’avais été en équipe 1, je n’aurais pas assuré. Alors que là, j’avais la confiance de tous. Ça a été ma chance. »
Bouteilles d’eau et balles de tennis
Son autre chance, c’est d’avoir été accompagné par Luis Lopes. Qui va véritablement le forger, aussi bien d’un point de vue sportif que caractériel. « Je l’ai convaincu de changer radicalement sa mentalité, son style de vie, son alimentation, la façon dont il se comportait aux entraînements. « Arrête de sortir et couche-toi tôt! »Je crois que j’ai réussi à le toucher dans son orgueil. » Mais Beto est un têtu, une tête brulée, alors Luis Lopes doit serrer la vis. « Un jour, il n’était pas motivé pour s’entraîner. Alors je lui ai dit que désormais, c’est lui qui porterait les bouteilles et les gourdes. Et il fallait qu’elles soient toujours remplies ! Si elles étaient vides, il ne jouait pas. Au début, il a traîné la patte. Puis il s’est exécuté, en silence. » Petit à petit, Beto change de mentalité, d’approche, et progresse. « Physiquement, c’était déjà un monstre, mais il devait améliorer sa technique. Pour le faire progresser, je le faisais jongler avec une balle de tennis, et je lui promettais des cadeaux. Une confiserie pour chaque exercice réussi », rembobine Luis Lopes. Finalement, les remontrances de l’un et les efforts de l’autre finissent par payer : à l’été 2018, l’Olimpico Montijo, club de troisième division portugaise, lui propose un contrat. Et c’est avec une émotion non dissimulée que Luis Lopes assiste à l’éclosion de son (grand) protégé : 21 buts en 34 matchs de D3. Suffisant pour susciter l’intérêt de Portimonense, club de première division, qui lui fait signer un bail de quatre ans en juin 2019.
Et après une première saison d’adaptation, marquée notamment par la pandémie de Covid-19 (11 matchs, 0 but), il devient l’un des points fixes de son équipe lors de l’exercice 2020-2021. Il marque notamment un magnifique retourné contre Tondela, ce qui lui vaut le surnom de « Haaland portugais », en référence à sa grande taille et ses immenses guiboles.
Lors du dernier jour du mercato 2021, l’Udinese se présente avec une offre de 10 millions d’euros. Ni une, ni deux, Beto saute dans l’avion et débarque en Italie. Où il ne mettra que quelques mois avant de se faire un nom. Puissant, rapide, bon de la tête, redoutable dans la surface, il a déjà martyrisé les défenses de la Lazio (doublé), de l’Atalanta, du Milan ou encore de la Fiorentina. De quoi, vraiment, rêver d’une convocation last-minute en équipe du Portugal. Et si celle-ci n’est, au vu de la dernière liste, pas d’actualité, elle pourrait ne pas être aussi utopique que ça dans un futur proche : le mercredi 14 septembre, le quotidien frioulan Il Gazzettino assurait que Fernando Santos avait envoyé des émissaires pour l’observer lors du match face à Sassuolo, disputé le 11 septembre. Résultat : Beto a planté un doublé. Allez, une convocation, des tenders et des frites, s’il vous plaît !
Par Éric Maggiori