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Édison Flores, un Inca dans la ville

Par Antoine Donnarieix
Édison Flores, un Inca dans la ville

Majoritairement composé de joueurs issus des championnats américains, le Pérou possède cinq éléments habitués à l’Europe. Mieux : l’un d’entre eux, Édison Flores, évolue depuis deux saisons dans le club danois de l’Aalborg BK. Voilà le parfait espion inséré dans un royaume susceptible d’être bientôt trahi par son invité.

« Goooooooooooooooooool ! » Durant trente grosses secondes, le commentateur de la radio Programas Perú bloque sur un mot sorti du cœur. Après 72 minutes d’un combat fratricide face à l’Équateur, l’antépénultième journée des qualifications de la zone Amsud tourne en faveur des Incas. Grâce à qui ? Un certain Édison Flores, 23 printemps et auteur de son cinquième but dans ces éliminatoires. À ce stade du mini-championnat, c’est autant que son coéquipier Paolo Guerrero, l’avant-centre de la sélection. Un coup de tonnerre célébré par le buteur à la manière de Juan Roman Riquelme, les oreilles orientées vers un parcage péruvien en furie.

À vrai dire, les oreilles du natif de Lima font parler depuis longtemps, comme le décrit sa mère Alicia dans le programme Gracias Mamá pour P&G Perú. « Un jour, mon fils vient me dire que ses coéquipiers l’embêtent parce qu’ils l’appellent « Orejón » (Feuille de chou en VF). Le lendemain, je suis allée sur le terrain pour parler à ces gamins. Lui ne voulait pas, il pensait que ce serait encore pire ensuite… Et il avait raison ! Mais cela s’est arrangé : au fur et à mesure, il s’est fait à ce surnom affectif. » Ou comment transformer une supposée faiblesse en force.

Collique néphrétique

Au départ, c’est dans le quartier de Collique que le gamin caresse ses premiers ballons et casse ses premiers reins. En accord avec sa mère Alicia, Édison voue une partie de son temps libre au football au sein de l’école Héctor Chumpitaz. Le planning quotidien est chargé. « Mon fils partait à l’école à sept heures du matin, terminait à treize heures et jouait au football l’après-midi, poursuit Alicia. Son retour ne se faisait pas avant 22 heures le soir, et derrière, il fallait faire ses devoirs. Très tôt, il a appris à devenir indépendant, car son rythme l’exigeait. Un jour, il est venu me voir pour me dire : « Maman, si je continue comme ça, je vais craquer. » Là, je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit : « Mon fils, tu vas y arriver ! » Parfois, il fallait se coucher à deux ou trois heures du matin, mais le travail était fait. »

Et visiblement, ce travail paie. Que ce soit en classe, où le fiston enchaîne les excellentes notes au collège Andrés Avelino Cáceres, ou en football, où ses prestations XXL lui permettent de faire partie des grands espoirs de l’Universitario. En 2011, Édison Flores y remporte la Copa Libertadores des moins de vingt ans. À 17 ans, il est d’ailleurs élu meilleur joueur du tournoi. Un bond en avant pour sa notoriété, et qui explique en partie sa présence actuelle dans le championnat danois sept années plus tard. « Lors de notre première rencontre en 2016, j’ai tout de suite décelé qu’il était prêt à venir chez nous, confie le directeur sportif d’Aalborg Allan Gaarde. L’objectif était clair : il ne souhaitait pas s’engager dans un championnat majeur comme la France ou l’Espagne. Venir ici lui permettrait d’apprendre et de s’acclimater étape par étape. Sa décision était liée à un bon développement professionnel. »

Gaarde : « Je lui ai souhaité bonne chance par Whatsapp »

Réfléchi, Édison Flores semble avoir tiré les leçons du passé. Élément de la réserve de Villarreal où il est cédé courant 2012 grâce à ses exploits sud-américains, le garçon ne joue pourtant pas un seul match avec les pros. Un an et demi plus tard, Orejas trouve refuge à l’Universitario, qui connaît bien son poulain. Ce deuxième exil en Europe, c’est donc une nouvelle opportunité de réussir à l’étranger. De quoi motiver le principal intéressé. « Il s’est mis dans la tête que pour réussir, il devait s’acclimater à Aalborg et rencontrer des locaux, s’imprégner de la culture locale, analyse Gaarde. Son énergie était positive, il voulait prendre des cours en langues étrangères. Depuis deux ans maintenant, il bénéficie d’une assistance complémentaire car sa femme exerce le métier de docteur et parle très bien l’anglais. Au début c’était compliqué, mais maintenant il s’en sort bien ! »

À l’aise dans sa nouvelle ville et volontaire sur le terrain, ce gaucher cumule un but et six passes décisives pour la saison 2017-2018, terminée au cinquième rang du championnat. « À Aalborg, c’est une personne humble et réservée, pas du tout une star qui prend la grosse tête au moment d’arriver en Europe. Édison est un joueur avec un gros cœur. » Un organe vital que le milieu de terrain trapu compte bien utiliser à bon escient face au Danemark, à Saransk. « Je lui ai souhaité bonne chance sur Whatsapp, confie Gaarde. Le Pérou attend une Coupe du monde depuis si longtemps… Édison en parlait en fin de saison, c’est une immense fierté pour son pays. Il donnera le meilleur de lui-même, soyez-en sûrs. De mon côté, je serai dans le stade, à la fois supporter d’Édison et du Danemark ! Peut-être que nous pourrons nous croiser… » Pour cela, il pourrait lui mettre la puce à l’oreille.

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Par Antoine Donnarieix

Propos de Gaarde recueillis par AD

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