ACTU MERCATO
Éder, un Euro à disputer et une réputation à briser
Barré à Swansea par Bafé Gomis, Éder a débarqué à Lille à la surprise générale. La perche portugaise a déjà disputé une mi-temps sous les ordres d'Antonetti sans convaincre réellement, mais en montrant beaucoup de bonne volonté. C'est bien là l'une des rares choses que l'attaquant a pour lui.
Hugo Almeida parti à Hanovre et Hélder Postiga à Rio Ave, Éder se devait de réagir, lui qui s’est mis hors-course à l’Euro 2016 en signant du côté de Swansea. Bingo. À quelques heures de la fin du mercato hivernal, l’international portugais a trouvé un club intéressé par sa venue – et intéressant pour lui – : le LOSC. « L’avis de Rony Lopes, qui m’a dit du bien de Lille, a beaucoup compté. Il adore le LOSC et m’a transmis l’envie de venir. J’ai aussi appelé Bafétimbi Gomis qui m’a donné de bonnes informations. » Ou quand le bourreau sauve sa victime en l’aidant à s’évader. Barré à Swansea par l’ancien Lyonnais, l’attaquant lusitanien n’a gratté que quelques minutes (un peu plus de 400 toutes compétitions confondues) en Angleterre sans jamais rien montrer. On lui accordera néanmoins l’excuse du manque de rythme. Avec la sélection en revanche, on ne peut pas en dire autant. Des minutes, il en a eu. Et pourtant, en 20 sélections, l’homme aux tresses n’a planté qu’une pauvre banderille en match amical contre l’Italie, à la faveur d’un joli numéro du Benfiquista Eliseu et d’un délicieux centre de Ricardo Quaresma. À part cela, rien. Le néant, le vide absolu. Des contrôles ratés, des tirs lamentables, une timidité handicapante et juste un physique imposant pour ne pas prendre l’eau. C’est très peu pour le très haut niveau. Éder en est conscient et c’est déjà un bon début. « À Lille, je veux marquer plus de buts. » Ça serait bien, oui.
« Parfois, il est trop gentil »
Pour améliorer sa finition, le Portugais doit comprendre ce qui ne va pas dans son jeu. Willy Boly, défenseur central du Sporting Braga et coéquipier du buteur longiligne la saison passée, se souvient des reproches qui étaient faits au néo-Lillois à l’entraînement. « Eder est un gros travailleur, il a la niaque. Il court énormément à l’entraînement comme en match. Parfois un peu au détriment de sa finition. C’est ce que lui expliquait l’entraîneur (Sérgio Conceição, ndlr) l’année dernière. » Au regard des premières déclarations de la nouvelle recrue des Dogues depuis son arrivée et de ses 45 premières minutes dans le Nord, on n’a pas l’impression que celui-ci ait particulièrement envie de changer cet aspect de son jeu. « J’aime tout donner sur le terrain, j’aime beaucoup jouer avec mon physique pour pouvoir amener l’équipe vers l’avant. » Plus qu’un mot, l’équipe est une priorité pour le natif de Bissau. À en croire Boly, son ancien pote « pense toujours beaucoup au collectif » . Parfois un peu trop. « S’il peut donner le ballon à un gars au lieu de tirer, il le fera. Le coach disait aussi qu’il était trop gentil dans le sens où, s’il est bien placé, qu’il demande la balle près du but et que son coéquipier la joue solo plutôt que de lui faire la passe, il dira quand même « C’est bien joué, la prochaine fois tu feras mieux », au lieu de donner de la voix. » Vérification immédiate mercredi soir : on joue la 81e minute, Sofiane Bouffal part en contre et décide pour la énième fois de croquer le ballon et frapper plutôt que de la transmettre à Éder, dont la réaction est inexistante. Il faudra bien un jour qu’il se serve de l’autorité naturelle conférée par son âge (28 ans) afin de recadrer son nouveau coéquipier, aussi talentueux qu’individualiste. Car s’il se contente de se taire et d’applaudir, il ne verra jamais le ballon dans la surface, et encore moins l’Euro 2016.
Pressing et jeu dos au but
Malgré des pieds carrés quand il est en manque de confiance – et il l’est souvent – et un manque de caractère certain sur le terrain, Éder a quelques talents cachés qui peuvent s’avérer utiles d’un point de vue tactique. C’est triste à dire, surtout pour un « buteur » , mais l’international lusitanien possède un meilleur jeu sans ballon qu’avec. Sa combativité fait de lui un gros emmerdeur pour les défenseurs adverses, que ce soit au pressing ou de par ses appels et contre-appels. D’autre part, son jeu de déviation dans les airs, ainsi que sa qualité dos au but seront précieux pour les ailiers et latéraux des Dogues. Des points positifs peu nombreux, mais qui, toujours d’après Willy Boly, devraient suffire à « aider un Lille pas très en forme » , bien que le Français s’inquiète tout de même de l’adaptation d’Éderzito au football hexagonal. « En France, il n’y a pas le même état d’esprit sur le plan offensif qu’au Portugal, ou tout est plus collectif. Autant du point de vue physique, il n’y aura pas de problèmes, autant le fait qu’on laisse les attaquants se débrouiller quasiment tout seuls devant pourra lui causer des soucis au début. Mais je pense qu’il va réussir son passage à Lille. En tout cas, j’ai hâte de le voir à l’œuvre en France. » Il faudra s’habituer à l’y voir jouer avec la tunique rouge du LOSC. Et, si l’expérience s’avère fructueuse, avec celle du Portugal pendant l’Euro. Mais ce sera difficile. Car si la concurrence au poste de 9 est inexistante, il semblerait que Fernando Santos se soit résigné à jouer sans véritable pointe. Éder a quatre mois pour présenter suffisamment d’arguments à son sélectionneur pour le faire changer d’avis. Top chrono.
Par William Pereira