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Dybala, l’arme fatale
Encore diminué physiquement, régulièrement mis en retrait du onze type par Allegri cette saison, Paulo Dybala est dans le flou depuis plusieurs mois. Mais représente paradoxalement l'atout numéro un d'une Juventus qui doit absolument retrouver son mordant offensif pour croquer Tottenham ce mercredi.
Il y a quelque chose d’étrange dans la trajectoire qu’emprunte sa saison. Fin octobre dernier, Paulo Dybala pouvait tranquillement s’affaler sur son canapé, les doigts de pieds en éventail, avec le sentiment du devoir accompli. Il lui suffisait alors de faire les comptes pour synthétiser son début de saison : 10 matchs de Serie A, 10 buts. Un sentiment de plénitude finalement éphémère. Cinq mois plus tard, la Joya est un homme qui se cherche, au sein d’une Juventus qui a cessé de tout miser sur son joli minois, mais qui ne cesse pour autant de compter sur lui quand les enjeux s’élèvent. La marque d’un type qui garde pour lui un talent unique au sein de l’effectif piémontais : celui de pouvoir inventer une action à partir de rien.
Dybala-mania
Le numéro 10 en a fait une nouvelle illustration ce samedi face à la Lazio. Fraîchement de retour de blessure depuis la mi-février, Dybala souffre, asphyxié par l’axe central laziale. Il parvient pourtant à avaler goulûment quelques bouchées d’air dans le temps additionnel. Dans un trou de mammifère rongeur, il claque un petit pont sur Luiz Felipe, pour envoyer ensuite un ballon en pleine lucarne (0-1, 90e+3). La suite ? Du grand classique. L’extase, les embrassades avec ses équipiers et un petit mot sympa d’Allegri en fin de match : « Le but signifie beaucoup pour Dybala et l’équipe. » Le Mister turinois le sait : face à la Lazio, comme face à Tottenham il y a deux semaines, la Juve a bafouillé son football, de bout en bout. Seule différence notable : elle avait cette fois-ci Paulo Dybala pour la sortir du pétrin.
Un joueur qu’Allegri a pourtant veillé à utiliser avec parcimonie ces derniers mois. La faute à un amoncellement de problèmes, qui ont fait redescendre la Joya sur terre après un début de saison où il avait insolemment plané sur la Serie A. Moins en vue à partir de début novembre, Dybala semble alors accuser le coup de ses soucis extrasportifs. Perturbé par ses problèmes de cœur avec sa chère et tendre, Antonella Cavalieri, le joueur se sépare aussi de son agent, Pier Paolo Triulzi, qui avait un peu trop forcé sur la Dybala-mania en début de saison, en multipliant les comparaisons entre Messi et son poulain.
De quoi exaspérer Massimiliano Allegri, qui sort l’extincteur pour mettre fin à l’enflammade : « Ces comparaisons sont stupides. Elles n’ont pas lieu d’être. Et elles font plus de mal à Dybala qu’autre chose. » De fait, le grand manitou de la Juve ne fait aucun cadeau à son numéro dix dès qu’il constate que ce dernier accuse une baisse de régime. La Vieille Dame abandonne ainsi progressivement le 4-2-3-1, un système censé permettre à Paulo d’exprimer toutes ses qualités, pour un 4-3-3 plus classique. Une formation qui fait rapidement ses preuves : avec un Dybala le plus souvent réduit à un rôle de joker de luxe, la Juve se reconstruit un collectif en béton armé, qui ne concède qu’un pion en quinze matchs entre la fin novembre et la mi-février.
« Pas de problème Dybala »
Rien d’inédit pour Allegri, habitué à scotcher temporairement au banc ses stars lorsqu’elles ne sont pas au niveau attendu. L’ex-Mister milanais avait déjà sorti de son équipe type Gonzalo Higuaín en début de saison, lorsqu’il estimait que ce dernier n’était pas encore au point physiquement. Pavel Nedvěd, le vice-président de la Juve, n’avait pas manqué de le rappeler, au moment de décrypter le cas Dybala mi-décembre dernier : « Allegri traite tout le monde de la même façon, il a déjà fait ce genre de chose avec Higuaín ou Mandžukić par le passé… Donc il n’a pas été particulièrement dur avec Paulo. » Malin, Allegri n’oublie pas de présenter la mise en retrait de Dybala comme un contretemps passager : « Paulo n’est absolument pas un problème pour la Juventus. Le problème serait de ne pas l’avoir… Il y a des moments où vous avez besoin de certains joueurs et des moments où vous avez besoin d’autres… Mais c’est une longue saison, il y a beaucoup de matchs et nous aurons besoin de ses buts. » Seul couac dans la stratégie d’Allegri : la blessure de l’Argentin début janvier, qui manque le huitième de finale aller de C1 face à Tottenham. Pour le résultat qu’on connaît : une Juve apathique et dominée pendant tout le match, à l’exception notable des dix premières minutes.
Lethal weapon
Depuis, Dybala a fait son retour sur les prés. Sans pour autant parvenir à transformer le jeu des siens, moins inspirés offensivement depuis plusieurs semaines. Mais en démontrant qu’il était toujours capable de transmuter une action banale en un but hors norme, comme face à la Lazio ce week-end. La marque d’un fuoriclasse qui peut tout changer d’un coup de patte, même quand il est diminué. Pas fou, Allegri promet pour la rencontre retour face aux Spurs un match ouvert, où la Vieille Dame se lâchera plus qu’à l’accoutumée : « Face à la Lazio, ce n’était pas la meilleure performance au niveau technique, mais nous étions vigilants sur leurs contre-attaques, car ils nous ont fait du mal dans le passé dans ce registre. Mercredi, nous avons besoin d’une performance et d’une approche très différentes, parce que Tottenham ne défend pas aussi bien que la Lazio. » Une approche différente, pour sans doute mieux fournir en munitions Paulo Dybala. Une arme humaine qui n’a pas besoin de grand-chose, sinon d’un bon angle de tir, pour s’avérer fatale.
Par Adrien Candau