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Drinkwater, le porteur d’eau

Par Romain Duchâteau
Drinkwater, le porteur d’eau

Ce n’est pas le plus élégant, pas le plus talentueux ni même un joueur sur lequel le public s’attarde. Pourtant, Danny Drinkwater figure désormais parmi les milieux qui comptent outre-Manche, d’où sa première convocation en sélection. Devenu une pierre angulaire au sein du Leicester de Ranieri, l’Anglais s’est pourtant longtemps construit dans l’ombre à Manchester United.

À le regarder sans vraiment prêter attention, c’est une conférence de presse comme une autre pour Roy Hodgson. Une de plus. Les yeux vitreux, la veste de costume noire impeccable et sobre, la posture relâchée. Mais quand le sélectionneur anglais, d’un ton toujours aussi monocorde, déclame un à un les joueurs retenus pour les matchs amicaux contre l’Allemagne et les Pays-Bas, l’assistance retient son attention un instant. Sur un nom pour le moins singulier au Royaume. Celui de Danny Drinkwater. Et au regard de sa saison renversante qui l’a érigé comme un rouage essentiel de la formation de Leicester, l’évidence s’impose à tous. « Ce qu’il a fait jusqu’ici semble assez évident pour tout le monde » , s’est ainsi justifié le boss des Three Lions. « Il réalise une saison fantastique dans une équipe qui l’est tout autant, mais nous étions déjà attentifs à son sujet l’année dernière. Il évolue à un poste où la concurrence est féroce. À l’occasion de ces matchs amicaux, je pense que c’est l’opportunité de le faire entrer et voir s’il peut reproduire le genre de prestations qu’il fournit à Leicester au niveau international. » Parce que, oui, la perspective de pouvoir représenter le pays de Sa Majesté est une grande première pour le milieu de terrain des Foxes. Une fierté, un accomplissement personnel même. Après avoir longtemps tracé sa route escortée de doutes encombrants.

Manchester United, le regret d’une vie

Dans une équipe de Leicester qui n’en finit de défier semaine après semaine la raison et la logique, Daniel Noel « Danny » Drinkwater se voit accorder aujourd’hui une mise en lumière légitime. Parce qu’il s’est construit dans l’un des plus grands clubs d’Angleterre, mais, toujours, dans l’ombre. Né à Broadheath dans le Greater Manchester, le gamin effectue ses premières caresses avec un ballon au sein du club Unicorn Athletic Juniors avant d’être repéré à l’âge de neuf ans par Manchester United. Chez les Red Devils, le milieu franchit les étapes progressivement dans chaque catégorie. En U18, il évolue notamment aux côtés de Danny Welbeck (Arsenal) et Tom Cleverley (Everton) – les deux seuls qui ont véritablement percé au très haut niveau avec lui – et se hisse avec eux jusqu’en finale de la FA Youth Cup 2007. C’est alors le temps des promesses. Des plus belles prédictions, aussi. Mais quand il semble en âge de prétendre à l’équipe première, celui qui grandit en admirant Paul Scholes à la fois pour ses qualités de joueur et son caractère taciturne envers les médias est confronté à une concurrence féroce dans l’entrejeu mancunien. À l’époque, son idole rouquine, Carrick, Fletcher ou encore Anderson bouchent l’horizon.

Alors, de 2009 à 2012, Danny Drinkwater enchaîne les prêts aux étages inférieurs. Pour se forger, s’aguerrir, s’endurcir. En League One d’abord, à Huddersfield Town (2009-2010), puis en Championship sous les tuniques de Cardiff City (août-décembre 2010), Watford (février-mai 2011) et Barnsley (août-décembre 2011). Des expériences enrichissantes qui ne lui offrent toutefois pas l’opportunité de se mettre en évidence. En treize années passées à United, il n’est apparu qu’une seule fois sur le banc mancunien, lors de la dernière journée de championnat en 2008-2009, et n’a jamais eu l’opportunité de disputer une rencontre. La peur de ne pas s’établir au plus haut niveau est réelle. À l’été 2012, l’heure du départ est donc actée. Mais, même des années plus tard, la blessure reste encore béante au moment d’évoquer cet échec. « Je n’ai pas eu une attitude aussi bonne que j’aurais dû avoir » , reconnaissait-il avec lucidité début mars au Daily Mail. « Je ne blâme pas Manchester United. J’ai retenu des leçons sur ce dont vous avez besoin pour réussir. Au début, quand je suis parti, ça m’a fait mal. J’étais vidé. J’ai toujours supporté United, mais je suppose qu’il y a toujours une partie de moi qui veut prouver que des personnes ont eu tort. Donc si quelqu’un à United est en train de penser : « Nous n’aurions pas dû nous séparer de lui », alors c’est à mettre à mon crédit. »

Avec N’Golo, ça coule de source

Drinky l’avoue lui-même : « Tout à coup, en allant à Leicester, le football devenait juste toute ma vie. » Si Leicester représente désormais un terrain d’expression idoine pour lui, tout n’a pas été aussi évident à l’orée de son aventure. Il a fallu s’armer de patience. Et, surtout, prouver encore et encore. Si Danny s’élève rapidement comme un titulaire inamovible lors de ses deux premiers exercices avec les Foxes en Championship, il ne connaît pas pareille réussite quand le club accède à l’élite. Sous l’égide du fantasque Nigel Pearson, qui évoquait le joueur à l’époque comme « un caractère assez compliqué » , le milieu britannique est relégué au rang de second couteau derrière le chevronné Esteban Cambiasso, Matty James et Andy King (15 titularisations en 23 apparitions de championnat en 2014-2015). Une frustration qui a pris fin avec l’arrivée de Claudio Ranieri sur le banc l’été dernier. D’entrée séduit par les qualités étalées par le gaillard anglais, le manager italien l’installe au milieu, aux côtés de N’Golo Kanté, et base son bloc équipe sur cette paire complémentaire. Au volume de jeu sidérant et aux courses répétées de l’ex-Caennais, Drinkwater ajoute des passes courtes et longues millimétrées, ainsi que des tacles à foison (83, soit le total le plus élevé pour un milieu anglais en PL). « Il est toujours disponible auprès de ses partenaires pour demander le ballon. Avec Kanté, ils forment un duo solide, analysait récemment Ranieri. Ils échangent et se comprennent mutuellement. Et j’aime quand Drinky va tacler et remporte ses duels, c’est important pour moi. Il est aussi très attentif à l’équilibre entre le moment où nous attaquons et celui où nous défendons. Quand il fait des erreurs, il est très en colère. Je l’aime, car il veut être à son meilleur. »

Les fans, eux aussi, se sont peu à peu pris d’affection pour ce unsung hero. Il n’est ainsi pas rare d’entendre le peuple paré de bleu du King Power Stadium entonner ces quelques vers : « So here’s to you Danny Drinkwater, Leicester loves you more than you will know, oh woah oh oh. » Un patronyme également atypique dans le paysage du football anglais – signifiant littéralement en français « boire de l’eau » – qui lui a valu d’être tourné en dérision. Notamment en août dernier quand, après avoir été vu en train de se réhydrater pendant une pause sur la pelouse, certains utilisateurs de Twitter en ont profité pour distiller des vannes comme « Drinkwater drinks water. Perfection » ou « Danny Drinkwater is actually drinking water. What a beautiful sight » . Mais le milieu s’accommode avec humour de cela et n’hésite pas à rire de lui-même. Comme lors de la Christmas Party de Leicester à laquelle il était venu déguiser en Raphael des Tortues Ninja, tandis que Jamie Vardy et Rober Huth avaient respectivement débarqué en Batman et Power Ranger. « Je ne pense pas que Cristiano Ronaldo pourrait sortir dehors en tortue » , se marrait-il encore au Daily Mail. « Mais on est un groupe normal de gars. Cela correspond à notre état d’esprit. » C’est cette insouciance conjuguée à un travail acharné qui lui permet actuellement de vivre la période la plus faste de carrière. Avec, notamment, ce premier appel en sélection nationale. « Ça a été un peu fou, confiait-il récemment à la BBC. Quand l’annonce a été faite, c’était un jour plein d’émotion pour ma famille, mes amis et ma petite amie. C’est le rêve de tous les gars. Si vous demandez à un gamin s’il veut jouer pour son pays, il vous dira oui tout de suite. » Et quid de la perspective de vivre une fin de saison exaltante avec un titre de Premier League et une place dans les vingt-trois Three Lions à l’Euro ? « Cela sonnerait exactement comme je voudrais que ça se passe. Personnellement, ce serait l’une des meilleures années de ma vie. » De quoi boire un peu plus que de l’eau.

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