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Douglas Costa, la fièvre brésilienne du Bayern

Par Romain Duchâteau
Douglas Costa, la fièvre brésilienne du Bayern

Coups de reins foudroyants, vélocité, passements de jambe, virgules et passes décisives. La partition récitée par Douglas Costa depuis le début de la saison au Bayern Munich est renversante. De bon augure pour ce joueur dont le modèle n'est autre que Ronaldinho.

Comme un ballet enivrant qui ne s’arrête jamais. Poser son regard durant quatre-vingt-dix minutes sur Douglas Costa, c’est se livrer à un exercice contemplatif rare. C’est, aussi, accepter le fait d’être suspendu à une « patte gauche » , à ses accélérations pétaradantes, à ses arabesques. Cette saison, le Brésilien est sans doute le joueur le plus fascinant en Bundesliga. L’un des plus saisissants sur le Vieux Continent, capable d’égayer une soirée morne. Toute la quintessence de l’ailier du Bayern Munich se trouve là. Dans l’audace d’avoir confiance en soi. Dans l’envie de constamment surprendre le public. « Dans n’importe quel sport, je pense que c’est nécessaire d’avoir confiance en ce que tu fais, philosophait-il récemment, avant de porter la bonne parole. J’aimerais dire à tous les enfants du monde que si vous désirez quelque chose dans la vie et réussir, il faut travailler dur, lutter, toujours persévérer, et un jour, votre heure viendra. » Celle de Costa semble être enfin arrivée. Mais avant de distiller des frissons à foison sur le devant de scène, il a fallu combattre les préjugés au pays et se laisser porter par le souffle de l’Europe de l’Est.

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L’héritier de Ronnie

Même encore aujourd’hui, Douglas Costa de Souza fait figure de poids plume au sein de l’élite européenne avec 64 kilos sur la balance et 1m72 sous la toise. Plus jeune, son physique chétif l’était encore plus. Au Grêmio, son club formateur, cette apparence frêle et malingre l’a desservi pendant son adolescence. « On l’avait prêté à un de nos clubs filiales de la région, se remémorait dans la presse brésilienne, l’année dernière, Julinho Camargo, l’un de ses premiers coachs au pays. Un jour, nous le retrouvons pour un tournoi. Avant de jouer contre nous, il nous avait prévenus et avait dit : « Vous allez voir ce que je vous réserve. » Il était remonté comme un coucou. J’ai dit à mes gars de bien le surveiller, parce qu’on savait qu’il avait du talent. Lors du match, il nous a tout fait, il nous a battus à lui tout seul. Après avoir inscrit un but, il a couru vers moi et m’a dit : « Vous voyez ce que je suis capable de faire. Donnez-moi une autre chance. » Il m’a bluffé. On l’a alors rapatrié au club et on l’a préparé au très haut niveau. » Cette préparation passe avant tout par la nécessité d’épaissir son corps. À quinze piges, l’enfant prodige de Sapucaia do Sul pèse seulement quarante-trois kilos. En trois ans plus tard, grâce à de la musculation, à un programme d’exercices spécifiques et à un régime alimentaire à base de protéines et suppléments, il prend vingt et un kilos. Le commencement des premières réjouissances.
En deux saisons passées dans son club formateur (2008-2010), l’ailier fait succomber la Serie A brésilienne. Fulgurances, gestes techniques inventifs, chevauchées somptueuses et cheville élastique. Il n’en faut alors pas plus pour que les comparaisons s’amoncellent entre lui et Ronaldinho, autre talent inestimable également bercé par le Grêmio dans sa jeunesse. Le Ballon d’or 2005 continue d’ailleurs encore aujourd’hui d’être sa première source d’inspiration : « Je pense qu’être un modèle pour quelqu’un est quelque chose de très important. J’ai le mien. À chaque fois que je vois Ronaldinho, j’ai l’estomac noué parce que c’est le genre de joueur que je voudrais être un jour, je voudrais être aussi bon que lui. C’est un gars incroyable, pas seulement sur le terrain, qui veut toujours faire plaisir aux fans. » À l’instar de Ronnie à son époque, le talent de Douglas devient rapidement trop grand pour le championnat auriverde. C’est lors de la Coupe du monde des U20 disputée avec la Seleção en Égypte, en 2009, que son parcours prend une nouvelle dimension. « On était dans un restaurant à São Paulo avec deux observateurs du club du Shakhtar Donetsk. Comme ils ne l’avaient pas vu jouer, ils avaient peur de se positionner, raconte Franck Henouda, agent français qui officie depuis dix-huit ans et qui a œuvré pour la venue de nombreux Brésiliens au club ukrainien. À la télé passait un match de la Coupe du monde des U20 entre l’Australie et le Brésil (1-3, octobre 2009). En seconde période, Alex Teixeira et lui ont été exceptionnels. Costa avait déjà toutes les qualités requises. » Sur ce match, le jeune milieu de terrain claque un but et délivre une passe décisive. Des promesses suffisantes pour le Shakhtar qui lâche, en janvier 2010, six millions d’euros afin de s’attacher les services de la pépite.

« Il fallait éduquer Douglas comme professionnel, l’éduquer au football européen »

Le principal intéressé le reconnaît lui-même. Son passage à Donetsk s’est avéré être décisif et une période charnière dans sa carrière : « En Ukraine, c’était bien. C’était une période où j’avais besoin d’évoluer. Car si j’étais venu au Bayern directement, je n’aurais pas pu être prêt pour devenir ce que je voulais être. » . En Europe de l’Est, Costa a suivi l’itinéraire classique de ses compatriotes arrivés très jeunes au Shakhtar. Avant lui, Fernandinho (Manchester City), Willian (Chelsea) ou encore Luiz Adriano (AC Milan) ont tous été façonnés là-bas. Comme eux, il est arrivé brut et a dû connaître le même processus de formation. « Mircea Lucescu aime le profil de joueurs techniques, dynamiques et qui vont vite, corrobore Franck Henouda. Il veut les prendre bruts, les préparer. » L’entraîneur roumain, au Shakhtar depuis 2004, a effectivement joué un rôle prépondérant dans la progression du diamant auriverde. « Au Shakhtar, on crée des personnalités, des joueurs de caractère, souffle Mircea Lucescu. La première chose qu’on fait ici, c’est de les éduquer comme professionnels, de les éduquer au football européen. Car quand ils arrivent, ils n’ont pas encore ce bagage. J’ai dû également faire un travail avec Douglas. Mentalement, il fallait changer son éducation, car il venait d’une autre culture, d’un autre pays et ne bénéficiait pas d’une grande instruction. » Après avoir intégré l’exigence requise, après s’être acclimaté durant deux bonnes saisons au championnat ukrainien, la cuvée 2012-2013 marque le début de son envol.
« Au fur et à mesure, il est devenu de plus en plus important. Il pouvait jouer à gauche, à droite, partout sur le front de l’attaque. Il avait des qualités évidentes : il était très rapide et avait une très bonne technique, explique en détail Lucescu. Mais il devait améliorer certains aspects de son jeu : le contrôle du ballon, la possession de balle, car il était parfois trop rapide et commettait des erreurs. Il a fallu en quelque sorte le stabiliser pour qu’il donne le meilleur de lui-même. On construit les joueurs pour les amener à ce niveau-là. Il a vingt-cinq ans désormais, mais se comporte comme un joueur de trente-deux ans, il a la même maturité. » En Ukraine, l’aisance technique de l’artificier brésilien qui frise l’indécence a parfois même sidéré ses adversaires sur le terrain. « Quand on a joué contre lui, il a réalisé une action extraordinaire qui a fait que je me suis même moqué de mon ancien coéquipier, se souvient Serge Akakpo, international togolais passé au club ukrainien Hoverla Uzhhorod entre janvier 2014 et août 2015. Il jouait ailier droit, mais est gaucher. À un moment, on lui fait une passe appuyée. Le latéral gauche monte sur lui. Il ne contrôle pas le ballon et sur sa première touche, il fait un double contact inter-exter petit pont. Franchement, j’étais choqué ! Je n’ai jamais vu un truc comme ça. C’est un joueur déroutant. » Et l’ancien joueur formé à Auxerre, actuellement prêté à Trabzonspor, d’éclairer en profondeur sur le profil de Douglas : « Ce n’est pas quelqu’un qui abandonne. Il va répéter des courses, en faire cinq, six, sept de trente-quarante mètres pour demander le ballon. Si on ne lui met pas le ballon, il ne râle pas, mais se replace. Il insiste toujours. La plupart des joueurs qui ont cette qualité font ces courses deux, trois fois. Pas plus. En plus, il est assez régulier. Sur la majorité des matchs qu’il a disputés, il a été bon et peu importe si son équipe gagne ou perd. C’est une force. »

Meilleur joueur de la phase aller en Bundesliga

L’une des autres forces de l’international brésilien (15 sélections, 2 buts), c’est de conjuguer esthétisme et efficacité. Plaisir personnel et altruisme. Comme son modèle Ronaldinho à ses plus belles heures. Un joueur singulier qui a définitivement conquis Pep Guardiola lors de la double confrontation entre le Shakhtar et le Bayern Munich (0-0, 7-0), en 8e de finale de C1, la saison dernière. Cet été, après 202 matchs sous la tunique de Donetsk (38 buts, 40 assists) et onze trophées soulevés, Douglas Costa a donc rejoint la Bavière contre un joli chèque de trente-cinq millions d’euros. Et à peine arrivé dans cet effectif XXL et étoilé, le charme a immédiatement opéré. « Douglas Costa a une qualité très difficile à trouver : il peut dribbler. Tout entraîneur cherche un tel joueur, l’encensait son entraîneur catalan, en août dernier. Il n’est ici que depuis un mois, mais il va devenir l’un des cinq meilleurs ailiers au monde. Il peut réaliser de grandes choses. » Le Pep a vu juste. Depuis sa venue, l’artiste auriverde a appréhendé avec maestria cette nouvelle étape dans un club majeur en Europe. Statistiques à l’appui. Jusqu’ici, il affiche 5 buts et 15 passes décisives au compteur en 21 rencontres toutes compétitions confondues. L’Allemagne s’est même amourachée de lui. Dans le cadre d’un sondage organisé par le magazine Kicker, il a été élu par ses pairs meilleur joueur de la phase aller en Bundesliga devant Müller et Lewandowski.

« Honnêtement, c’est le joueur qui nous a le plus impressionnés. Il s’est vite adapté au système du Bayern et en est aujourd’hui l’un de ses fers de lance, témoigne Josuha Guilavogui, milieu de Wolfsburg et marqué par la prestation du Brésilien en septembre dernier (5-1). Ils ont besoin de ce genre de joueurs, capables de percuter en un contre un. Entre sa vivacité et son explosivité, c’est très difficile de défendre sur lui. On sent qu’il a gardé en lui cette folie, cette créativité. » Parce que malgré les principes immuables de Guardiola – possession outrancière et redoublement de passes –, le néo-Munichois n’a pas dénaturé son style de jeu. Et continue ses gestes renversants. Comme ce combo roulette-sombrero contre Leverkusen (3-0, août) qui vaudra à Robben, un brin jaloux, de dire qu’ « on n’est pas au cirque non plus ! » Ou ce geste d’une insolence inouïe devant Bellerín lors du déplacement à Arsenal en C1 (2-0, octobre) ( « J’ai dû revoir l’image une dizaine de fois pour comprendre ce qu’il a fait » dixit Akakpo). S’il est déjà devenu une référence outre-Rhin, le joueur de vingt-cinq ans tend à la perfection. C’est pourquoi, depuis son passage au Shakhtar, il s’est adjoint les services d’un préparateur physique personnel qui le fait travailler presque quotidiennement, parfois même jusqu’à deux heures du matin après les matchs. « Je veux être un jour le meilleur joueur du monde, confiait-il récemment. Je pense que le talent seul ne suffit pas. J’aimerais y parvenir. Mais si j’échoue, j’aurai au moins essayé. » Profitons, le ballet de Douglas Costa n’est pas près de s’arrêter.

Par Romain Duchâteau

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