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Dopage : la Russie se (dé)charge

Par Thomas Pitrel, à Novogorsk
Dopage : la Russie se (dé)charge

Soupçonnée de dopage par des médias allemand et anglais, la Russie rejette tout en bloc à travers la voix de son médecin Eduard Bezuglov, que nous sommes allés rencontrer à Novogorsk, le centre d'entraînement de la sélection.

Mardi soir, après la deuxième victoire russe contre l’Égypte, la question avait eu le don de faire sortir le sélectionneur Stanislas Cherchesov de ses gonds : « En Allemagne, certaines enquêtes évoquent des doutes sur les tests de dopage de la sélection. Que pouvez-vous dire là-dessus ? » Réponse : « Soyez respectueux avec les joueurs russes. C’est une Coupe du monde, on parle de foot, je ne suis pas là pour répondre à des supputations farfelues. »

La supputation, pourtant, ne vient pas de n’importe qui : la chaîne de télé allemande ARD est celle qui a diffusé le documentaire qui, en décembre 2014, avait déclenché le scandale du dopage organisé dans l’athlétisme russe, puis le rapport McLaren, décrivant un système de couverture de contrôle antidopage positif dans presque tous les sports russes, y compris le football. Et, enfin, la suspension de la délégation russe des derniers JO d’hiver.

Personne n’a couru plus de kilomètres que la Russie dans ce Mondial

Citant le journal de bord du lanceur d’alerte à l’origine des premières révélations, Grigory Rodchenkov, ARD affirme que la Russie a dissimulé en 2015 le contrôle positif à la dexamethasone de Ruslan Kambolov, qui faisait partie de la liste des joueurs russes pré-sélectionnés pour le Mondial avant d’être écarté pour une blessure. Autre problème : ce vendredi matin, le Daily Telegraph rapportait que la FIFA avait refusé de révéler combien de fois la sélection russe avait été contrôlée depuis le début de la Coupe du monde. Le journal anglais rapportait également les propos de Travis Tygart, le directeur de l’agence américaine antidopage (USADA), qui affirmait qu’il était « naïf » de ne pas penser que la Russie pourrait violer les règles antidopages pendant la Coupe du monde. Avant de marteler : « Des performances extraordinaires exigent des tests supplémentaires. » Après leurs deux victoires, un chiffre impressionnant s’est répandu à propos de la Sbornaya : ses joueurs ont couru au total 118 et 115 kilomètres contre l’Arabie saoudite et contre l’Égypte. Soit les deux performances les plus élevées de la compétition.

Ce matin à Novogorsk, le camp de base russe à mi-chemin entre Clairefontaine et l’INSEP, la nouvelle n’avait pas l’air de troubler grand monde. Ni les gardes en costard-cravate, plus occupés à empêcher les visiteurs de photographier le bus de l’équipe de Russie de hockey, ni les athlètes qui s’entraînent sur la piste d’athlétisme, en plein soleil. Et encore moins les joueurs, qui trottinent sur leur terrain d’entraînement comme si de rien n’était. « Pour être honnête, je n’ai rien lu là-dessus, assure même Igor Smolnikov, défenseur remplaçant sur les deux premiers matchs. C’est juste que nous nous sommes très bien préparés en Autriche. » L’air de Neustift im Stubaital, où la sélection russe a passé dix jours fin mai, aurait donc des vertus insoupçonnées.

Eduard, c’est quoi cette bouteille de lait ?

Signe que la sélection russe est un peu moins sereine qu’elle veut bien le laisser transparaître, son médecin Eduard Bezuglov était envoyé ce vendredi devant les journalistes pour répondre aux questions. Par le passé, Bezuglov est monté au créneau à chaque fois que des soupçons de dopage tournaient autour du sport russe. Soit pour s’inquiéter que les joueurs de la Sbornaya puissent être davantage contrôlés que les autres, soit pour affirmer que les footballeurs russes étaient « les plus propres du monde » . Ce vendredi encore, à Novogorsk, le médecin a choisi une réponse offensive. « Pour parler de la publication dans la presse anglaise, nous aimerions également savoir combien de fois l’équipe d’Angleterre a été contrôlée, a-t-il attaqué. Mais nous ne le demanderions pas à la FIFA puisqu’elle ne répond jamais à ce genre de requêtes. » Puis Bezuglov s’est fait plus précis : « Avec seulement deux rassemblements depuis le début de l’année, entre les tests de la FIFA, de l’UEFA et de Rusada(l’agence antidopage russe au cœur du scandale de dopage organisé, N.D.L.R.), nos joueurs ont été contrôlés plus de 300 fois. Je vous parie une bouteille de lait, allégé bien sûr, que c’est plus de deux fois le nombre de tests pour les joueurs anglais. Donc je pense qu’ils devraient se regarder dans une glace. »

Comment, alors, le docteur Bezuglov explique-t-il les performances physiques des joueurs de la sélection ? Interrogé par nos soins sur le sujet, il manie à nouveau l’ironie. « Un bon entraînement, une bonne motivation, et nous avons toute la Russie derrière nous. Notre équipe a toujours été reconnue pour sa bonne condition physique. Si vous êtes anglais, vous devriez demander à l’entraîneur anglais pourquoi il ne s’inspire pas de nous. Ah, vous êtes français ? La France, la question ne se pose pas, vous avez continué sur votre lancée » , conclut le docteur Bezuglov en partant d’un grand éclat de rire. Sur leurs deux premiers matchs, les Bleus ont couru 206 kilomètres, soit 27 de moins que la Russie.

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