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Dinamo Bucarest : un maillot pour la vie

Par Alexandre Lazar
Dinamo Bucarest : un maillot pour la vie

Monstre sacré du football roumain du haut de ses dix-huit titres de champion, le Dinamo Bucarest est à nouveau entré fin juin en période d'insolvabilité. La dernière étape avant la faillite, six ans après sa première « expérience » du genre. Et si le club survit encore, c'est uniquement grâce à ses supporters-actionnaires du Program DDB. Pour symboliser la lutte de l'inventif peuple rouge et blanc, un maillot-hommage unique en son genre a ainsi été commercialisé.

Si chaque supporter du Dinamo Bucarest se dit « Câine până la moarte și dincolo de ea » (« Chien jusqu’à la mort et même au-delà »), être un « Chien rouge » par ces temps troubles implique vite de lier les actes aux paroles. La mission, acceptée par plusieurs milliers d’entre eux sans broncher ? Maintenir en vie un ancien demi-finaliste de Ligue des champions (1984), qui ne gagne plus rien depuis dix ans et qui se confond dans une médiocrité sportivo-institutionnelle aux accents irréversibles. Dans un monde subordonné aux excès du symbolisme, une tunique noire est sortie du bois. Comme un étendard dressé face aux oiseaux de malheur.

Doar Dinamo București

Ils l’attendaient, le réclamaient presque depuis un an et demi en tapant des pieds sous les fenêtres d’Elyass Bucurică, le leader de la Peluza Cătălin Hîldan (PCH), le massif virage nord des ultras du Dinamo. Le 17 juillet dernier, la cohorte de supporters rouge et blanc a pu admirer le nouveau maillot extérieur de ses ouailles, en valeur de 490 lei (100 euros), celui qui rend hommage à leur degré de dévotion. Normalement équipés par Macron depuis quatre saisons, les Dinamoviștii ont fait une infidélité assumée à la firme italienne sur leur deuxième jeu de maillot. Blanc sur fond noir, répété à l’avant comme à l’arrière, le nom de 2000 chanceux du Program DDB, programme d’autofinancement créé en mai-juin 2018 par lequel les 15 400 socios du Dinamo (supporters ultras comme lambda) contribuent au budget de leur club de cœur depuis janvier 2020. DDB pour Doar Dinamo București (Seulement le Dinamo Bucarest, en VF), bien plus qu’un équipementier de fortune et une cotisation annuelle comprise entre 48 et 19 480 euros, clin d’œil à la date de fondation du club (1948).

« Le fait que le maillot soit noir importe peu : c’est un honneur et une obligation pour le peuple rouge et blanc d’aider le Dinamo à survivre durant la période la plus compliquée de son histoire, livre Vlad, membre DDB Cluj. L’argent récolté pour envoyer ces maillots en production nous a aussi permis de payer la licence pour participer à la saison 2021-2022 du championnat roumain. Qui plus est, si certains veulent une variante rouge du maillot, c’est possible d’en faire la demande. » L’objectif principal de DDB ? Résorber du mieux possible les dettes envers les joueurs (passés et présents), le staff et des tiers, tout en assurant certains salaires et primes devant l’absence d’investisseurs dignes de ce nom. Les anciennes gloires comme Mircea Lucescu, les personnalités du showbiz (chanteurs, acteurs) et du sport (boxeurs) fans déclarés des Alb-roșii, mais aussi les moins attendus Guus Hiddink et Patrick Kluivert : tous contribuent, de manière mensuelle, à l’existence de DDB. « DDB est présent sur tous les méridiens, poursuit Vlad. Notre slogan est :« Dans cette vie, il nous reste encore une chose à faire. »Si la plupart des membres sont issus de Bucarest ou des autres sections organisées dans les grandes villes, la diaspora, via DDB UK (Royaume-Uni, NDLR), DDB Spania (Espagne), DDB Italia (Italie), DDB Canada ou DDB Franța (France) a son mot à dire. » Le 28 juin, le Dinamo entrait en période d’insolvabilité pour la deuxième fois de son histoire : comprenez l’ultime opportunité de restructurer le club et de régler les arriérés de paiement avant la faillite. Dix millions d’euros de dettes en 2014, encore six millions aujourd’hui… En Roumanie, que la banqueroute touche l’Astra Giurgiu ne choque pas. Mais le grand Dinamo, sérieusement ?

Agonienamo

En pleine pandémie, les membres DDB ont été les premiers du pays à acheter des billets pour chaque match de leur équipe et à remplir virtuellement l’Arena Națională (55 634 places, plus d’une trentaine de matchs à guichets fermés)… alors que les élèves de Ionel « Jerry » Gane disputaient leurs rencontres dans le vétuste Ștefan cel Mare (15 032 places). Lundi 26 juillet, nouveau moment d’histoire : 38 000 billets virtuels ont été vendus pour la rencontre face au FCU Craiova, le premier sold out en Roumanie pour un match disputé à l’extérieur. Pourtant, la situation financière précaire n’est jamais loin. « La vérité, c’est qu’on n’avait pas assez de maillots rouges. Ils sont arrivés jeudi, on n’a pas eu le temps de tous les préparer et de les floquer. Voilà pourquoi on a joué en vert, contre Voluntari (lors de la première journée de championnat il y a dix jours, NDLR) » , résumait le nouveau directeur exécutif des Câinii roșii Iuliu Mureșan, le 20 juillet dernier. « Quand les investisseurs espagnols, Pablo Cortacero en tête, sont arrivés au Dinamo en août 2020, personne ne pensait qu’ils feraient pire que la gouvernance Negoiță, abonde Vlad. En réalité, les dix millions d’euros promis n’existaient plus. Des dizaines de joueurs espagnols ont signé, appâtés par des gros salaires dont ils n’ont jamais vu la couleur. Borja Valle, par exemple, devait toucher 33 000 euros par mois (le plus gros salaire de Liga 1, NDLR). On apprendra plus tard que Benel International SA, l’entreprise qui employait Cortacero, avait fait faillite en décembre. Leur capital social n’était plus que de 500 euros… »

Et si la solidarité tente d’exister à travers un maillot, l’unité totale est chimérique : SUD Dinamo, le virage sud des ultras, refuse de prendre part au projet. « Il y a toujours eu des frictions, parfois violentes, entre SUD et la PCH. SUD ne veut pas passer outre les divergences du passé, et doute de la viabilité de DDB », indique Vlad. Un énième signe de division au sein des tribunes roumaines, alors que, côté terrain, FCD est frappé d’une interdiction de transferts onéreux et fait fuir les joueurs. À ce jour, seuls deux d’entre eux ont reçu tous les paiements qui leur étaient dus : Steliano Filip et Deian Sorescu, le piston droit et top joueur du championnat dont le (futur ?) départ contre un million d’euros pourrait renflouer les caisses. Les autres se sont fait une raison, restent par bénévolat, ont quitté le navire… ou ont décidé de réclamer leurs impayés auprès de la FIFA, comme le nouveau playmaker d’Ascoli Diego Fabbrini. Des mois décisifs se profilent : ceux d’une danse sur un pied autour des cercles de l’enfer, alors que les supporters-actionnaires de DDB détiennent aujourd’hui 20,06 % des parts du club, un an et demi après les 100 000 premiers euros injectés. Aux Chiens et à leur tenue sombre d’éviter la fosse aux lions.

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Par Alexandre Lazar

Propos de V. recueillis par AL, propos de IM tirés d'une zone mixte sur Digi Sport.

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