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Deeney est servi

Par Charles Alf Lafon
Deeney est servi

Élevé par un criminel avec des valeurs, passé par la case prison, Troy Deeney est pourtant un homme apaisé, capitaine de Watford et fer de lance de l'attaque des Hornets. Un homme à qui il ne faut pour autant pas trop se frotter.

« Être allé en prison est la meilleure chose qui me soit jamais arrivé. Les deux années précédent cela, je pensais être un homme parce que je sortais pour boire et que je payais pour tout le monde. Je suis plus heureux maintenant, je suis satisfait de la vie. Avant, il m’arrivait de me réveiller en m’inquiétant du loyer de 50 £ que je devais à ma mère. Ça c’est de la pression. Ma mère disant que les huissiers arrivent: c’est de la pression. Être capitaine de Watford en Premier League, ce n’est pas de la pression. C’est une joie. C’est une raison de sourire » . En quelques mots au Daily Mail, Troy Deeney a posé les bases de sa vie. Troy Deeney, un nom qui ne dit a priori pas grand-chose. Sauf si l’on se rappelle l’une des situations les plus incroyables que le football ait jamais créé. Le 12 mai 2013, Watford affronte Leicester City en demi-finale retour de play-off pour l’accession à la Premier League. Temps additionnel, 2-1 pour Watford, 2-2 en cumulé. Pénalty pour les Foxes. Si Anthony Knockaert marque, son équipe va en finale. Mais il bute sur Almunia, deux fois. Un contre plus tard, Deeney marque le but de la gagne à la 97e. Un moment fou.

Des bons et des mauvais souvenirs

Si Watford s’inclinera finalement à Wembley face à Crystal Palace, Deeney tient là un sacré souvenir. Tout comme le sera ce premier match de Premier League à domicile, le brassard au bras gauche. Le droit est réservé à un homme des plus influents: son père, enfin celui qu’il appelle comme cela. « Mon père biologique nous a abandonné avant ma naissance » , explique-t-il. « De mon point de vue, c’était juste un donneur de sperme » . Pour lui, son père s’appelle Paul Anthony Burke. Sur son bras droit, on trouve donc une tombe avec ce nom, ses dates de naissance et de décès. Un peu plus bas, des images représentant son combat entre le bien et le mal. Plus haut, sous la protection d’un ange, les portes du paradis. Et au niveau de l’épaule, ses yeux qui deviendront un visage. Un hommage à Burke, qui a collectionné les aller-retours en prison pendant l’enfance de Deeney, prétextant des voyages d’affaire et des vacances. « C’est peut-être bizarre pour certains quand je dis que j’ai admiré sa morale. Mais il m’a appris la responsabilité. Ne jamais blâmer quelqu’un d’autre. Si tu fais une erreur, c’est ton erreur. Ne fais pas quelque chose juste parce que quelqu’un t’a dit de le faire et ne te plains pas ensuite si quelque chose se passe mal. Il exigeait de nous un bon comportement et qu’on puisse se débrouiller tout seul » . Deeney ne pense pas avoir eu une enfance malheureuse. Pour lui, c’était normal d’entendre les huissiers tambouriner à la porte de l’appartement familiale, au 19e étage d’une tour de Chelmsley Wood, en banlieue de Birmingham. Que son père soit parti pendant six ou sept mois par an. Que sa mère ait trois jobs pour nourrir les siens. Le foot était la norme.

La prison comme rédemption

Après des débuts à Aston Villa, il retourne à Chelmsley Town, chez lui, tout en se préparant à devenir maçon. Mais Walsall le repère, le prête en septième division, il marque, il revient en League Two puis One, il marque toujours. En 2010, Watford mise 500,000 livres sur lui. Il s’habitue tranquillement au Championship. Le début de la grande vie, avec tous les faux amis autour. Et puis arrive février 2012. Le tournant. Il apprend en même temps que lui que son père souffre d’un cancer en phase avancé. Pour la première fois, il le voit pleurer. Un coup dur. Le lendemain soir, Deeney sort pour oublier. Il boit, trop, avec sa clique. Alors que la nuit touche à sa fin, quelqu’un lui dit que son frère est attaqué. Sans réfléchir, il fonce dans le tas, distribuant les coups avec férocité et frénésie. Sur une vidéo de surveillance, on le voit frapper dans la tête d’un étudiant au sol. Trois mois plus, son père meurt de son caner à l’oesophage, à 47 ans. Trois jours plus tard, Deeney est condamné à dix mois de prison. Il n’en fera que trois, pour bonne conduite. Suffisant pour que tous ses « amis » prennent la tangente. Deeney se dit transformé. Dix jours après, il est déjà de retour sur le terrain, avec un bracelet électronique à la cheville. Depuis, il n’a plus jamais arrêté de marquer: 65 buts en trois saisons de Championship. Il est même devenu capitaine. Contre Everton lors de la première journée, Deeney n’a pas marqué, laissant Layún et Ighalo ce plaisir, pour un match nul 2-2 au goût doux-amer. WBA est prévenu, Deeney revient de loin.

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