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Declan Gallagher, de la prison à l’Euro

Par Alexandre Delfau
Declan Gallagher, de la prison à l’Euro

En 2016, Declan Gallagher était en prison. En 2021, l'Écossais s'apprête à disputer l'Euro avec son pays. Le fruit d'une ascension fulgurante depuis la fin de son incarcération pour agression, d'un soutien indéfectible du Livingston FC et d'une main tendue par un certain David Martindale.

Il sera, avec Quincy Promes, le seul joueur de l’Euro 2021 à avoir goûté à la prison. Mais à l’inverse de l’attaquant des Pays-Bas, Declan Gallagher n’y a pas mis les pieds pour avoir été accusé d’avoir poignardé un membre de sa famille. Surtout, contrairement au Néerlandais, il n’a pas passé que quelques petites heures derrière les barreaux. Tout remonte au 17 juin 2015 : le costaud défenseur central d’1,96m pour 86 kilos formé au Celtic et passé par Stranraer, Clyde et Dundee, vient de remporter la Challenge Cup avec Livingston, pensionnaire de deuxième division écossaise. Malgré cette réjouissance footballistique, le joueur de 24 ans est rattrapé par son passé, puisqu’il est condamné à trois ans de prison ferme pour agression.

« Une attaque brutale »

Les faits remontent au 21 avril 2013, à l’hôtel Parkville, un établissement trois étoiles de Blantyre, une ville située dans la banlieue sud-ouest de Glasgow. Ce jour-là, Marie Dockery, 45 ans, est présente avec son conjoint Stephen Findlay, 43 ans, pour fêter l’anniversaire de mariage de sa sœur. Vers 22 heures, elle se rend sur le parking de l’hôtel pour prendre l’air et tombe sur son fils, Declan McCart, en train de se disputer avec Greg Anderson. Le fiston a semble-t-il essayé de draguer la petite amie d’Anderson. Débarque alors un nouveau personnage : Anthony Murray, ami de Greg Anderson (et de Declan Gallagher). Il se joint à la fête et donne un coup de poing au visage de Declan McCart alors que ce dernier se rendait aux toilettes. Les minutes passent, et alors que Marie Dockerey et Stephen Findlay attendent un taxi dans le hall de l’hôtel pendant qu’elle lui fait part de la situation, la situation dégénère. Le couple est battu par au moins trois personnes, dont un Declan Gallagher armé d’une batte de base-ball, qui se défoule sur Findlay. Si Gallagher nie s’être muni d’un quelconque objet pour porter ses coups, Stephen Findlay est transporté à l’hôpital dans un état grave, avec une hémorragie cérébrale et deux fractures du crâne. Il doit passer cinq jours en soins intensifs et se faire opérer à plusieurs reprises pour se remettre de ses blessures, qui laissent malgré tout comme séquelles 22 points de suture, des maux de tête sévères et de sombres et récurrents flashbacks.

De la Tony Macaroni Arena au château Huntly

« Il n’a jamais été contesté que l’agression de M. Findlay était une attaque brutale, condamne dans les médias locaux le shérif Douglas Brown. La seule peine appropriée est l’emprisonnement. La seule question est la durée de la peine. » Celle-ci est donc de trois ans pour Declan Gallagher, mais le défenseur de Livingston fait appel de la décision du palais de justice d’Hamilton et il est dans un premier temps libéré sous caution. Son club, avec qui il était en fin de contrat en juin 2015, le soutient coûte que coûte et choisit de le prolonger en attendant le verdict de l’appel. « Nous sommes d’avis que, pendant qu’il est en liberté sous caution,[Declan Gallagher]devrait avoir la possibilité de gagner sa vie et de subvenir aux besoins de sa famille pendant qu’il continue de se battre pour blanchir son nom, indique un communiqué du LFC. Nous savons que dans ce processus, il y a de nombreuses victimes, dont Declan, et que tout le monde ne sera pas à l’aise avec l’approche adoptée par le club. Cependant, le club n’est pas en mesure de porter un jugement. » Après avoir pris part à 30 matchs toutes compétitions confondues lors de la saison 2015-2016, l’intéressé voit malgré tout son appel rejeté et est incarcéré en février 2016, d’abord à la prison Saughton d’Edimbourg, puis pour sa sécurité de personne renommée au château Huntly, un établissement pénitentiaire situé à onze kilomètres à l’ouest de Dundee.

Le système judiciaire est une blague. Ils auraient pu me tuer, mais pourtant, aucune justice n’a été rendue.

Mais après seulement 7 mois purgés sur les 36 initiaux, Declan Gallagher se voit attribuer le droit de travailler cinq jours par semaine, tout comme celui d’une libération hebdomadaire d’un jour. Le défenseur central peut donc rechausser les crampons, mais sans faire de matchs, il s’entraîne ainsi la semaine avec Raith Rovers, club de Scottish Championship et dont les infrastructures se trouvent à proximité du château Huntly. « Cela n’a aucun sens. Gallagher est peut-être un footballeur, mais il n’aurait pas dû être libéré si rapidement », confie une source pénitentiaire au Daily Record. De son côté, la nouvelle est un véritable choc pour Stephen Findlay, dont les deux grandes cicatrices sur le crâne laissent une trace indélébile du 21 avril 2013. « Quand quelqu’un est envoyé en prison, il est censé perdre certains de ses droits et sa liberté. Au lieu de ça, Gallagher est autorisé à valser avec une coupe de cheveux à la mode et à publier sur Facebook les photos de la préparation de son mariage, se scandalise la victime, qui n’a pas été prévenue par le tribunal, mais a découvert l’allégement de l’emprisonnement de son agresseur sur le réseau social américain. Le système judiciaire est une blague. Ils auraient pu me tuer, mais pourtant, aucune justice n’a été rendue. » Marie Dockerey, également agressée aux côtés de son mari lorsqu’elle s’est interposée, ne cache pas son désarroi des affranchissements de la peine de Gallagher. « Nous avons perdu toute confiance dans le système judiciaire. Au tribunal, j’ai été obligée de regarder les images de vidéosurveillance de Stephen en train d’être battu à mort, puis de voir toutes ses blessures éclabousser sur les écrans. »

Une main tendue par un autre ex-taulard

Le 4 janvier 2017, le prisonnier est totalement libéré, sous bracelet électronique, après 16 mois passés au total derrière les barreaux. Vingt-quatre heures plus tard, le Livingston FC, relégué en troisième division entre-temps, le fait signer jusqu’à la fin de la saison et un homme est à l’origine de cette main tendue. Entraîneur-assistant et chargé du recrutement, David Martindale a lui aussi connu la prison, pendant quatre ans, entre 2006 et 2010, pour trafic de cocaïne et blanchiment d’argent. Et la seconde chance qu’on lui a donnée en 2014, lorsqu’il a intégré en tant que bénévole le club de Livingston, le pousse à offrir à son tour une deuxième chance à un joueur méritant d’intégrer son effectif. « Quand je recrute un joueur, je recherche toujours les quatre A : attitude, appétit, application et capacité (attitude, appetite, application and ability en anglais, NDLR). L’appétit, car le joueur doit avoir faim, doit avoir l’envie de réussir, d’aller plus haut. Et ce n’est pas juste donner une seconde chance pour donner une seconde chance, c’est seulement si le joueur a l’envie de bien faire, indique l’entraîneur principal des Lions. Je me concentre sur des joueurs pour qui, précédemment, dans leur carrière, tout ne s’est peut-être pas bien passé et désormais, le joueur a envie de prouver. Quand vous avez fait de la prison, vous avez quelque chose à prouver. » À tel point que Gallagher est titulaire deux jours après son retour sous le maillot de Livi et ouvre le score lors d’une victoire 3-2 à Peterhead. « C’était un jour que j’attendais depuis longtemps. J’étais un peu dépassé par tout ça et je ne savais pas si je devais célébrer lorsque j’ai marqué. Mais c’était juste un grand soulagement, car je devais montrer que je méritais d’être ici », confie l’intéressé quelques jours après son come-back.

Il a joué un rôle majeur dans nos accessions et le succès que nous avons eu jusqu’en première division.

Le pied vite remis à l’étrier, le défenseur, qui a alors 25 ans, préfère aller de l’avant plutôt que de ressasser cet épisode de son existence. « La prison n’a jamais été un endroit où je m’attendais à être au cours de ma vie. Peut-être que dans les années à venir, j’aurai une histoire à raconter sur ce qui s’est passé, mais pour l’instant, je n’ai rien à dire, expédie le natif de Rutherglen. Je dois remercier ma fiancée Nikki, qui a donné naissance à ma fille Shay, pour le soutien qu’elle m’a apporté. Ma famille a également été derrière moi à un million de pourcents. Je dois également remercier les fans de Livingston qui ont été formidables avec moi et les dirigeants qui m’ont soutenu tout au long de tout cela. » Son souhait le plus cher à court terme pour rendre la pareille aux Lions est alors très simple : leur faire retrouver le Championship, avant de quitter l’Écosse pour l’Angleterre et pouvoir, de fait, recommencer sa vie ailleurs. « J’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir, j’aimerais déménager pour quelques années et m’éloigner des feux de la rampe et des problèmes qui me pèsent. » Une envie qui se dissipe peu à peu, puisque Declan Gallagher devient un des grands artisans de la « back-to-back promotion » de Livingston, qui passe en deux ans de la League One à la Premiership, le plus haut niveau du foot écossais. « Declan est un vrai leader, il a du caractère, de la détermination sur et en dehors du terrain, et nous avions tous senti qu’il avait l’étoffe pour faire une bonne carrière une fois qu’il aurait mûri mentalement, livre John Ward, directeur général du LFC depuis 2015. Il a joué un rôle majeur dans nos accessions et le succès que nous avons eu jusqu’en première division. »

Sélection à l’Euro en mode FIFA 21

La suite pour le défenseur, aujourd’hui âgé de 30 ans, n’est qu’une ascension toujours aussi fulgurante. Il signe à l’été 2019 à Motherwell, et sa première saison avec les Steelmen est déjà la bonne, puisqu’elle se conclut sur le podium, derrière les indétrônables Rangers et Celtic. Dans le même temps, Gallagher est pour la première fois sélectionné en équipe nationale d’Écosse, face à Chypre pour les qualifications à l’Euro 2020. Si la deuxième cuvée avec Motherwell fut plus abrupte, avec une élimination au troisième tour préliminaire de la Ligue Europa et une place dans le ventre mou du classement final de Premiership, Declan Gallagher est toutefois devenu capitaine de son club et s’est plus que jamais positionné comme un des meilleurs défenseurs centraux du pays du kilt. David Martindale, l’entraîneur qui l’a remis en selle, garde toujours un œil tendre et admiratif sur l’évolution de son ancien poulain. « Declan est arrivé à Livingston au même moment que moi. C’est un joueur de football fantastique, relève-t-il. Il a pu prendre une mauvaise décision dans sa vie, mais il le sait et il représente désormais son pays à l’Euro, c’est une histoire très inspirante. » Car oui, Declan Gallagher s’apprête donc à disputer un Euro. Dans le clip d’annonce original de la liste des 26 qui représenteront la Tartan Army, un streamer FIFA a dévoilé, en inscrivant un joli ciseau face à l’Angleterre avec le personnage de Declan Gallagher, que ce dernier participera bel et bien au premier Euro de l’Écosse depuis 1996. L’Euro de football, pas de base-ball.

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Par Alexandre Delfau

Propos de Stephen Findlay, Marie Dockerey et Declan Gallagher issus du Daily Record. Propos de David Martindale issus d'une interview donnée pour le SO FOOT #185 et propos de John Ward recueillis par AD.

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