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Décès d’Innokenti Samokhvalov : peut-on vraiment anticiper les problèmes cardiaques des footballeurs ?

Par Florian Cadu
Décès d’Innokenti Samokhvalov : peut-on vraiment anticiper les problèmes cardiaques des footballeurs ?

Après le décès à l'entraînement d'Innokenti Samokhvalov, défenseur du Lokomotiv Moscou de 22 ans, des questions se posent. D'autant que le Russe, mort en raison d'un problème au cœur, est loin d'être la première victime de ce genre. Dès lors, comment prévient-on ces soucis de santé potentiellement graves dans le monde du football en France ? Et le certificat médical constitue-t-il une garantie, que ce soit pour les joueurs amateurs ou professionnels ?

Patrick Ekeng, Cheik Tioté, Ben Idrissa Derme, Joël Lobanzo, Bruno Boban, Brandon Kenemo… Et maintenant Innokenti Samokhvalov. Il avait 22 ans, était défenseur du Lokomotiv Moscou et a rejoint la longue liste non exhaustive des hommes décédés en pleine activité footballistique depuis 2016 en raison d’un problème cardiaque. Ce 20 avril 2020, durant l’entraînement, le Russe s’est écroulé à un âge où la vie n’en est qu’au début de sa folie et ne s’est pas relevé. Un de plus, malheureusement.

Avant lui, d’autres s’en sont mieux sortis. Abdelhak Nouri n’est pas encore remis sur pied, mais son sang circule toujours. Nelson Maxwell, Daley Blind, Lilian Thuram, Steve Savidan, Loïc Rémy, Charles N’Zogbia, Pascal Feindouno, Darko Kovačević ou encore Miguel Almunia, pour ne citer qu’eux, ont d’une certaine manière tous échappé au pire, alors que leur cœur a montré des signes de faiblesse à un moment ou un autre. D’où la question : peut-on vraiment anticiper les problèmes cardiaques des footballeurs, que ce soit dans le monde professionnel ou amateur français ?

Des accidents aussi rares que les ECG ?

Entre 1000 et 1500. Telle était la variation du nombre annuel de sportifs (dont des footballeurs) victimes d’une mort subite en 2016, en France. « Ces accidents restent très, très rares », rappelle François Carré, cardiologue et médecin du sport. Les chiffres indiquent en effet deux décès pour 100 000 joueurs, même si une étude américaine parue dans le New England Journal of Medicine gonfle ce bilan à sept décès pour 100 000. Selon les estimations, la préexistence d’une pathologie cardiovasculaire passée inaperçue est à l’origine de 90% de ces cas. Dès lors, le souci pourrait-il être réglé par un meilleur dépistage ? Chez les amateurs, le certificat médical obligatoire – exigé lors de la demande d’une licence, mais seulement tous les trois ans en cas de renouvellement depuis septembre 2016 – sert normalement à ça.

Sauf que si frauder est passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, beaucoup ne pensent pas aux Baumettes lorsqu’ils obtiennent un sésame photoshopé par leur propres soins ou littéralement donné par certains médecins sans avoir fait cinquante flexions. Et que si les sociétés européenne et française de cardiologie préconisent la réalisation d’un électrocardiogramme (test mettant en évidence diverses anomalies cardiaques) durant la visite (en plus d’un examen physique et d’un interrogatoire, portant notamment sur les antécédents personnels ou familiaux), ce test n’est finalement pas systématique. « Beaucoup de médecins, pas forcément suffisamment formés sur l’appareil, ne se sentent pas à l’aise avec la lecture de l’ECG et ont peur de passer à côté de quelque chose. 85% des pathologies cardiaques sont pourtant détectées avec un ECG, contre 15% avec l’examen physique, dévoile l’ancien président du club des cardiologues du sport. Et nous, les cardiologues, sommes trop peu pour faire passer les visites. » 7175 spécialistes pour plus de deux millions de licenciés, cela ne pèse effectivement pas beaucoup.

Des examens qui ne passent pas forcément

L’ECG devrait donc représenter le capitaine indispensable de l’équipe VMPC (Visite médicale pour certificat), mais est quelques fois laissé sur la touche. « La société française de cardiologie préconise un ECG tous les trois ans entre 12 et 35 ans, parce qu’il est facile de détecter des maladies qui peuvent provoquer des morts subites chez les jeunes », renchérit le professeur en physiologie cardiovasculaire. À noter aussi qu’à partir de la rentrée 2020, l’inscription des mineurs au sport ne sera plus conditionnée à un certificat afin notamment de « soulager les comptes de l’assurance maladie » d’après le ministère.

Mais même si les ECG se multipliaient au rythme des reins brisés par Kylian Mbappé, cela ne serait certainement pas suffisant pour prévenir la majorité des cas. Hormis une étude de Domenico Corrado portant sur les morts subites qui touchent les jeunes sportifs de moins de 35 ans dans la région de Venise, aucune publication parmi la riche littérature scientifique sur le sujet n’indique clairement que la réalisation d’un ECG diminue le nombre des décès cardiaques liés au sport. Raison pour laquelle dans l’univers du foot pro, où le suivi strict amène à des bilans cardiaques réguliers avec notamment une échographie du cœur annuelle dans les centres de formation, les morts subites restent malgré tout présentes.

En connaissance de cause… et de conséquences

« Ça choque quand on dit qu’on ne peut toujours pas tout prévoir en médecine en 2020, mais c’est la vérité, on se heurte aux limites de nos examens, atteste François Carré. Je suis incapable de prévoir que ce footballeur quotidien meure un jour sur un terrain, on ne peut pas prédire l’avenir de quelqu’un. Il y a des cas où l’on peut donner un pourcentage de risque au vu des pathologies trouvées, mais qu’est-ce qui me permet de dire qu’il va mourir le lendemain alors que ça fait vingt ans qu’il tape le ballon non-stop ? Rien, souvent. » Surtout, la position et les conseils de l’expert face à un joueur qui n’a jamais vécu de traumatisme cardiaque particulier sont difficilement tenables : « Vous imaginez si c’est moi qui devait interdire à un pro l’exercice de son métier ?! On ne peut pas outre-passer nos fonctions, comme l’examen ne peut pas prendre la place d’une boule de cristal. »

Résultat : en France, la décision partagée est de mise, et le dernier mot sort de la bouche du « malade » . « On informe sur le risque plus important d’avoir un problème sur une pelouse du fait de l’anomalie, puis à chacun de prendre ses responsabilités : « Votre risque de malaise, on l’estime à 5% si vous continuez à faire du foot dans les cinq ans. Qu’en pensez-vous, vous prenez ou vous prenez pas ? » On peut leur dire que c’est un risque important, que ce n’est pas raisonnable… Mais on ne peut pas imposer son avis », note le cardiologue. Qui ajoute que « 40% des sportifs qui font des morts subites cardiaques lors de l’effort ont présenté des symptômes évidents dans les trois semaines précédentes », histoire de démontrer que chacun doit répondre de ses actes et de ses choix.

L’après Marc-Vivien Foé

Résumé de François Carré : « Aujourd’hui, il est difficile de faire mieux pour prévenir les problèmes cardiaques chez un footballeur pro. On peut en revanche essayer d’ »éduquer » un footeux, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il ne cache pas un symptôme. Il faut aussi former aux gestes de base, c’est pourquoi les joueurs/entraîneurs/arbitres sont souvent formés aux premiers secours. À une époque, juste avant la mort de Marc-Vivien Foé, les kinés voire les médecins du sport ne l’étaient pas toujours. »

Et de conclure : « Depuis qu’il y a eu cette évolution, on a réussi à réanimer beaucoup de joueurs. Plutôt que prévenir le problème par des examens dont on connaît les limites, il faut rendre le rare accident moins dramatique que ce qu’il aurait pu être. » Marco Randriana, réanimé en 2008 par le médecin de Sedan grâce à un défibrillateur, ne pourra être que d’accord. Comme tant d’autres.

Par Florian Cadu

Propos de FC recueillis par FC

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