- France
- Droits TV
DAZN de confort ?
Après plusieurs semaines d’interrogation, c’est désormais (quasi) officiel : DAZN devient le diffuseur principal de la Ligue 1 en France, en obtenant les droits de huit des neufs rencontres par journée. Un nouveau diffuseur qui dispose d'une forte expérience chez nos voisins européens depuis plusieurs années. Pas de quoi s'inquiéter, vraiment ?
Le bout du tunnel. Le 25 juillet, veille d’ouverture des JO, le conseil d’administration de la LFP attribuait officiellement huit des neuf rencontres de la Ligue 1 à DAZN, pour les cinq prochaines saisons (2024-2029). La fin d’un feuilleton stressant pour le football français, qui a retenu sa respiration pendant plusieurs semaines. « Pour les vrais fans de football, DAZN est le diffuseur parfait, se vante l’entreprise anglaise, qui ajoute. Nous souhaitions nous implanter plus sérieusement sur le marché français et la Ligue 1 était une formidable opportunité. » Alors que les premiers bruits de couloir annonçaient un abonnement mensuel à 35 euros pour suivre les matchs de l’AJ Auxerre et du FC Nantes, « un chiffre mensonger et qui n’a jamais été évoqué » se défend l’entreprise britannique, le prix devrait osciller entre 10 et 15 euros par mois (selon engagement ou non). Après la Liga, la Bundesliga et la Serie A, c’est désormais notre chère et tendre Ligue 1 qui tombe dans l’escarcelle de DAZN. Tout va bien donc dans le meilleur des mondes ?
La plateforme qui coûtait 6 milliards
Fondé en 2015 par un certain Len Blavatnik, deuxième fortune de Grande-Bretagne (selon Forbes), DAZN s’est rapidement spécialisé dans la diffusion d’événements sportifs, dans plus d’une trentaine de pays : boxe, football, basket ou encore même du football américain. En quelques années, DaZone (c’est comme ça qu’il faut le prononcer) est rapidement devenu le nouveau diffuseur en vogue, avec une politique différente de la concurrence : « On souhaite avoir le même impact que Netflix avec le cinéma. Pour cela, on ne se contente pas uniquement de diffuser les matchs, mais nous cherchons à élargir notre offre, en proposant des places pour aller voir des matchs ou encore en proposant du merchandising. »
Pour Luciano Mondellini, directeur de la rédaction Calcio e Finanza, média italien spécialisé dans l’économie du football, DAZN est une valeur sûre : « D’un point de vue financier, DAZN a apporté beaucoup de garanties au football italien. Comme toute entreprise compétente, elle se montre très prudente dans ses investissements. Autrement dit, si elle ne sent pas la chose, elle ne le fait pas. » Une valeur sûre donc qui ne cesse de placer ses billes un peu partout en Europe : en 2019, DAZN s’attaque à la Serie A (ils n’obtiennent au départ que trois matchs puis dès 2021, la totalité des rencontres), la moitié des Fußballspiele de Bundesliga, LaLiga en 2022, et enfin la Ligue 1. Des investissements colossaux qui se chiffreraient autour de six milliards d’euros. Une somme énorme qui paraît impossible à amortir même si chez DAZN, on assure que les risques sont calculés : « C’est comme un commerçant qui lance son commerce. Au départ, il investit dans le personnel, le matériel et c’est après plusieurs années qu’il est rentable. Ces fameux six milliards, ce sont d’importants investissements qui seront rentables sur le long terme. » Pas de quoi s’inquiéter donc ? Sauf que de l’autre côté des Alpes, tout n’est pas tout beau tout rose.
Changement de cap en Italie
Présent en Italie depuis bientôt cinq ans, DAZN est devenu LE diffuseur du football italien, surpassant l’historique Sky Italia. Pourtant, la relation entre l’entreprise anglaise et le Calcio n’a pas débuté sur les meilleures bases. En cause notamment, les nombreux problèmes techniques et les difficultés rencontrées par bons nombres d’Italiens pour accéder à la chaîne. « On ne va pas se mentir, l’Italien n’est jamais content et souhaite que le football soit accessible facilement et surtout gratuitement. Lorsque DAZN est arrivé, les gens n’étaient pas vraiment contents. Mais peu à peu, les choses se sont améliorées », souligne Mondellini. Dans la Botte, DAZN a décidé de frapper fort en mettant d’emblée les moyens, en atteste l’équipe des chroniqueurs et commentateurs : Massimo Ambrosini, Marco Parolo, Ciro Ferrara ou encore Fabio Bazzani. En pleine expansion dans la Botte, le groupe souhaite continuer sur sa lancée. Interrogé en mai dernier sur la suite des éléments, le CEO de DAZN Italie – Stefano Azzi – a annoncé que DAZN « continuera à investir encore plus afin de renforcer sa position de numéro un ».
Comunicato #DAZN: "La redazione si chiede come sia possibile innovare il prodotto calcio e rafforzare il racconto rinunciando a quasi la metà dei giornalisti in organico. L’assemblea dei giornalisti, che si è riunita in via straordinaria, ha quindi proclamato lo stato di… pic.twitter.com/DbgHjiimQl
— Daniele De Felice (@DanieleBibo) July 17, 2024
Malheureusement, ces belles paroles ne se sont pas vraiment traduites par les actes. En effet, le 15 juillet dernier, DAZN a annoncé de nouvelles mesures pour la saison 2024-2025. Et celles-ci se veulent restrictives avec une potentielle vague de licenciement (14 des 32 journalistes de la rédaction pourraient quitter le navire) ayant en partie pour but de limiter les coûts (notamment en ce qui concerne les émissions bord-pelouse avant les rencontres de Serie A qui vont drastiquement diminuer) et également une hausse du prix de l’abonnement, alors même que DAZN va perdre les droits de la Ligue Europa et de la Ligue Conférence à partir de la saison prochaine. « Nous nous demandons comment DAZN peut garantir et améliorer ses standards tout en licenciant une bonne partie de ses journalistes », s’est insurgé dans un communiqué la FNSI, la Fédération Nationale de la Presse Italienne. DAZN justifie ces mesures par « un changement de politique de notre entreprise en Italie et en aucun cas ces mesures sont liées à des difficultés financières. »
Pour Luciano Mondellini, ces mesures sont surprenantes, mais sans qu’il faille s’inquiéter de la santé financière de l’entreprise. « DAZN reste avant tout une entreprise. Et une entreprise cherche avant tout à gagner de l’argent », précise le diplômé en économie d’entreprise, qui ajoute : « Je pense qu’ils ont commencé très fort en investissant massivement et en embauchant beaucoup de journalistes et qu’ils se sont rendus compte que n’était finalement pas le bon choix. DAZN a toujours payé ses factures dans les délais à la Ligue. On peut regretter et ne pas comprendre ce choix de diminuer les moyens mis en place, mais ils ont les reins solides. » Amoureux de la Ligue 1, n’ayez crainte, un scénario à la Mediapro ne devrait pas se reproduire. Par contre, des plateaux bord-pelouse pour un Nantes-Le Havre ou Toulouse-Strasbourg, ça, on ne vous le garantit pas.
Par Tristan Pubert
Propos de DAZN et de Luciano Mondellini recueillis par TP.