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David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens
Adoubé Petit Prince de la Gaillette, David Pereira da Costa est à 23 ans le joyau le plus précieux issu de la formation lensoise. À l’aube d’un derby inscrit dans son ADN et en quête d’une qualification européenne, il convenait de rouvrir son livre.
Février 2024, la Beaujoire. Facundo Medina aux yeux de lynx trouve l’intervalle en direction de David Pereira da Costa. Le milieu de terrain offensif lensois s’ouvre un boulevard avant de croiser du gauche et d’offrir la victoire aux siens. En zone mixte, le portier artésien Brice Samba est mi-élogieux, mi-psychologue à l’endroit de l’unique buteur du soir : « Je suis content pour lui. C’est là-haut, dans la petite tête… il a compris les choses. Il réalise tout son potentiel. C’est un garçon en confiance, j’espère qu’il ne va pas s’arrêter là. » Onze titularisations en dix-neuf apparitions cette saison en L1, trois buts et trois passes décisives, le môme d’Almada, dans les faubourgs de Lisbonne, semble enfin avoir trouvé la clé de la réussite. Et de la régularité qui lui faisait défaut depuis ses débuts chez les pros à l’automne 2020. « Il a compris qu’il devait se sortir les doigts du cul et s’imposer, balance son recruteur à Lens, André Charlet, 73 balais et pas sa langue dans la poche. Là, il est vraiment sorti de sa boîte. »
Fais pas ton timide
Une boîte dans laquelle il aurait pu rester s’il ne s’était pas délesté de sa timidité. Au gré des échanges, le personnage de David Pereira da Costa ne peut éviter les qualificatifs de « taiseux », « discret » ou « réservé ». C’est simple, pour Thomas Heuls, son équipier pendant six années chez les Sang et Or, aujourd’hui à Arras (R1), « en dehors du terrain, c’était le plus timide ». Débarqué du Portugal à 9 ans pour rejoindre son père maçon dans le Nord, DPDC « ne parlait pas totalement la langue au début », se cantonnait au rôle de « gamin calme avec un côté un peu foufou », tout de même capable d’amuser la galerie lorsqu’il est en confiance. Lors de son passage à Lestrem (2011-2012), avant sa bascule au Racing Club de Lens, son éducateur Jérémy Carpentier raconte un « jeune qui parlait très lentement pour se faire comprendre. Administrativement, ce n’était pas simple non plus, nous avions aidé ses parents pour qu’il puisse obtenir sa licence. Et entre deux matchs durant les tournois, David était souvent à l’écart des autres ». À l’image de sa famille, le môme est gavé « d’humilité », abonde André Charlet. « Ses parents ne sont pas des gens qui ramènent leur fraise, et c’est rare dans ce milieu. David a un véritable entourage familial qui l’aide à avancer et ne pas faire n’importe quoi. » « Un contexte favorable, ouvrier, où l’on est épaulé », prolonge Pascal Leprovost, son coach en U14. Mais l’humilité, aussi louable soit-elle, ne peut entièrement façonner un joueur. Dixit son recruteur au Racing, « cette humilité peut être un défaut sur le terrain. Franck (Haise, NDLR) sait que David est un phénomène sur le plan du talent, mais au départ, il manquait un peu de personnalité sur la pelouse ».
Un gazon où « il s’exprimait pleinement », selon Jérémy Carpentier, l’un de ceux à avoir pris une claque en le découvrant. « En début de saison, on faisait des tests. Là où des gamins de 10-11 ans faisaient quelques jongles, lui n’arrêtait pas. À un moment donné, j’ai arrêté de compter. » Comme Benjamin Balla, son premier éducateur en France. À la fin des années 2000, exit les bords du Tage pour la fratrie Pereira da Costa, composée de six enfants. Le petit David pose ses valises à Houplines, à 20 bornes de Lille et surtout à « 50 mètres du stade », calcule l’entraîneur. « Je l’ai vu arriver avec son ballon à la main. Il nous manquait un joueur à l’entraînement, et je lui ai proposé de jouer. » Encore marqué, Benjamin Balla jure avoir été « choqué » par l’habileté de sa nouvelle pépite : « Il a mis le bordel à des joueurs qui avaient trois ans de plus que lui. Il était tout petit, très fin, mais il pouvait dribbler tout le monde. » Le début de l’histoire pour le passionné de Benfica et ses aînés, Samuel et Oswaldo, qui rejoignent aussi le club local. « Lors des tournois, des éducateurs d’autres équipes venaient me voir en me disant que la présence de David n’était pas normale, rejoue son éducateur. Je devais montrer sa licence pour prouver qu’il n’était pas plus âgé que les autres. Il était au-dessus techniquement. »
Petit Prince et grand monde
Les recruteurs du LOSC viennent rapidement rôder dans le secteur. « Au moins quatre fois, d’après Balla, mais ils disaient que David était trop altruiste, qu’il ne marquait pas assez. » Idem à Lestrem où la taille de Pereira da Costa (1,68 m aujourd’hui) jure avec les besoins lillois. Jérémy Carpentier confirme : « Le LOSC le trouvait trop petit. D’autres clubs du secteur comme Hazebrouck ou Béthune s’intéressaient aussi à David, mais il devait aller se confronter à des joueurs de son niveau, plus haut. Le RC Lens a su faire ce qu’il fallait. » Et André Charlet le premier, frappé par « la technique et la vitesse de la technique. Ce qu’on le voit faire aujourd’hui en Ligue des champions, il le faisait quand il avait 11 ans. Dès qu’il a un peu d’espace, quelques mètres, ses qualités s’expriment. Avec son petit gabarit, s’il est très serré au marquage, c’est compliqué. Mais il a un sens du jeu hors du commun. » Le Racing est séduit et donne au gamin de 12 ans pour seul privilège deux entraînements par semaine au lieu de trois en raison des contraintes familiales pour le conduire à la Gaillette, le centre d’entraînement lensois.
Là encore, le chemin n’est pas linéaire. Champion du monde des U13 à la Danone Cup face au Brésil à Wembley – « quand Zizou me touche la tête (après la victoire), je me dis que je ne vais plus me laver la tête », se marrait récemment Pereira da Costa –, le milieu de terrain n’est pas encore « le Petit Prince de la Gaillette » comme le clame à chaque match le speaker de Bollaert. « Il ne l’a d’ailleurs jamais été, remballe Pascal Leprovost. David n’a pas été couvé et il n’était pas au-dessus du lot comme a pu l’être Gaël Kakuta. » À l’arrivée à l’internat, en U14, des larmes coulent. Éloignement familial, bascule dans le grand monde, rien n’est aisé. « Il savait l’exigence que j’avais avec lui, on le mettait au pied du mur pour le faire progresser », explique Leprovost. Son ex-coéquipier Alexandre Nutte, aujourd’hui en R3 à Desvres (Pas-de-Calais), rappelle « Jonathan Varane (frère de) et Adam Oudjani, deux gros noms de sa génération qui avaient un énorme potentiel. En face, David partait de rien, même s’il faisait partie des favoris pour être pro un jour. » Le long de la main courante, André Charlet entend régulièrement les sceptiques dire « un coup d’épaule et il vole » au sujet du Portugais, mais Leprovost balaye les critiques : « Son gabarit ne me posait pas de problème, que ce soit sur un côté ou derrière l’attaquant ». Seulement, « il était au service de l’équipe avec un vrai état d’esprit », mais sans « prendre des responsabilités, sans oser. Il avait un temps d’avance techniquement, mais il devait être plus combattant, plus agressif ». André Charlet accourt, « s’il ne devenait pas plus méchant, il allait se faire exploser ».
Contrôle de régularité, s’il vous plaît
Le Lusitanien franchit les étapes step by step « en comprenant que s’il n’avait pas le jeu sans ballon, il jouerait au foot mais pas à un tel niveau », insiste Pascal Leprovost. « Chaque année, on lui disait de se surpasser. Des gens ne peuvent pas le faire, car il y a une limite. D’autres écoutent, et David a écouté. » En U17 et U19, ses entraîneurs lui filent le brassard de capitaine, histoire de lui élargir la carrure dans le vestiaire. Le premier contrat pro est paraphé en 2019 (seuls trois joueurs de sa génération signeront), mais l’écho de Pascal Leprovost rejoint celui de Franck Haise, son coach depuis la réserve. Au gré de ses apparitions à Bollaert, d’abord sous l’aile de Kakuta lors du retour en L1, puis en concurrence directe avec Adrien Thomasson et Angelo Fulgini, Pereira Da Costa convainc avant de peiner à enchaîner. En mai 2022, Haise y va franco : « Si un joueur fait six, sept matchs positifs, mais après le cinquième ou le sixième commence à en faire moins à l’entraînement, à la salle et dans l’investissement général, mon rôle, et celui du staff, est de dire attention. Sept matchs, c’est pas une carrière. Quand on a des qualités comme celles de David, tu peux faire 400 matchs au très haut niveau. Et c’est ça qu’il doit aller chercher. » Bis repetita en mars 2023 : « David a de très bonnes statistiques pour faire rentrer le ballon dans les 30 derniers mètres et dans la surface, mais sur toutes les autres statistiques, il a du retard. On n’est pas en U17, mais dans le haut niveau de la Ligue 1. La concurrence doit amener les très bons joueurs à se surpasser. »
Message enfin reçu depuis décembre dernier, après deux années à n’être titulaire qu’à mi-temps. Mieux, les épaules de l’international espoirs portugais, qui l’envoyaient régulièrement à l’infirmerie, le laissent désormais tranquille. Mais Franck Haise, il y a quelques semaines, savait qu’il ne lâcherait pas de sitôt celui prolongé jusqu’en 2026. « Il doit faire plus, faire mieux. Cela passe par une totale prise de conscience. Il est sur ce chemin-là, qui doit être durable. Ce n’est pas l’histoire de quinze jours, de trois semaines, mais de dix ans. » Chef cuistot, entraîneur personnel pour les trêves, Pereira da Costa soigne désormais le labeur de l’ombre. Et ose prendre le chemin du but. « Franck Haise lui a remis les idées en place en lui disant de ne pas griller une telle chance, observe Thomas Heuls. Finalement, son parcours est exceptionnel. » Parmi ses anciens entraîneurs, certains lui tracent un destin à la Benjamin Bourigeaud, lui aussi pur produit artésien. « Il doit marcher dans les traces de ce joueur, remarque Pascal Leprovost. C’est un exemple qui a su devenir indiscutable à Rennes. David doit déjà faire une saison complète comme il joue actuellement. Et avec Haise, il a tout pour avancer et s’inscrire dans une longue carrière pro. » Et bientôt à un niveau supérieur ? « J’espère que des gens ne vont pas lui mettre le grappin dessus, achève André Charlet, même si j’ai confiance en ses parents. Il ne faudrait pas lui faire miroiter le PSG, Manchester City, le Real Madrid. Aujourd’hui, ça le dépasserait. Il doit avant tout confirmer avec Lens. » Le Petit Prince, qui veut « tout donner pour ce club » dont il a l’ADN, doit d’abord devenir roi en sa demeure.
Par Florent Caffery, à Lens
Tous propos recueillis par FC sauf mentions.