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David Martindale, du trafic de cocaïne au banc de la D1 écossaise

Par Alexandre Delfau
David Martindale, du trafic de cocaïne au banc de la D1 écossaise

David Martindale, ancien trafiquant de drogue écossais ayant passé plus de quatre ans en prison, est depuis novembre le nouvel entraîneur du Livingston FC. Une décision qui peut faire jaser dans le pays, surtout depuis que l'homme de 46 ans est sous le feu des projecteurs en faisant de son équipe un concurrent sérieux au top 4. Sur une série de treize matchs sans défaite dont dix victoires depuis sa prise de poste, on parle déjà de lui comme du potentiel manager de l'année en Scottish Premiership.

« A-t-on le droit à une seconde chance ? Vous avez quatre heures. » Aux côtés des cerveaux en fusion prêts à déverser des heures et des heures d’apprentissage par cœur du cours ayant vocation à remplir quatre copies doubles, un élève dans le fond de la classe se dirait simplement que « évidemment, on a tous le droit à une seconde chance ». Et au lieu de se cantonner à quelques lignes écrites à la va-vite qui lui permettront au mieux de quitter la salle le premier, il se rappellerait qu’en choisissant le plan dialectique, un argument tout entier de la thèse pourrait se trouver dans la vie de David Martindale.

Logements sociaux, bar incendié et dette de 60 000 livres

Né en 1974 à Glasgow, David Paul Martindale a grandi à Craigshill, un quartier de Livingston. « Quand tu grandis dans des logements sociaux, tu aspires à être le conducteur de la BMW ou du Range Rover, pas celui qui a un coup du travail puis un coup n’en a plus et galère à payer son loyer », raconte-t-il des années plus tard. Passé par les équipes de jeunes de deux équipes phares de l’Écosse, les Rangers et Motherwell, il l’avoue lui-même : « Je n’ai jamais exploité le potentiel que j’avais. Je sais que j’ai gâché les opportunités qui se sont présentées lorsque j’étais jeune. » Plafonnant au niveau régional en tant que joueur, Martindale se lance, en parallèle des week-ends passés sur les pelouses cabossées du West Lothian, dans le business des pubs. L’aventure va vite tourner au vinaigre. Au début des années 2000, plusieurs de ses affaires sont en faillite et l’un de ses bars non assurés périt dans un incendie. Résultat : Martindale se retrouve avec une dette de 60 000 livres sur le dos.

« Ma motivation était purement cupide »

Le côté obscur lui ouvre alors grand les bras, lui garantissant de ne plus perdre pied à l’étrier financier. Le gamin de Craigshill accepte la main tendue par le crime organisé et se lance dans le trafic de cocaïne et le blanchiment d’argent. « Je savais ce que je faisais. Je n’essaye pas de me trouver des circonstances atténuantes. Ma motivation était purement cupide », admet le gamin de Craigshill. Il passe le week-end de Pâques 2004 derrière les barreaux, attrapé avec Alex Donnelly, l’un des dealers les plus connus de toute l’Écosse, lors de la découverte par la police d’une cargaison de cocaïne d’une valeur de 325 000 livres. David Martindale est condamné à six ans et demi de prison ferme. « Se tenir devant le tribunal, savoir que vous êtes à la merci d’un juge qui tient le sort de votre avenir entre ses mains est une expérience que je ne veux plus jamais revivre. » La prise de conscience est immédiate, le prisonnier s’inscrit dès août 2004 à l’université Heriot-Watt d’Edimbourg pour y passer un diplôme de gestion de projet de construction. Après sa libération en 2008, il rechausse les crampons au niveau régional avec Whitburn (2010-2011) puis Broxburn Athletic (2011-2014), équipe qui lui permet d’officier pour la première fois sur un banc en tant qu’entraîneur adjoint.

En 2016, il réparait bénévolement les sièges des tribunes

En 2014, Sir rédemption débarque au Livingston FC dans un trou de souris. La porte lui est ouverte par Mark Burchill, entraîneur de l’époque qui, par le plus grand des hasards, est également son ancien camarade de classe. « J’y faisais du bénévolat le mardi et le jeudi matin, puis retournais sur les chantiers. Je ramassais les cônes, les ballons. » Un an plus tard, Martindale est toujours là, et ses missions vont de la réparation des sièges des tribunes à l’installation de la moquette de l’entrée du stade. Mais avec l’arrivée de David Hopkin comme entraîneur en 2016, il prend subitement du galon. Hopkin lui demande d’être son assistant, les dirigeants le chargent en plus du recrutement. Gary Holt reprend les rênes à l’été 2018 et, en démissionnant en novembre 2020, il propulse David Martindale au poste d’entraîneur intérimaire. Pas le temps de niaiser, après quatre victoires consécutives pour ses débuts sur le banc et un trophée d’entraîneur du mois de décembre en poche, l’intérimaire devient titulaire. Livingston est toujours invaincu depuis treize matchs toutes compétitions confondues. Comme un symbole, le match nul accroché le 16 janvier sur la pelouse du Celtic Park (0-0) se joue à quelques mètres du commissariat où l’aventure carcérale de Martindale avait débuté.

« Ses interviews sont toujours fantastiques »

Mais l’ascension fulgurante du bonhomme n’est pas du goût de tout le monde. « Les footballeurs à tous les niveaux, qu’ils soient entraîneurs ou joueurs, doivent vraiment être irréprochables quand il s’agit de leur propre comportement. Une personne qui donne un si mauvais exemple ne devrait pas avoir la possibilité de travailler avec des jeunes », s’est scandalisé Alistair Ramsay, ancien directeur de la brigade antidrogue écossaise. Tous les détracteurs de David Martindale l’ont poussé jusqu’à être auditionné par la Fédération écossaise de foot, qui ne s’est finalement pas opposée à sa prise de fonctions. Cette levée de bouclier ne pèse toutefois pas grand-chose face à l’amour que les supporters du club ressentent pour leur nouvel entraîneur. « C’est génial qu’après Declan Gallagher et Alan Lithgow comme joueurs (respectivement emprisonné un an en 2016 pour agression et condamné à 240 heures de travail d’intérêt général pour exhibition sexuelle, NDLR), nous donnions aussi une seconde chance à un entraîneur », note Dillon Grant, supporter du Livingston FC et qui fait savoir que Martindale avait refusé le poste plusieurs fois depuis 2018. « Son succès devrait servir d’exemple à ceux qui se retrouvent au plus bas. C’est l’une des personnes les plus travailleuses que j’ai eu le plaisir de rencontrer. Ses interviews sont toujours fantastiques à écouter, et les supporters des autres équipes nous disent qu’il est une bouffée d’air frais », ajoute de son côté Nathan McKissock, lui aussi fan de Livingston. La belle histoire de David Martindale est là pour rappeler qu’après la pluie, vient le beau temps. Et qu’après la neige aussi.

Par Alexandre Delfau

Propos de David Martindale issus du Guardian, d'Alistair Ramsay du Sunday Post et propos de Dillon Grant et Nathan McKissock recueillis par AD.

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