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Dans une ville qu’on appelle Bergame

Par Alexandre Doskov
Dans une ville qu’on appelle Bergame

Le terme de « surprise » est sans doute trop utilisé dans le sport moderne, mais difficile d'appeler autrement la réussite insolente de l'Atalanta. Postés aux portes du podium et lancés sur une série d'invincibilité impressionnante, les joueurs de Bergame affrontent la Juve sans trembler et dans l'espoir de grimper un peu plus haut.

La pauvre Diane Tell a tout loupé. Il y a trente cinq ans, elle ambitionnait modestement de construire une villa « dans une ville qu’on appelle Bergame » . Soit. Mais si elle avait été un peu plus patiente, elle aurait attendu 2016 avant de rejoindre cette ville coquette du nord de l’Italie, et se serait régalée au Stadio Atleti Azzurri d’Italia. Car derrière les clubs des grandes villes, ces Turinois, Romains et Milanais qui trustent les quatre premières places de la Serie A, ce sont désormais les gars de l’Atalanta qui sont en embuscade sur le cinquième strapontin. Et si le terme de « surprise » fleurit un peu partout, avec ce fantasme désormais permanent de trouver un nouveau Leicester dans chaque championnat, ça fait quelques semaines que Bergame marche solidement vers le haut du classement. Et au moment où l’Atalanta se prépare à affronter la Juve, toujours solide leader, un chiffre est là pour témoigner de sa folle réussite. Il y a cette pile impressionnante de neuf matchs consécutifs sans défaite, le tout avec huit victoires et un seul match nul, celui du 16 octobre dernier contre la Fiorentina (0-0). La plus belle série en cours des cinq grands championnats, tout simplement. La dernière fois que Bergame est rentré à la maison avec la queue entre les jambes, c’était en septembre, avec un triste 1-0 encaissé à domicile face à Palerme, à une époque où Bergame était 19e de Serie A, et n’avait gagné qu’un seul de ses cinq premiers matchs. Difficile de croire que c’était il y a seulement deux mois et demi.

L’auberge espagnole

Et au tableau de chasse de Bergame, du beau monde. Après s’être fait bouffer en début de saison par la Samp’ ou Cagliari, l’Atalanta a accroché au-dessus de sa cheminée les têtes empaillées, entre autres, du Torino, du Napoli, de l’Inter, et de la Roma. Costaud, surtout pour une équipe de jeunes ne comptant aucune superstar, et qui s’appuie en grande partie sur son centre de formation pour former son ossature. En tête de gondole, le bijou Mattia Caldara. Né à Bergame en 1994, il sort rapidement des équipes de jeunes du club et est propulsé en Serie A à dix-neuf ans. Mais le gamin a besoin de se tanner le cuir, et enchaîne deux saisons en prêt, jusqu’à l’été 2016. Placé à côté du taulier Andrea Masiello dans la défense à trois de Bergame, il forme une charnière qui a serré les boulons depuis les errements du début de saison et qui n’encaisse presque plus de buts. Mieux, les défenseurs bergamasques plantent comme des furies, et Caldara et Masiello en sont aujourd’hui à trois buts chacun en Serie A. Un peu plus haut sur le terrain, autre produit maison, Roberto Gagliardini. Lui aussi longtemps prêté en Serie B, il explose cette saison et a même terminé en sélection pour remplacer Marchisio il y a un mois. Devant, toute une galerie de personnages avec le revenant Jasmin Kurtić, qui enchaîne son sixième club italien depuis 2011 et qui a l’air de trouver enfin un peu de stabilité. De l’Ivoirien Franck Kessié (cinq buts) au milieu à l’Argentin Alejandro Gómez en attaque, l’auberge espagnole de Bergame tourne à plein régime.

L’ange Gasperini

Mais sans un solide coup de baguette pour le cadrer, un bel orchestre n’est qu’une fanfare bruyante. Et sur le strapontin, depuis la rentrée, l’Atalanta a placé Gian Pero Gasperini. Presque mort avant le lancement de la série de victoires, il a continué à agiter de drapeau noir et bleu de l’Atalanta même quand ce dernier était criblé de balles, et est parvenu à le recoudre et à faire de son équipe une machine bien huilée. « Je ne m’attendais pas à devoir affronter la Juve en tant qu’adversaire direct » , admettait-il, montrant qu’il était lui-même surpris que la sauce ait si bien pris. Habitué à miser sur les jeunes, c’est lui qui a amené le 3-4-3 à Bergame, après l’avoir longtemps utilisé au Genoa. Un changement qui a demandé du temps pour que les joueurs le digèrent, mais qui est devenu l’un des ingrédients de leur succès. Pressé de voir ce que ses gars ont réellement dans le ventre, il déclarait aussi à propos du match au sommet face à Turin : « Contre la Juventus, nous allons voir qui nous sommes vraiment. » Mathématiquement parlant, en battant la Juve et dans un monde parfait où Milan perdrait, et où la Lazio et la Roma feraient un nul lors du derby romain de dimanche, Bergame sautillerait sur la deuxième marche du podium, à un petit point du maillot jaune turinois. Autre bonne nouvelle, Bergame vient de défoncer Pescara 3-0 en Coupe d’Italie et s’est qualifié sans broncher pour les huitièmes de finale. Prochaine étape le 11 janvier prochain, avec un nouvel affrontement face à Turin, toujours au Juventus Stadium. Comme quoi, les succès soudains et imprévisibles, des histoires pas si démodées, n’arrivent pas qu’au cinéma, n’en déplaise à Diane Tell.

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