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Dans les têtes de nos Bleues

Par Théo Denmat
Dans les têtes de nos Bleues

Plus sereines, moins favorites, moins grosses têtes. Au fil des déclarations du staff des Bleues et de ses joueuses, une certitude se dégage à l'aube du deuxième match de l'équipe de France dans l'Euro 2017 hollandais : ces femmes-là ont peut-être trouvé ce qui n'allait réellement pas dans leur jeu. Leur mental.

« Cette génération a payé ses problèmes mentaux. » Pour peu d’être un cinéphile averti ou amateur de littérature, le suiveur peu assidu des compétitions féminines de football pourrait croire cette phrase tout droit sortie du roman de Ken Kesey, Vol au-dessus d’un nid de coucou, ou de son adaptation sur grand écran par Milos Forman en 1975. En tel cas, le suiveur peu assidu serait dans le faux. L’auteur de cette phrase est français, et s’appelle Philippe Bergeroo. Sélectionneur de l’équipe de France, s’il vous plaît. Enfin, à l’époque. Tout juste éliminé par le Canada en quart de finale des J.O de Londres, le bonhomme, se sachant condamné, avait précisément appuyé le doigt sur le centre névralgique du mal des siennes.

Un mal qui était aussi « celui du staff » selon les propos de Gaëtane Thiney à 20 Minutes le 18 juillet dernier. Et malgré son remplacement le 9 septembre 2016 par Olivier Echouafni, le spectre des allégations de Bergeroo semble toujours peser au-dessus de la chevelure des Bleues, ou tout du moins au-dessus de ceux de ses supporters. À tel point qu’à l’heure de son deuxième match de l’Euro face à l’Autriche, la question n’est pas de savoir si l’équipe de France a les capacités techniques pour aller au bout. La vraie interrogation est la suivante : a-t-elle ce qu’il faut dans le crâne pour ne pas souffrir d’un nouveau sentiment d’inachevé ?

« C’est soit on gagne, soit on n’est rien du tout. Entre les deux, il y a une nuance »

Gaëtane Thiney, justement. Écartée du groupe France par l’ancien sélectionneur avant d’être réintégrée à l’arrivée d’Echouafni, le milieu de terrain du FCF Juvisy exprimait la question différemment : « Quand on joue la Coupe du monde 2011, on se qualifie pour la première fois de l’histoire du foot féminin français en quarts de finale d’une telle épreuve. Et à partir de là, il faudrait qu’on gagne tout le temps ? Ça doit être français, soit on gagne, soit on n’est rien du tout. Entre les deux, il y a une nuance, la nuance d’une équipe qui est en train de mûrir dans le très haut niveau. Les JO, c’était notre première expérience, l’Euro, on le perd aux tirs au but, c’était une autre expérience. » La plupart des vieilles branches des Bleues, celles qui, présentes depuis 2011, multiplient les désillusions de fin de parcours, l’expriment sans se cacher au moment des interviews : elles aimeraient gagner un titre international. Wendy Renard en tête. La France elle-même est sûrement trop impatiente, ne comprenant pas pourquoi, en ayant deux clubs nationaux en finale de Ligue des champions, son équipe nationale chute à chaque fois en dominant largement son sujet, comme face au Canada l’an passé.

En réponse à ce syndrome des guiboles qui tremblent, Olivier Echouafni joue depuis son intronisation la carte du palmarès : pas de titre, pas de grande nation. En pleine préparation à Clairefontaine en juin, il déclarait à L’Équipe : « Il faut se faire tout petit, avoir de l’humilité. On n’a rien gagné. Si vous commencez à nous dire qu’on fait partie des favoris, je ne suis pas d’accord. » Ces trois phrases faisaient suite au célèbre « j’ai beaucoup entendu dire que cette équipe n’avait pas de mental » prononcé en avril, poing brandi vers les journalistes après que l’équipe de France a renversé une situation mal embarquée face aux Anglaises (2-1, alors qu’elles avaient concédé l’ouverture du score, ndlr). À rajouter à cette liste, cette dernière pique, nécessaire, bienveillante, du sélectionneur : « Disons qu’il y a parfois un décalage entre la réputation qu’elles pensent avoir et ce qu’elles ont réellement accompli sur un terrain. »

Maître Yoga

À vrai dire, à voir Élise Bussaglia se démener pour créer des décalages, à la 75e minute de ce match face à l’Islande le 18 juillet dernier, on aurait pu voir le scénario se répéter. Qui sait si la France de Bergeroo aurait elle aussi marqué ce but ? Celle d’Echouafni, en tout cas, l’a fait. Eugénie Le Sommer, de toutes les aventures, n’a pas explosé de joie après son penalty. Il y a moins de pression, et cela se sent. Gaëthane Thiney, elle, s’est mise au yoga et voit régulièrement une psychologue du sport. Elle-même qui, en 2012, pointait les bienfaits du coach mental qui était venu voir les Bleues avant une Coupe du monde 2011 achevée à la 4e place. « C’était tout bête, cela tournait autour de l’idée qu’il faut profiter de la vie, s’amuser, ne pas regarder les conséquences, le regard des autres, ce qu’une fille a tendance à faire tout le temps. Du coup, je m’amuse. Moins il y a de pression, plus j’en mets, plus il y en a, moins j’en mets. »

Les femmes se mettent peu à peu à explorer ce pan de performance si souvent mésestimé. Aux Bleues désormais, chapeautées par un ancien joueur professionnel, et Frédéric Née, entraîneur des attaquantes, de prouver sur le terrain que la marche mentale a bien été franchie dans les esprits. Ce dernier confiait d’ailleurs une drôle d’anecdote dans L’Équipe du 18 juillet : « L’efficacité, c’est 70% de psychologie. Avec les filles, je repars un peu comme avec les jeunes. » L’occasion de faire en sorte que cette nouvelle génération, elle, ne paie pas ses problèmes mentaux.

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