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Czesław Michniewicz, le Mourinho polonais dans la tempête
Sélectionneur de la Pologne, Czesław Michniewicz est particulièrement critiqué depuis la prestation insipide de son équipe face au Mexique, mardi (0-0). Pas de quoi, cependant, déstabiliser le « Mourinho polonais », qui n’est pas du genre à ménager la presse et dont le nom continue d’être associé à une sombre affaire de matchs truqués.
Quel a été, jusqu’à présent, le match du Mondial 2022 le plus pénible à regarder ? La réponse ne vient pas spontanément, puisque plusieurs affiches peuvent prétendre à cette étiquette guère valorisante. Parmi elles, impossible d’ignorer le Mexique-Pologne (0-0) disputé mardi dernier. Et cela tient moins à la prestation des Mexicains, volontaires, mais maladroits, qu’à l’indigence de la copie rendue par les Polonais. Positionnés en bloc bas, les Orły s’en sont tenus à une tactique minimaliste au possible, se contentant la plupart du temps d’envoyer de longs ballons sur Robert Lewandowski, terriblement isolé. « C’est difficile, pour un attaquant, de courir dans sa propre moitié de terrain, mais c’est le plan de jeu du coach, a avoué Lewy à Fakt. Bien sûr, je souhaite avoir des ballons dans la surface adverse, mais je sais aussi que c’est compliqué. Vous devez accepter le style dans lequel nous jouons. » Ce style, c’est celui prôné depuis de longues années par Czesław Michniewicz, et qui lui a d’ailleurs valu un surnom plus que jamais d’actualité : le « Mourinho polonais ».
Figure locale et coiffeur sulfureux
Retour en arrière. Le 29 décembre 2021, Paulo Sousa abandonne le banc de la Reprezentacja pour aller s’asseoir sur celui de Flamengo. Totalement prise au dépourvu, alors que se profilent les barrages pour la Coupe du monde trois mois plus tard, la fédération polonaise a besoin de temps pour identifier un successeur. Adam Nawałka, bâtisseur déjà aux commandes pendant quatre ans (2014-2018), est cité. Mais le choix du président de la PZPN, Cezary Kulesa, se porte finalement sur Michniewicz. Le quinquagénaire est loin d’être un inconnu dans le paysage footballistique local. Depuis une vingtaine d’années, il accumule les expériences au sein des clubs d’Ekstraklasa, du Lech Poznań au Legia Varsovie (avec lequel il est sacré champion en 2021), en passant par les moins huppés Podbeskidzie Bielsko-Biała ou Termalica Bruk-Bet Nieciecza. De 2017 à 2020, cet ancien gardien de but tient les rênes des Espoirs polonais, éliminés avec les honneurs de l’Euro U21 en 2019 après des succès face à la Belgique (3-2) et l’Italie (1-0). Un fait d’armes qui booste sa carrière, tout en confirmant ses capacités à trouver les ressorts, grâce à sa philosophie de jeu basée sur une grosse solidité défensive et des contres assassins, à renverser des adversaires présumés plus forts. Comme un certain Special One…
Nommé dans l’urgence, Michniewicz accomplit sa mission, puisque la Pologne écarte la Suède en barrage (2-0) et gagne le droit de rejoindre le Qatar. Pourtant, le passé du nouveau sélectionneur des Biało-Czerwony suscite toujours quelques remous. En cause : sa proximité avec Ryszard Forbrich (dit Fryzjer, « le Coiffeur » en VF), un criminel condamné à six ans de prison en juin 2022 pour avoir dirigé un réseau spécialisé dans la corruption et le trucage de matchs. Au cours de leurs investigations, les enquêteurs s’aperçoivent en effet que le coach originaire de Biarozawka et son sulfureux interlocuteur ont échangé pas moins de 711 appels, dont parfois plus de vingt quotidiens, selon Wprost. Jamais condamné, le patron des Orły continue inlassablement de nier toute implication dans cette affaire. « Je vais répéter ce que j’ai dit auparavant au procureur : je n’ai rien fait de mal (…). Plus de 500 personnes ont été condamnées, et probablement des milliers ont été interrogées. J’ai bossé avec 400 joueurs, pourquoi personne n’a jamais dit que Michniewicz avait fait quelque chose de mal ? », a-t-il ainsi insisté devant la presse, en février dernier.
« Si je vous dis tout ce que vous ne savez pas, vous serez offensés »
Comme l’original, le « Mourinho polonais » n’est en outre pas du genre à manier la langue de bois quand il se retrouve devant les caméras. Doté d’un sens de l’humour piquant, il sait distiller des répliques incisives. Sur Twitter, il n’hésite pas à bloquer les journalistes qui se montrent critiques à son égard. Et ce n’est pas ce qui manque car, hormis sa qualification pour le Mondial, la troupe de Lewandowski n’a pas franchement emballé suiveurs et supporters en 2022, entre une campagne de Ligue des nations laborieuse – on retiendra notamment un humiliant revers en Belgique (6-1) – et, donc, une entrée en lice très poussive face au Mexique. Agacé par les remarques des gratte-papier et autres reporters armés d’un micro, Michniewicz a improvisé une séance de questions réponses mercredi, après l’entraînement. « Donnez-moi une équipe plus offensive. Je vois que vous avez une solution à chaque problème. Si je vous dis tout ce que vous ne savez pas, vous serez offensés », a tancé le technicien de 52 ans, avant d’enchaîner : « Vous pensez qu’un entraîneur peut apprendre ou désapprendre à un joueur à jouer d’une certaine manière en trois jours. C’est impossible. Je ne transforme pas l’eau en vin, même si ce serait plutôt utile ici. » Pas sûr, non plus, qu’il transforme radicalement son plan de jeu face à l’Arabie saoudite, ce samedi.
Par Raphaël Brosse