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Crucifiés !

Par Marc Hervez
Crucifiés !

À une minute de la fin du match, l’équipe de France tenait son billet pour la World Cup. Mais elle a failli, cédant sur une frappe d’anthologie de Kostadinov. Un but synonyme d’élimination, mais surtout d’une immense remise en question pour le foot hexagonal.

France 1-2 Bulgarie

Buts : Cantona (32e) pour la France // Kostadinov (39e et 90e+1)

Les Bleus ne verront pas l’Amérique. Et à vrai dire, tout le monde le craignait depuis un mois. Ou plutôt, le sentait venir. En premier lieu le speaker du Parc des Princes. Le 13 octobre, il avait rythmé l’avant-match face à Israël en balançant le célèbre tube de Joe Dassin, L’Amérique, via sa sono. Comment les Bleus, en tête de leur groupe à deux journées de la fin, pouvaient-ils manquer le rendez-vous de la prochaine Coupe du monde avec deux rencontres à domicile à disputer ? Cette fois-ci, le speaker s’est ravisé. Et il a bien fait. Parce que ces joueurs-là ne méritaient pas d’aller aux USA. Et ce, alors que les clubs français sur la scène européenne n’ont jamais semblé aussi forts. Dire qu’un match nul suffisait. Dire que les hommes de Gérard Houllier avaient ouvert le score. Dire que le résultat était acté jusqu’à deux secondes de la fin du temps réglementaire… En arrachant cette qualification inespérée pour la grand-messe du foot mondial, les coéquipiers de Stoitchkov ont gagné le droit, ce soir, de faire le tour des cabarets de la capitale jusqu’au petit matin tant leur situation semblait désespérée il y a cinq semaines.

Demain, pourtant, au réveil, c’est bien la France du foot qui aura la gueule de bois. Et malgré le mal de tête, malgré la déception, il va falloir sérieusement plancher sur l’avenir. La France ne fait à l’heure actuelle pas partie des vingt-quatre meilleures nations de foot au monde, alors qu’elle devra organiser le grand tournoi dans moins de cinq ans. Or, en 1998, si le ridicule se répète, il sera diffusé en mondovision. Mis à part la ligne d’attaque Papin-Cantona-Ginola pétrie de talent, tout semble à revoir. Le salut des Bleus, qui n’ont jamais su baser leurs succès sur leur hermétisme, passera à coup sûr par une manière d’aborder les matchs plus offensive. Le désastre du Parc l’a prouvé : on ne peut pas nourrir de l’ambition quand on aligne trois milieux défensifs. À l’inverse, avec cinq buts encaissés en deux matchs à la maison, la ligne défensive, elle, va au devant de grands chamboulements. L’avenir en bleu de Blanc, Desailly, Petit ou encore Deschamps s’est clairement assombri ce soir, et la concurrence qui tape à la porte (Decroix, Wallemme, Mahé) devrait amener certains d’entre eux à passer la main très prochainement.

L’homme du match s’appelle Emil Kostadinov. Il joue à Porto, il est bulgare, mais ce soir, il est entré malgré tout dans la légende du foot tricolore. Autant se souvenir de lui : on en reparlera vraisemblablement encore dans vingt ans. Cinq minutes après l’ouverture du score d’Éric Cantona (32e), bien servi par une remise de la tête de Papin, il remettait le trouillomètre français à zéro d’une superbe tête au premier poteau sur un corner de Balakov. Puis il a concrétisé l’une des rares opportunité des joueurs des Balkans en réalisant le plus beau geste du match au plus beau (ou au pire, c’est selon) des moments : une poignée de secondes avant le coup de sifflet final. Les Bleus, assommés, n’ont même pas eu le temps de lancer un dernier assaut. En deux rencontres décisives, ils ont encaissé trois buts dans les dix dernières minutes. C’est de toute façon avant qu’il fallait agir, autrement qu’en cherchant à protéger coûte que coûte le but de Lama, comme la compo à quatre défenseurs centraux de métier concoctée par notre sélectionneur national le laissait suggérer au coup d’envoi. Sur une contre-attaque éclair après un centre un peu long de l’entrant David Ginola, Kostadinov, alerté dans la profondeur, réalisait le geste parfait. Un contrôle en pleine course et une mine dans la lucarne plus tard, la France terminait troisième de son groupe. Elle regardera Suédois et Bulgares vivre leur rêve américain. Deux équipes faiblardes qui semblaient réellement à la portée des coéquipiers de JPP, et dont on imagine mal le voyage outre-Atlantique s’apparenter à autre chose que du tourisme.

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