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Cristiane, la deuxième Apôtre
En l'absence de sa binôme, la légende Marta, Cristiane a porté l'attaque brésilienne face à la Jamaïque en ouverture du Mondial. Loin d'être une surprise pour cette immense championne qui mérite aussi les louanges et sera encore l'un des atouts de la la Seleção lors du choc face à l'Australie ce jeudi (18h).
C’est évident, Sydney Schneider n’a pas de quoi rougir. Du haut de ses 19 piges, pour sa dixième sélection et alors qu’elle évolue encore à l’université américaine d’UNCW Seahawks, la gardienne jamaïcaine a signé un match de patronne dimanche face au Brésil, pour ce qui était la première apparition d’une délégation de Reggae Girlz dans un Mondial. Un match suffisamment bluffant, en tout cas, pour que même le plus grand sportif de l’histoire de l’île s’émeuve de la prestation de la rookie.
Yes mi Keeper #ReggaeGirlz #WorldCup2019 #JamvsBra
— Usain St. Leo Bolt (@usainbolt) 9 juin 2019
Entre R9 et CR7
Mais même malade car restant sur neuf revers, faisant face à un dernier rempart en état de grâce et privée de l’idole Marta, la Seleção a réussi à plier cette rencontre sans souci et en soignant sa colonne « différence de buts » . Car quand « la Pelé au féminin » n’est pas de la partie, c’est son acolyte Cristiane qui prend les choses en mains : le triplé de cette dernière a eu raison de l’imperméabilité de Schneider. Les comparaisons avec un Portugais aux cinq Ballons d’or n’ont pas tardé à fuser (même si c’est évidemment pour R9 que la buteuse vibrait), et difficile de l’éviter : avec ce triple tarif réglé à 34 ans et 25 jours, elle est devenue la plus vieille joueuse à réussir telle performance dans une Coupe du monde, hommes et femmes confondus, éjectant nul autre que Cristiano (33 ans et 130 jours) des tablettes.
Cristiane possède, comme CR7, un jeu de tête ahurissant. Mais la Brésilienne, au contraire de la légende de Madère, a déjà succombé aux sirènes du Paris Saint-Germain. C’était en 2015 et cela n’a duré que 22 mois. Un passage français vierge de tout trophée – l’effet de la dictature OL – qui aura tout de même mis en lumière la machine à marquer qu’est la native d’Osasco (26 pions en 36 apparitions en D1). Une machine capable de se gripper, comme ce jour de février 2016 où elle perdit ses nerfs contre son coach Farid Benstiti à sa sortie lors d’un choc face au rival lyonnais. Au-delà de cette parenthèse française, Cristiane a, comme beaucoup de ses compatriotes, pas mal vadrouillé depuis 2005 (elle n’avait alors même pas 20 ans). Aux États-Unis et en Scandinavie (Suède), destinations préférentielles des footeuses de son pays, mais aussi en Allemagne, Russie et Asie, même si c’est à São Paulo, en deuxième division, qu’elle fait aujourd’hui apprécier ses talents à 34 ans : un choix motivé par la volonté du Tricolor Paulista de s’inscrire dans le développement du football féminin.
Coup de gueule et dernière chance
Apparue pour la première fois chez les Canarinhas en 2003 (92 pions en 139 sélections, ça vous place une femme), elle a tissé une complémentarité terrible avec son amie Marta, tout en restant dans l’ombre de la géante du football féminin auriverde, se contentant des podiums (2007 et 2008) quand sa collègue raflait ses titres de meilleure joueuse du monde. Personne ne doit aujourd’hui regretter le retour à l’international qu’a fait Cristiane en février 2018, plus de quatre mois après avoir claqué la porte en compagnie de quatre camarades à la suite de la destitution de la sélectionneuse Emily Lima et son remplacement par un homme, Vadão. Une décision qui s’inscrivait dans la lutte pour l’égalité des sexes et dans le but d’avoir davantage de femmes en poste à la Fédération. Un combat malheureusement universel et que l’ancienne Parisienne mène depuis des années déjà.
Aujourd’hui, celle qui en a bavé étant gosse en prenant la voie du football, comme beaucoup, observe avec un peu de satisfaction l’évolution du ballon rond chez les femmes dans son pays (même si le sélectionneur n’a pas bougé et que le plus dur reste évidemment à faire) : plus de moyens et plus de portes ouvertes, notamment pour la sélection. Et c’est peut-être de l’autre côté du carré vert que « Cris » verra la suite des avancées, elle qui dispute dans l’Hexagone son cinquième et dernier Mondial. Une ultime occasion, peut-être, d’enfin décrocher un autre titre que la Copa América en compagnie de Marta et Formiga, les deux autres icônes vétérans. Revenu jouer pour son pays en avril 2018, mais de nouveau absente ensuite jusqu’à cet été, la meilleure buteuse de l’histoire des Jeux olympiques (14 unités) est en mission, alors que les jeux de Tokyo dans treize mois devraient être son baroud d’honneur. Après ça, la gauchère pourra regarder attentivement ce que l’on fera de son héritage.
Par Jérémie Baron