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Coupe du monde 2022 : Mais qu’a l’Australie dans les poches ?

Par Maxime Brigand
Coupe du monde 2022 : Mais qu’a l’Australie dans les poches ?

Alors qu’elle se pointe au Qatar pour disputer son cinquième Mondial consécutif, l’Australie retrouve, comme en 2018, l’équipe de France à l’occasion de son premier match dans la compétition. Quatre ans après la bataille de Kazan, c’est pourtant une sélection bien différente que les Bleus vont retrouver face à eux à Doha.

Le souffle de Graham Arnold, 59 ans, s’est coupé quelques minutes, le 16 octobre dernier. Sous ses yeux, un match de Serie A, Hellas Vérone-AC Milan, et surtout un homme : Ajdin Hrustic, allongé avec la tête entre les doigts sur le gazon du stade Marcantonio-Bentegodi. Habitué à tirer les coups de pied arrêtés de son clan, le numéro 10 du club véronais vient, sur consigne donnée à la mi-temps par son coach, de laisser Simone Verdi filer au poteau de corner et de disputer un inhabituel duel aérien avec un milieu milanais, en l’occurrence Sandro Tonali, d’où il est très mal retombé. Quelques minutes plus tard, c’est la tête très basse que Hrustic apparaît de nouveau à l’écran avant de sortir de la pelouse. Pendant deux jours, tout tourne en boucle dans la tête du bonhomme, notamment ce bruit de claquage qu’il dit avoir entendu 48 heures plus tôt. Puis, la respiration. Après le passage d’une IRM, diagnostic est posé : Ajdin Hrustic peut dribbler l’opération, et son sélectionneur peut essuyer les gouttes de son front. Un mois plus tard, si le meneur de jeu de l’Australie n’a pas mordu dans la moindre minute de match officiel, tout a été mis en œuvre – cheville glacée régulièrement, plusieurs visites à la clinique Aspetar de Doha, l’une des plus avancées en matière de médecine sportive dans le monde, entraînements à la carte -, afin qu’il puisse se présenter, mardi, en short et en chaussettes face à l’équipe de France.

« Et s’il est là, c’est avant tout ce joueur qu’il faudra regarder et réussir à contrôler, glisse Laurent Bonadei, le sélectionneur adjoint de l’Arabie saoudite, qui a croisé la route de l’Australie à deux reprises ces derniers mois. C’est la source de création là où Mooy est celle de construction, et si possible, il faudra d’ailleurs éviter les fautes à 20-25 mètres. » Voilà pour un premier avertissement au sujet d’une sélection que les Bleus vont retrouver, mardi, quatre ans après une bataille étouffante, à Kazan, d’où Didier Deschamps était ressorti avec plusieurs maux de tête. Très passifs, les Tricolores, positionnés dans un bloc médian qui s’était alors contenté de faire l’essuie-glace sans jamais harceler les relanceurs australiens, s’en étaient alors uniquement sortis par un miracle. Derrière, le coach français avait réservé un debrief salé à ses hommes. Extrait : « Sur les statistiques, distance totale parcourue par l’Australie : un peu plus de 111 kilomètres. Pour nous : 102, comme s’ils avaient pratiquement un joueur en plus. Eux, sept joueurs ont parcouru plus de dix kilomètres dans le match. Nous ? Un seul, et sans surprise, c’est NG. À ça, on peut ajouter les sprints à haute intensité. Ils en ont fait le double. Chez nous, Kylian est celui qui en a fait le moins et pourtant la vitesse, c’est ta qualité… » On sait aujourd’hui que c’est notamment sur ce moment que la campagne russe de l’équipe de France a basculé, Deschamps rangeant au passage son 4-3-3 pour mettre sur pied son 4-2-3-1 avec Blaise Matuidi dans un rôle hybride.

« Nous aimons être dos au mur »

Mais l’Australie, dans tout ça ? Elle a changé dans la forme, mais pas dans les intentions. Du moins, c’est le message que tente de faire passer depuis quelques semaines son patron, Graham Arnold, nommé après le Mondial 2018 et dont la première campagne qualificative à une Coupe du monde a été de loin la plus longue de tous les qualifiés. « L’ADN australien est toujours là, détaillait-il cette semaine dans un riche entretien donné à World Soccer. Des joueurs comme Tim Cahill, Mark Viduka et Harry Kewell étaient des joueurs de premier ordre, mais ils avaient surtout ce désir de gagner à tout prix, de courir jusqu’à l’épuisement, de se battre sur chaque ballon, à chaque seconde. Ils aimaient transformer un match de foot en batailles individuelles, et selon moi, si on gagne huit ou deux batailles individuelles, on gagne le match. Ça, c’est la bataille physique, pas la bataille technique ou tactique, et c’est cette bataille physique et mentale qui fait la force de l’Australie. Nous aimons être des outsiders, être dos au mur, voir que personne ne nous donne aucune chance. Pat Cash et Lleyton Hewitt ont aussi réussi comme ça. »

Ces propos complètent un fait brut : les Socceroos, qui se sont qualifiés pour le Qatar après avoir dû passer par deux barrages – un face aux Émirats arabes unis (2-1) et un face au Pérou remporté aux tirs au but grâce aux exploits de son gardien remplaçant, Andrew Redmayne -, n’ont pas vécu des mois très simples depuis 2018. Avec la pandémie, l’Australie a notamment été obligée de jouer seize de ses vingt rencontres qualificatives à l’extérieur, dont plusieurs au Qatar, et en parallèle, Graham Arnold, qui a été secoué plusieurs fois, a peiné à imposer une identité claire à un groupe remodelé (seulement neuf joueurs du groupe convoqué pour le Mondial 2022 étaient en Russie il y a quatre ans). « Malgré les difficultés qui sont aussi liées à un contexte pas simple, c’est une équipe qui reste très solide, très athlétique, pas simple à manœuvrer. Elle n’excelle pas dans le contrôle, mais elle peut faire mal sur des transitions grâce à des éléments de percussion », note Bonadei, qui a été marqué par les performances de Martin Boyle et d’Awer Mabil dans les couloirs. En conférence de presse cette semaine, le cerveau de la bande, Aaron Mooy, aujourd’hui au Celtic et par qui démarre la grande majorité des circuits, a lâché deux-trois mots sur le plan face aux Bleus : « Il va falloir être réaliste dans nos situations. Nous n’en aurons sans doute pas beaucoup, mais il faudra être efficace pour mettre l’équipe de France sous pression. En Angleterre, j’ai déjà disputé des matchs comme ça avec Brighton ou Huddersfield, et nous avons parfois réussi à battre des plus grandes équipes. C’est une question de solidité défensive et d’opportunité offensive saisie. »

Latéraux intérieurs, tour redoutable

Si tout n’a pas été parfait lors des matchs face aux Émirats arabes unis et au Pérou, certains éléments se sont tout de même répétés dans l’animation offensive auxquels les Bleus vont devoir se préparer, notamment le fait que, devant des centraux souvent déchargés, les latéraux – Aziz Behich et Nathaniel Atkinson – grimpent généralement à l’intérieur de part et d’autre de Mooy en phase de construction afin de libérer les couloirs aux ailiers, là où Hrustic et le leader multiple Jackson Irvine viennent occuper les deux demi-espaces.

Séquence modèle, face aux Émirats arabes unis, de cette construction en 2+3 avec des latéraux placés à l’intérieur et un duo Irvine-Hristic dans les demi-espaces.

Cette disposition peut permettre d’aspirer le latéral d’une défense à quatre mal coordonnée, comme ici, où Aziz Behich profite de la fixation extérieure de Craig Goodwin pour lancer Irvine dans le dos du latéral émirien.

Autre séquence face au Pérou où l’on retrouve le même mécanisme à la construction et Mooy dans une position idéale pour toucher Leckie, qui a inversé sa position sur ce mouvement avec celle d’Irvine.

L’équipe de France, attendue en 4-3-3 en phase défensive pour contrarier l’animation australienne, devra aussi faire très attention sur les phases arrêtées à la tour redoutable qu’est le central Harry Souttar, déjà buteur à six reprises en dix sélections. Reste à savoir s’il sera à 100% rétabli mardi, le défenseur de Stoke n’étant revenu sur les terrains qu’il y a quelques jours après plus d’un an sans jouer à la suite d’une rupture des ligaments croisés. C’est d’ailleurs à partir de son absence que les problèmes de l’Australie, qui avait commencé sa campagne de qualification par une série historique de onze victoires, ont débuté et que l’on a vu une équipe plusieurs fois en difficulté pour défendre sa surface, même si Mathew Ryan sort souvent quelques exploits entre les bois. Interrogé samedi, Youssouf Fofana s’est cependant méfié : « On sait que c’est une équipe qui revient vite dans les transitions, qui n’y va pas mollo dans les duels. Il ne faudra pas la prendre à la légère. » Sinon, l’équipe de France pourrait revivre un deuxième Kazan. Malgré l’absence d’un 9 majeur, à moins d’une explosion folle du bizuth Garang Kuol, Graham Arnold, lui, est prêt et l’a redit cette semaine : « En Australie, les gens disent que c’est le groupe de la mort, mais moi, je l’appelle le groupe de l’opportunité ou le groupe des rêves. Il n’y a rien de mieux que jouer contre les champions du monde. C’est un match à onze contre un, maillot bleu contre maillot jaune. Nous avons beaucoup de respect pour les Français, mais je crois aussi beaucoup en nos joueurs. » Que la bataille commence.

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