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Julien Stéphan, pour passer la seconde

Par Clément Gavard

Revenu sur le banc du Stade rennais cet automne, Julien Stéphan a prolongé son contrat jusqu’en 2026 la semaine dernière. La confirmation d’une seconde chance pour l’entraîneur de 43 ans, qui a gagné en expérience et qui aura comme défi de ne pas répéter les mêmes erreurs que lors de son premier passage.

Julien Stéphan, pour passer la seconde

Il était revenu dans le décor comme s’il ne l’avait jamais quitté, en novembre dernier, après le départ soudain de Bruno Genesio, son successeur devenu son prédécesseur. Quatre mois après ce retour surprise, Julien Stéphan a plutôt réussi sa mission redressement d’un Stade rennais qui était malade au point de flirter dangereusement avec la zone rouge au cœur de l’automne (27 points en 15 matchs contre 12 points en 12 rencontres sous Genesio, passage de la 14e à la 8e place). Le technicien de 43 ans avait accepté de signer pour une pige de six mois après avoir reçu l’appel de l’actionnaire François Pinault, qui avait parlé d’un « jeune entraîneur qui a eu des difficultés et s’est découragé à un moment » (France Inter) pour réagir à sa démission à l’hiver 2021, sans oublier qu’il était l’un des hommes de la Coupe de France 2019. Stéphan avait répété plusieurs fois ses « regrets » d’avoir pris cette décision lors de différentes sorties médiatiques.

Il continuait de s’intéresser de près aux résultats et aux matchs du club breton depuis la Côte d’Azur, où il s’était installé avec sa famille après avoir été licencié par Strasbourg. Depuis quelques jours, il peut se projeter un peu plus clairement sur la suite : la semaine dernière, le SRFC a officialisé sa prolongation jusqu’en 2026, avec une option d’une année supplémentaire en cas de qualification européenne lors des deux prochaines saisons. Il devrait former un trio avec le président Olivier Cloarec et le directeur technique Florian Maurice, qui a démenti, tout comme le coach, la supposée mésentente entre les deux hommes. Ce mercredi soir, ce sera la troisième fois que Stéphan disputera une demi-finale de Coupe de France sur le banc du Stade rennais (en quatre participations), face au PSG devant lequel il avait triomphé dans le match le plus important de sa jeune carrière d’entraîneur, en 2019.

Fermeture et vestiaire d’adultes

« Je ne suis plus le même qu’il y a quatre ou cinq ans », avait lancé Stéphan cet automne lors de sa présentation à la presse. Il a rapidement voulu le montrer dans sa communication, répétant qu’il n’avait pas envie de ressasser le passé, même glorieux, et insistant pour mettre en avant les autres (les joueurs, son staff) avant lui-même. C’était parfois un reproche qui lui avait été fait dans le milieu à ses débuts dans ce costume. « Je reste encore un jeune entraîneur, avec un peu de bouteille maintenant, assumait-il encore en février. Et aussi différentes expériences vécues et la volonté de profiter. » Le Rennais de naissance était monté très haut très vite lors de sa première expérience (Ligue Europa, Coupe de France, podium à l’issue de la saison 2019-2020 tronquée par la crise sanitaire), avant de perdre le fil et de se retrouver proche du burn-out (voire en plein dedans). « Dans les moments négatifs qu’on a pu connaître, il s’est fermé. On se disait qu’on ne pouvait plus communiquer avec lui, se souvient Romain Salin. Je me rappelle lui avoir dit que je ne savais plus sur quel pied danser. Il pouvait douter de notre loyauté et restait bloqué sur des petites choses. Il n’y avait plus d’ouverture. »

Dans les moments négatifs qu’on a pu connaître, il s’est fermé. On se disait qu’on ne pouvait plus communiquer avec lui.

Romain Salin, qui a connu Stéphan à son premier passage

Après plus de dix ans passés dans le rôle du formateur, dont la moitié à Rennes, Stéphan s’est retrouvé face à des adultes, avec leurs crises d’ego et leurs problèmes. « Ce n’est pas si évident à gérer, admet Salin, aujourd’hui consultant chez France Bleu Armorique et toujours gardien à Fougères. Les jeunes s’adaptent. Là, tu as des états d’âme, des manipulations… J’avais quand même été surpris de son départ, même si je pense qu’il sentait qu’il n’avait plus de solutions et que certains joueurs voulaient moins le suivre. » L’ancien milieu de terrain avait aussi 38 ans au moment de remplacer Sabri Lamouchi en décembre 2018. « Quand on commence dans ce métier, ce n’est pas simple de trouver le bon positionnement, entre la nécessité d’une hiérarchie, gagner le respect de son vestiaire et une proximité nécessaire avec les joueurs, confiait-il avant la réception de Milan. C’est un juste milieu à trouver. » Salin confirme : « Il voulait en imposer, alors que ce n’était pas nécessaire parce qu’on le suivait par rapport à ce qu’il nous proposait au niveau foot. »

Le défi de s’inscrire dans la durée

Ils sont nombreux à reconnaître les grandes qualités de technicien de Stéphan. Son ancien gardien Romain Salin trouve qu’il est « très fort dans la préparation d’avant-match. C’est un des meilleurs en France dans ce registre pour moi, c’est vraiment au-dessus de la moyenne. Le seul que j’ai connu qui était aussi bon, c’était Jorge Jesus. Mais Julien s’adapte un peu plus à son public, il va faire attention à sa façon de parler en fonction des profils face à lui. » Chez les jeunes, déjà, le fils de Guy était reconnu pour ses causeries travaillées et marquantes. « Il n’y a pas si longtemps, j’avais noté une similitude dans une causerie », notait Benjamin Bourigeaud en février. Au-delà des prises de paroles, il y a une certaine science tactique, une lecture assez précise de l’adversaire et une recherche de l’efficacité plus que du «  beau », ce qui tranche un peu avec l’ère Bruno Genesio.

Je trouve qu’il est venu plein de fraîcheur, je le trouve vachement plus proche de ses joueurs aujourd’hui.

Benjamin Bourigeaud

Il reste la gestion des hommes, le management et le défi de réussir sur une durée plus longue, alors que sa deuxième saison en Alsace avait largement terni sa première historique (une 6e place). Il y a d’ailleurs eu ce paradoxe, ce dimanche à Strasbourg, entre la poignée de main très fraîche avec Mathieu Le Scornet, son ancien adjoint avec lequel il est brouillé, et les retrouvailles chaleureuses avec plusieurs de ses anciens joueurs strasbourgeois. Frédéric Guilbert, Kevin Gameiro ou encore Lucas Perrin – avec lequel il était resté discuter pendant près d’une heure en zone mixte après Rennes-OM le mois dernier – ont pris le temps d’échanger avec le technicien, qui assure s’être coupé de ce qui pouvait se dire ou s’écrire sur lui. « Je trouve qu’il est venu plein de fraîcheur, je le trouve vachement plus proche de ses joueurs aujourd’hui, soulignait Bourigeaud. Je retrouve quasiment le même coach que j’ai connu auparavant, avec un peu plus d’expérience. »

Un entraîneur qui a eu le temps de ronger son frein durant ses onze mois d’inactivité l’année passée, d’aller voir des matchs, d’observer, de réfléchir. « J’espère que ce n’est que le début et qu’il y aura d’autres évolutions dans le temps », disait-il. Lors de son premier passage, Stéphan avait perdu de l’énergie dans sa relation conflictuelle avec Olivier Létang, avant peut-être de se perdre tout court à force de vouloir trop en faire, à une époque où certains supporters l’imaginaient en Sir Alex Ferguson ou Arsène Wenger à la rennaise, dans un foot où les coachs s’usent de plus en plus vite. «  Dans les moments négatifs, il faudra qu’il reste lui-même, pointe Salin. À l’époque, il avait une carapace, il s’était fermé un peu plus chaque jour. Je pense qu’il part sur un cycle long, je lui souhaite vraiment le meilleur. » Sa première aventure rennaise avait duré 819 jours, sa seconde chance pourrait connaître un premier tournant en cas de nouvelle finale de Coupe de France, le 25 mai prochain, à Lille.

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Par Clément Gavard

Propos de Romain Salin recueillis par CG, ceux de Julien Stéphan et Benjamin Bourigeaud tirés de conférences de presse

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