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Coucou, revoilà Trémou !

Par Matthieu Rostac
Coucou, revoilà Trémou !

Après plusieurs années en pointillé en équipe de France, Benoît Trémoulinas refait surface à l'occasion des matchs amicaux contre le Danemark et le Brésil. Des matchs amicaux, c'est tout ce que l'ancien Girondin a jamais joué en EDF, la faute à un parcours sinueux en club. À un léger conformisme, aussi, sans doute. Une situation qui est peut-être sur le point de changer.

Benoît Trémoulinas est un homme qui a toujours su prendre son mal en patience. Lorsqu’il signe son premier contrat pro avec les Girondins de Bordeaux en 2007, le régional de l’étape – il a grandi à Lormont, ville de la rive droite bordelaise – s’apprête à souffler ses vingt-deux bougies. C’est encore jeune, certes, mais plus tardif que la moyenne des autres aspirants footballeurs. Avant ça, le latéral originaire de la Réunion patiente tranquillement dans l’antichambre de la CFA avec la B des Marine et Blanc, tandis que le futur du couloir gauche est promis à un Florian Marange d’un an son cadet lorsque le vétéran Jurietti aura pris une retraite bien méritée. Presque dix ans ont passé, et Florian Marange s’est empêtré dans le ventre mou de la Ligue 1 avec Bastia après la mésaventure Crystal Palace qui l’avait vu ostracisé par le club londonien. Benoît Trémoulinas, lui, a été convoqué par Didier Deschamps dans le groupe France pour affronter le Brésil et le Danemark en amical. Pour autant, son parcours ressemble à tout sauf à une trajectoire imperturbable et rectiligne. Pour revenir en sélection nationale, ce fut très dur pour Trémou. D’ailleurs, sa présence au sein des Bleus est bien loin d’être acquise.

Après le pain noir, Laurent Blanc

À dire vrai, Benoît Trémoulinas doit une fière chandelle à Laurent Blanc. C’est bien l’ancien « Président » qui, en débarquant dans le port de la Lune, a offert au latéral gauche une présence pérenne dans l’effectif Girondin. Même s’il n’a pas encore joué le moindre match avec les pros, Blanc semble accorder plus de crédit à Trémou qu’à son compère Marange : lors de la saison 2007-2008, le premier joue vingt matchs toutes compétitions confondues, tandis que le second se contente de seize matchs. L’exercice suivant, Trémoulinas est propulsé titulaire sur la gauche de la défense marine et blanc, tandis que Marange finira la deuxième partie de saison en prêt au Havre. Pourquoi ? Parce que Laurent Blanc apprécie plus que de raison la capacité du latéral de poche à s’engouffrer dans le couloir et à délivrer des centres parfaits sur la tête de ce grand chameau de Marouane Chamakh. Avec ses sept passes décisives, il contribue grandement au titre des Girondins en Ligue 1, dans l’ombre du duo Gourcuff-Chamakh.

Il est le symbole de ce Bordeaux qui soulève l’Hexagoal, alors qu’une place en Ligue Europa semblait plus concorder avec l’effectif sur le papier. Il fait également partie l’année suivante de cette équipe en surrégime qui marche sur la Ligue des champions en poule avant de s’écrouler face à Lyon en quarts, et laisse filer un second titre national de rang au profit de l’OM. Pourtant, dans les chiffres, Trémou réussit sa plus belle saison : 9 passes décisives et deux buts pour celui qui serait sur les tablettes du Milan AC et du Real Madrid. Les portes de l’équipe de France s’ouvrent pour la première fois en août 2010, après la récente prise de fonction de… Laurent Blanc. Une sélection post-Knysna qui a terriblement besoin d’un profil propret à la Trémou après les saillies sud-africaines d’Évra. Convoqué pour un amical face à la Norvège, il devra pourtant attendre deux ans avant d’obtenir sa première sélection en EDF. À presque 27 ans.

Le « petit paki » qui avait du mal à grandir

Entre-temps, les Girondins de Bordeaux se sont méchamment cassé la gueule en championnat de France. Et Trémoulinas est un pur produit bordelais. Comprendre un joueur posé. Trop. Sans véritable esprit de leadership ni aspérités, même s’il s’est fait choper bourré en bagnole en mars 2012. Un garçon au sourire gêné lorsque son coéquipier Souleymane Diawara le surnommait « petit paki » et « maïs chaud » devant la France entière. Forcément, le latéral se fond dans le moule marine et blanc quel qu’il soit : d’abord lors du fiasco Tigana, ensuite pendant l’austérité Francis Gillot, il baisse de régime, puis remonte d’un cran en fin de saison 2011-12. Les Girondins terminent cinquièmes, grattent une place en Ligue Europa et enchaînent sur le même rythme l’année suivante. En novembre 2012, le club bordelais s’offre même la gourmandise de trôner à la seconde place de Ligue 1.

De facto, Trémoulinas revient dans une équipe de France désormais aux mains de Deschamps. Pour le principe, puisqu’il ne joue qu’une minute d’un amical contre l’Italie. Et pour cause, le couloir gauche est trusté par un Patrice Évra revenu en grâce et un Gaël Clichy pas encore discrédité. Grâce à la victoire de Bordeaux en Coupe de France en mai 2013, Trémou réapparaît dans le groupe France pour deux amicaux en juin 2013 face à l’Uruguay, où il est titulaire, puis face au Brésil où il fera banquette. Pas forcément convaincant jusqu’ici avec le maillot bleu, le Lormontais voit même le statut de doublure de Patrice Évra lui échapper au profit du convalescent Éric Abidal dès le mois d’août suivant. Peut-être parce que Trémoulinas, c’est le cas typique du joueur qui s’éclaterait en sélection nationale si l’équipe de France A’ existait encore. C’est d’ailleurs là-bas que Jérôme Bonnissel, modèle du latéral gauche du FC Séville, avait stationné pendant un temps. Peut-être, aussi, parce que durant l’été, Trémoulinas a pris une décision inattendue : il a signé au Dynamo Kiev.

Renaissance au FC Séville

Dans son ouvrage Errance, le photographe et cinéaste Raymond Depardon théorisait : « L’errance n’est ni le voyage ni la promenade, mais cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? » C’est à peu près la question que tout le monde se pose lorsque Trémou pose ses valises dans la capitale ukrainienne. C’est aussi celle qu’il se pose rapidement. S’il voulait jouer les mauvais garçons et frapper un grand coup, c’est raté. Après quatorze matchs joués en six mois, il rentre au bercail direction Saint-Étienne en prêt. Même s’il ne claque pas le moindre centre décisif, Trémou retrouve ses sensations et, surtout, une visibilité certaine auprès de Deschamps. Le sélectionneur ne s’y trompe pas, intégrant Trémoulinas au groupe France élargi en préparation du Mondial brésilien.

C’est le jeune, fougueux et nasal Lucas Digne qui s’envolera finalement pour Rio. Benoît, lui, profitera de ses vacances pour se trouver une destination plus folichonne que les bords de la Dniepr. Ce sera le FC Séville, dernier vainqueur de Ligue Europa et cinquième de Liga, après avoir manqué de signer définitivement pour les Verts. Un mal pour un bien puisqu’il découvre, en compagnie de Gregory Krychkowiak (autre ancien du centre de formation des Girondins), un championnat offensif – comme lui – et rapide – comme lui encore. Si son acclimatation dans l’effectif d’Unai Emery fut retardée par deux blessures, le Lormontais s’impose peu à peu : neuf victoires sur les treize matchs qu’il a joués en Liga cette saison en tant que titulaire. Surtout, Trémoulinas a déjà délivré trois passes décisives en cinq matchs de Ligue Europa où le FC Séville est un sérieux candidat à sa propre succession.

Pénurie à gauche

Évidemment, l’ancien Bordelais s’est rappelé au bon souvenir de la Dèche qui cherche à combler le trou béant dans le coin gauche de son tableau noir. Derrière l’intouchable Patrice Évra, plus proche de la fin que du début du bout de ses 33 ans, le poste de latéral gauche est en friche. Gaël Clichy, qui n’en finit plus de creuser après avoir touché le fond, semble d’ores et déjà éliminé de la course à l’Euro 2016 après avoir longtemps occupé le poste de doublure, faute de mieux. Au vrai, le rôle de suppléant devrait revenir à Lucas Digne ou Layvin Kurzawa, futurs prospects de l’EDF (respectivement âgés de 21 et 22 ans). Sauf que le premier a un temps de jeu famélique au PSG quand le second enchaîne les erreurs de jeunesse, entre chambrage en règle avec les Bleuets et relance foirée face à Arsenal.

En attendant que les coquelets prennent du poil aux pattes, Trémoulinas fait donc figure de bonne solution de repli. Chose étonnante puisque c’est là son talon d’Achille. Très bon offensivement, le travail dans les phases défensives de celui qui jouait attaquant en équipe de jeunes reste amplement perfectible. Mais le Lormontais serait sur la voie de la guérison, transfiguré par un Unai Emery accro à la rigueur et à la tactique. De surcroît, Benoît Trémoulinas le sait : c’est maintenant ou jamais. À un peu plus d’un an de l’Euro français, le joueur tient peut-être ici sa dernière chance de jouer une grande compétition internationale. Il aura alors 30 ans. Et sans doute assez pris son mal en patience avec l’équipe de France.

Par Matthieu Rostac

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