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Commotions cérébrales : le foot ne se prend pas la tête

Par Nicolas Kssis-Martov

La gestion pour le moins défaillante du choc à la tête de Samuel Umtiti lors de Lille-Reims pose désormais de sérieuses interrogations. En effet, la santé du footballeur professionnel sur son lieu de travail ne doit pas passer après les intérêts de son employeur.

Commotions cérébrales : le foot ne se prend pas la tête

Lorsqu’on évoque la question épineuse des commotions cérébrales dans le sport, le commun des mortels songe davantage au rugby qu’au foot, surtout en cette période de Coupe du monde qui a remis un éclairage accentué sur les risques liés à la pratique de cette discipline. Le KO subi par Samuel Umtiti au stade Pierre-Mauroy rappelle toutefois que le ballon rond s’avère lui aussi concerné (y compris simplement au sujet du jeu de tête interdit dans certains pays pour les catégories de jeunes). En dépit d’un choc clairement identifié (l’ancien Bleu était allongé sur la pelouse après un contact violent avec le Rémois Junya Ito), le Lillois a été autorisé à continuer sur le terrain, ce qui a provoqué dans le vestiaire à la mi-temps un évanouissement, un malaise, des nausées et des douleurs thoraciques. Il a été finalement envoyé à l’hôpital pour des examens complémentaires, où la commotion a été signifiée. Il est heureusement forfait pour la rencontre contre Le Havre programmé ce dimanche, mais le très laxiste protocole commotion de la LFP se retrouve sur la sellette.

Ce dernier, appliqué depuis la saison dernière, prévoit selon l’article 588 de la ligue que « toute commotion cérébrale survenue dans le cadre d’un match officiel de la LFP nécessite une prise en charge par le médecin d’équipe ou le médecin de l’équipe adverse ou à défaut par le médecin réanimateur de terrain ». Le praticien a trois minutes pour se décider. L’équipe a droit à un remplacement – en dehors des cinq autorisés – pour cause de commotion par match. Si le diagnostic est confirmé, un suivi médical doit être assuré avant de pouvoir reprendre l’entraînement et retrouver le rectangle vert. Sinon, « en cas de non-respect de ces dispositions, le club pourra se voir sanctionner, par la commission des compétitions, d’une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 euros ».

Faudra-t-il en passer par les tribunaux ?

Le rugby a fini par adopter un autre système. Pour la Coupe du monde de rugby en France, le protocole de la World Rugby précise qu’un joueur démontrant des « signes manifestes » de commotion doit d’abord subir un premier examen au bord du terrain pendant 12 minutes au moins, un deuxième trois heures après la fin du match et un dernier après deux nuits de repos. Il ne pourra réapparaître dans le quinze de départ que douze jours plus tard. Bien que plus drastique que dans le foot, et donnant un peu plus l’impression que l’organisateur assume ses responsabilités (sans se réfugier derrière le libre arbitre du joueur qui exprimerait le désir de continuer), ce processus reste jugé très insuffisant, sans parler des dégâts humains accumulés par le passé. Aujourd’hui, un certain nombre de procès l’illustrent parfaitement. Ainsi en décembre 2020, une centaine de joueurs anglais et gallois ont attaqué la World Rugby et leurs fédérations, ciblant la mauvaise prise en charge des commotions cérébrales. En France, Quentin Garcia a fait de même envers son ancien club de Chambéry pour sa défaillance à la suite de ses nombreuses commotions et leurs conséquences sur le long terme.

Faudra-t-il en passer par les tribunaux pour que le foot français cesse de prendre à la légère cette réalité, y compris chez les jeunes et les amateurs ? Florent Duparchy a de la sorte déposé une plainte contre X « pour mise en danger de la vie d’autrui ». En cause, de lourdes séquelles ayant bloqué sa carrière et son transfert à Guingamp, liées à deux commotions alors qu’il était gardien sous contrat avec le Stade de Reims. « Je fais cela pour deux choses : avoir un suivi médical approprié et faire comprendre que les commotions, ça peut être gravissime », confiait-il dans les colonnes de L’Équipe. Une fois encore, le droit du travail et son volet sanitaire doivent aussi s’inviter sur les pelouses de foot. Pour le moment, l’attitude de la LFP, de la FFF et des clubs semblent surtout se concentrer sur le besoin de garantir la rentabilité de leur outil de production à crampons.

Par Nicolas Kssis-Martov

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