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Comment les Bleus ont galéré à se qualifier pour l’Euro 2000

Par Florian Rainho
Comment les Bleus ont galéré à se qualifier pour l’Euro 2000

Ils sont champions d’Europe et n’ont jamais été aussi forts. Même pas en 1998. Les Bleus sont au sommet de leur art en 2000. Pourtant, tout ça aurait bien pu ne jamais avoir lieu. Retour sur des éliminatoires de galériens entre baryton islandais, bourde de gardien et même un penalty de Frank Lebœuf.

Mais qu’a-t-il vraiment voulu dire ? Octobre 1999, les Bleus sont tout juste qualifiés pour l’Euro en Belgique et au Pays-Bas quand Roger Lemerre lâche cette phrase sibylline.« Je suis et je reste le premier supporter de l’équipe de France. Si mon chapeau savait pour qui je votais, je le brûlerais. » Laisse-t-il entendre que l’idée de démissionner lui a traversé l’esprit ? Qu’il ne peut pas tout dire ? Et que vient faire dans l’histoire ce chapeau, lui qui ne couvre jamais sa tête ? Depuis plusieurs mois, l’adjoint bonhomme et confident a laissé place à un numéro un inquiet et contrarié. Parano, déjà, un peu. Il est surtout un sélectionneur qui sait être passé très près du déshonneur suprême d’échouer en qualification avec une équipe championne du monde. Reconnu comme l’apothéose de la génération Zidane, le titre de champion d’Europe est celui d’une équipe arrivée à son apogée, à la fois plus forte et romantique (donc française) que deux ans plus tôt. Oui, peut-être. Mais c’est juste oublier que la redescente a bien failli être fatale derrière le 12 juillet 1998. Champion du monde ou pas, les qualifications restent parsemées de chausse-trappes avec ses terrains pelés et ses matchs où il y a tout à perdre et peu à gagner. C’est un peu comme « passer du caviar au pâté », résume bien ce gourmet de Youri Djorkaeff.

France-Andorre, octobre 1998

Forcément, le retour à la vie normale pique un peu. Alors que Laurent Blanc – encore suspendu pour sa pichenette sur Slaven Bilić – en profite pour assister au concert de Johnny au Stade de France, les Bleus commencent leur campagne de qualification en Islande le 5 septembre. Après un été passé sur un jet-ski avec Linda Evangelista, Fabien Barhez n’a pas la tête au boulot ; surtout pas après l’interprétation très personnelle de La Marseillaise par un baryton local. La maîtrise phonétique approximative du chanteur et son nœud papillon provoquent un long fou rire chez Barthez et Lizarazu.« Les hymnes ne sont pas une blague », gronde père Lemerre. Bref, Les Français n’y sont pas et découvrent que « l’Islandais ne mange pas que de la soupe de pommes de terre dans une petite maison de pêcheur » comme l’écrit Jean-Louis Le Touzet dans Libération. Christophe Dugarry, l’homme des premiers buts, sauvera les apparences en répondant à l’ouverture du score de Dadason (1-1). Allez, va pour cette fois.

Wembley, un triomphe en trompe-l’œil

Un mois plus tard, les champions du monde sont enfin redescendus sur le plancher des vaches. À l’époque, un déplacement à Moscou incite davantage à la prudence qu’une escapade au pays des volcans pas éteints. « La campagne de Russie, d’autres l’ont faite avant moi », plaisante Lemerre qui omet de dire que ces derniers ont eu des problèmes. Avant la rencontre, l’ancien adjoint rappelle qu’il n’a jamais rêvé de succéder « à Aimé » et qu’il sera « difficile de faire mieux que lui ». Mais différemment, oui. La victoire 3-2 donne le ton de ces éliminatoires. L’équipe de France n’est plus un coffre-fort avec dix buts encaissés en dix matchs. Son football perd en maîtrise ce qu’il gagne en créativité. Les Russes reviennent ainsi à 2-2, alors que Nicolas Anelka et Robert Pirès avaient fait le gros du boulot en première période. Le premier des nombreux relâchements à venir pendant ces éliminatoires. Alors, Lemerre revient aux basiques et repasse à trois milieux défensifs (Deschamps-Vieira-Boghossian) à l’heure de jeu. Ce dernier dépasse sa fonction pour pousser au fond des filets l’offrande de Pires à la 81e minute. Le résultat et puis rien d’autre. Comme quatre jours plus tard lors des retrouvailles avec le Stade de France. Face à des Andorrans venus avec le car, mais sans les cartouches de clopes, les Bleus attendent 53 minutes pour trouver la faille par Vincent Candela qui profite du forfait de Lilian Thuram pour sortir de sa condition de DJ et ambianceur du groupe. Un second but de Djorkaeff donne plus d’allure au score (2-0) et puis rideau pour 1998. Belle année quand même.

Et 1999 s’annonce pas mal aussi. Après une reprise en douceur face au Maroc à Marseille (1-0), la France s’impose pour la première fois de son histoire dans le jardin anglais. À Wembley ce 10 février, le froid cogne, mais les Bleus réchauffent les cœurs. Les Bleus ont trouvé le chaînon manquant, cet avant-centre de classe mondiale sans lequel ils ont composé ces dernières années.« Il ne manquait que lui », titre en gros L’Équipe au lendemain du doublé de Nicolas Anelka. Il n’a pas encore 20 ans, mais il est déjà adoubé. « Nous avons trouvé notre Ronaldo », ose même un Deschamps qu’on a connu moins définitif. À Wembley, les Tricolores ont offert le visage qu’on leur connaîtra au moment de la phase finale. Mais ces éliminatoires les inspirent beaucoup moins. Surtout quand il s’agit de recevoir l’Ukraine de Chevchenko sans Zidane, blessé. Si le sélectionneur estime qu’il « faut savoir faire sans ce joueur exceptionnel », la réalité du terrain lui rappelle que son équipe dépend beaucoup de son divin presque chauve. Malgré le 0-0, il n’y a pas le feu à la maison bleue. Pas encore, du moins. Surtout que dans la foulée, les Bleus assurent l’essentiel contre l’Arménie dans cet aznavourico (2-0), avec un Sylvain Wiltord déjà décisif au bout de deux minutes pour sa première titularisation.

Une défaite signée Panov

Après tout, les champions du monde se sentent encore invincibles. Et d’ailleurs, ils le sont en match officiel depuis le surgissement de Kostadinov un soir d’automne 1993 (l’élimination aux tirs au but contre les Tchèques à l’Euro 1996 compte comme un match nul). Mais ce 5 juin à Saint-Denis, un petit bonhomme de 1,67m est vexé. Au moment d’entrer sur le terrain, Aleksrandr Panov apprécie peu que Marcel Desailly lui prenne la main « comme si j’étais un enfant qu’il devait accompagner ». L’attaquant signe le match d’une vie et inscrit un doublé qui met en émoi les recruteurs de l’AS Saint-Étienne. Bien heureux pourtant de mener 2-1 à la pause (avec un Wiltord encore décisif), les Français confirment alors qu’ils ne savent plus geler un résultat. « La défense était notre fierté. Trois buts, c’est beaucoup », constate le futur animateur radio Christophe Dugarry.

Zizou, quelques mois après son doublé face au Brésil

Avant d’enfin partir en vacances, il y a une dernière formalité à régler. Trois fois rien, un déplacement à Barcelone où Andorre reçoit dans un stade de Montjuich devant 7600 désœuvrés qui passaient dans le coin. Zidane encore absent, Vikash Dhorasoo mène le jeu. Dans la semaine, son petit pont de lèse-majesté sur capitaine Deschamps a fait jaser. « La qualité des entraînements de Vikash et son implication ne lui autorisaient pas spécialement ce genre de geste », balance un Desailly toujours bon camarade. Face à un adversaire tenant un sit-in dans sa surface, les Français n’ont ni pétrole ni idées. À la 24e minute, Dugarry claque un Andorran trop collant et laisse les autres se démerder à neuf, Ulrich Ramé regardant la catastrophe arriver les gants dans les poches. Heureusement, le dénommé Francesc Ramirez a la bonne idée d’effectuer un bras roulé devant Anelka en toute fin de match. Frank Lebœuf prend ses responsabilités et rappelle qu’il n’était pas le tireur de penalty attitré du Stade lavallois puis de Strasbourg pour rien. À peine soulagé, le buteur du soir n’a pas le cœur à saluer la résistance des hommes de l’autre principauté. « Une équipe qui refuse absolument de jouer ne progressera jamais à mon sens. »

La boulette qui change tout

Au retour des plages, les Bleus n’ont pas beaucoup progressé non plus mathématiquement avec un 0-0 ramené de Kiev le 4 septembre. Étaient-ils venus chercher autre chose en Ukraine ? Sous pression, Lemerre a ressorti les trois récupérateurs de Saint-Mémé, et Anelka a été prié de se débrouiller seul. Wembley paraît si loin, et la victoire petit-bras en Arménie (3-2) n’a rassuré personne quatre jours plus tard. « À 3-1, on a pris le but arménien et on était comme un boxeur couché », soupire un Lemerre mis sur le gril par les médias, à commencer par un célèbre quotidien sportif. Gérard Ejnes (auteur du fameux édito « Mourir d’Aimé » ) imagine déjà un Euro sans les champions du monde, la preuve que, dans le fond, Jacquet était« un faux prophète » et cette équipe un champion de circonstances.

Bref, la France a (un peu) peur avant son dernier match contre l’Islande le 9 octobre à Saint-Denis. Dans la semaine, Lolo Blanc se fâche quand on vient encore l’astiquer avec la Bulgarie.« C’est des trucs de journalistes et arrêtez de parler du passé, car des matchs couperets, pendant la Coupe du monde, on n’a fait que ça. » Les Bleus ont leur destin au bout des crampons, mais aussi du côté de Moscou. Troisièmes, il leur suffit d’une victoire pour sécuriser une place de barragiste, pour le billet direct il faut compter sur un nul entre la Russie et l’Ukraine. Un CSC de Dadason et un but de Djorkaeff laissent penser que la première partie du contrat sera une simple formalité. Mais il suffit d’une absence de six minutes au retour des vestiaires pour tout gâcher et voir les Islandais égaliser. David Trezeguet enlève alors sa chasuble et remplace Lilian Laslandes. À la 71e minute, le Monégasque rôde pour reprendre un ballon mal capté par le gardien Kristinsson à la suite d’une tête de Desailly. On ne respire pas mieux ? Pas vraiment. Karpin ouvre le score trois minutes plus tard. Les Bleus repassent barragistes, et la Russie prend la tête.

Au micro de TF1, Jean-Michel Larqué commence à craindre encore le pire. Heureusement, la lumière va venir de Philippe Houy. Préposé à garder un œil sur le stade Loujniki, le journaliste annonce la divine nouvelle. L’Ukraine vient d’égaliser juste avant les arrêts de jeu. Un but tombé du ciel et des gants d’Aleksandr Filimonov. Le portier semble capter le coup franc de Chevchenko qui file en remise en jeu, mais en reculant, il trébuche et envoie le ballon au fond de ses cages. La Russie est éliminée, l’Ukraine barragiste et la France qualifiée. Sept mois plus tard, les Bleus sont méconnaissables par rapport à ces qualifications mal embarquées et jamais maîtrisées. Le pâté a été digéré. Un Zidane trois étoiles et ses partenaires régalent avec toujours ce brin de réussite. Avant le penalty de Raúl parti dans le ciel de Bruges, la main au mauvais endroit d’Abel Xavier ou celle pas assez ferme de Francesco Toldo, il y a d’abord eu cette seconde d’absence de Filiminov. Vingt ans plus tard, la France reconnaissante lui dit encore « spassiba ».

France-Ukraine, mars 1999

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