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  • Disparition de Diego Maradona

Comment « La Mano de Dios » est devenue l’hymne argentin

Par Victor Launay
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Parti ce mercredi à l’âge de soixante ans, Diego Maradona a rejoint une autre figure populaire argentine, Rodrigo, qui lui avait dédié en 2000 la chanson « La Mano de Dios », quelques mois avant un tragique accident. Vingt ans après sa sortie, le titre est toujours un vibrant hymne à la gloire de Maradona, que même le Pibe de Oro se plaisait à entonner.

Les idoles modernes sont toujours sanctifiées par des œuvres picturales, cinématographiques ou musicales, et Maradona ne fait pas exception. Filmé par Kusturica, raconté par Kapadia, célébré par Manu Chao, Maradona a aussi vu son parcours immortalisé par la chanson « La Mano de Dios » de l’Argentin Rodrigo, considéré comme le roi du cuarteto, un style musical né à Córdoba dans les années 1940.

Sortie en février 2000, « La Mano de Dios » de Rodrigo est sans doute la chanson qui raconte le mieux Maradona et la passion qui l’entoure, mettant parfaitement en musique les « Olé, olé, olé, Diego, Diego » et les « Marado, Marado » scandés dans les stades jusqu’à la retraite du joueur trois ans plus tôt. Écrite par un compositeur novice nommé Alejandro Romero, frère de la petite amie d’alors de Rodrigo, la chanson est le résultat d’une longue soirée de recherche du parolier, désireux de saisir l’inespérée main tendue par le populaire chanteur de Córdoba, à la recherche de nouveaux titres pour son répertoire.

Feuille blanche et carrière flinguée

Victime pendant des heures du syndrome de la feuille blanche et ne parvenant pas à aller plus loin qu’un vague premier couplet, Romero accouche finalement de la phrase « En un potrero forjó una zurda inmortal » ( « Sur un terrain vague, il a forgé un pied gauche immortel » ). Enfin touché par une inspiration divine – pas de hasard –, il fait le lien avec Maradona et déroule ensuite le parcours de Diego, des Cebollitas au Mondial 1986 en passant par la Bombonera et sa Doce. Au milieu de la nuit, il présente finalement sa composition à Rodrigo – malgré sa réticence à être comparé à la chanson sur Maradona récemment écrite par le chanteur, dont il a appris l’existence juste après avoir écrit le texte – qui fond finalement en larmes et embrasse Romero lorsqu’il entend le texte chanté, assurant à ce dernier que cette chanson « est la meilleure qu’il n’écrira jamais ». Avant d’ajouter : « Tout le monde va la chanter. Tu m’as même flingué ma carrière, je ne pourrai jamais faire mieux. »

Cette chanson… Hijo de puta

Rodrigo intitule la chanson « La Mano de Dios » et modifie ensuite quelques phrases, multipliant les références christiques, comme s’il voulait enlever tout l’humain qu’il y avait dans Diego pour mieux diviniser Maradona. Lors de sa sortie, la chanson est, comme le chanteur l’avait anticipé, un énorme succès et provoque l’hystérie lors de sa tournée. El Potro se déplace même à Cuba pour jouer sa chanson devant Maradona lui-même, alors sur l’île pour suivre une cure de désintoxication. Conquis par le chanteur aux cheveux bleus, Maradona se lève de sa chaise, fait tourner les serviettes avec toute la salle pendant la prestation et s’en va à la fin étreindre Rodrigo, lui glissant avec le sourire un « cette chanson… Hijo de puta », en guise de reconnaissance. Avant que le chanteur ne le lui rende bien en assénant un avertissement à la caméra : « Interdit d’oublier, Diego nous appartient. On peut interdire beaucoup de choses, mais on ne peut pas tuer les mots. »

Si Rodrigo meurt trois semaines après sa rencontre avec Maradona, dans un tragique accident de la route, à l’âge de 27 ans, la chanson devient un véritable hymne en l’honneur de l’enfant de Villa Fiorito. Son refrain est repris dans les concerts de rock, les stades de foot et même par l’ancien numéro 10 lui-même. Maradona – qui a assuré à son agent Guillermo Coppola que la chanson était « la meilleure que l’on [lui] ait faite » – se plaît ainsi à chanter l’hymne, en enlaçant sa mère, Doña Tota, et son père, Don Diego, pour la clôture de l’émission de télé qui lui est consacrée, La Noche del Diez, ou devant la caméra d’Emir Kusturica, pour le documentaire Maradona by Kusturica.

Dans une séquence intense et touchante, Maradona commence ainsi à entonner la chanson accompagné d’un piano, sous le regard inquiet et religieux de sa femme, Claudia Villafañe. Au son des guitares et de sa voix – juste et toujours animée de passion –, Maradona fait ensuite lever la salle comme il faisait lever les stades. Rejoint par ses amis sur scène, il chante sa vie, son mythe et rallume un instant dans les yeux de ses proches une lumière que les rebondissements, les déboires avaient fini par obscurcir – comme le montre les images d’archives disséminées par Kapadia pendant la prestation. Finalement rejoint par ses filles Dalma et Giannina l’entourant et sautant à l’unisson pour la fin de la chanson, Maradona scande encore plus fort les phrases à sa gloire comme s’il voulait les faire résonner plus longtemps et ainsi prolonger une échappée dans la grâce. Les mots résonnent encore et sûrement pour toujours. Interdit d’oublier.

« Y todo el pueblo cantó : « Maradó, Maradó, Nació la mano de Dios, Maradó, Maradó. » »

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