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Claude Puel, Vert trop solitaire

Par Adrien Hémard
Claude Puel, Vert trop solitaire

Pour la deuxième fois en vingt ans de carrière, Claude Puel s’apprête à être limogé en cours de saison. Une issue devenue inévitable pour le technicien de 60 ans, dans l’impasse à Saint-Étienne, où il n’a jamais pu poser sa patte malgré la confiance des dirigeants.

Qu’on voit les Verts à moitié pleins, ou à moitié vides, on ne peut s’empêcher d’avoir un goût de gâchis en bouche à l’annonce du départ de Claude Puel. Après un peu plus de deux ans dans le Forez, le Cévenol s’apprête à faire ses cartons. La nouvelle est tombée dimanche après-midi, quelques heures après une nouvelle claque venue glacer le Chaudron (0-5 contre Rennes). À 19h47, un tweet laconique a indiqué la sortie au technicien de 60 balais. La fin d’une aventure de deux ans entre Puel et les Verts, marquée par une finale de Coupe de France, mais surtout par une incompréhension constante entre le technicien et le peuple vert.

Une finale, et puis c’est tout ?

À l’instant T, le passage du Castrais de naissance dans le Chaudron a tout de l’échec puisqu’il laisse le club à une indigne vingtième place. Une situation pire que celle dans laquelle il était arrivé en octobre 2019, volant au secours d’un Ghislain Printant dépassé par les événements. Deux jours avaient suffi à Puel pour faire oublier son passé d’ex-Lyonnais en remportant justement le derby contre Lyon, grâce à un but tardif de Robert Berić. Une autre époque. En cinq mois, Puel avait redressé la barre et sauvé les Verts, avant que la Covid ne stoppe la saison. Mieux : il avait réussi à ramener l’AS Saint-Étienne en finale de Coupe de France. Mais dans un stade de France à huis clos après le premier confinement, il n’y avait pas eu de miracle face au PSG pour Puel et ses troupes, rapidement privés du capitaine Perrin.

On pensait alors Puel bien parti pour faire à Saint-Étienne ce qu’il avait déjà réussi à Lille ou Nice : mais non, les Verts ne sont jamais revenus au premier plan sous ses ordres. Sa première saison pleine dans le Forez aura été plus stable (11e), mais l’exercice en cours lui a été fatal. Après dix-sept journées, Claude Puel est le premier coach licencié cette saison en Ligue 1. Pour la deuxième fois de sa carrière, il quitte son banc en cours de saison. Un évènement rare dans sa carrière qui dure depuis deux décennies, mais qui n’a rien d’étonnant vu le contexte qui régnait autour de l’ASSE ces dernières semaines, et notamment depuis la réception chaotique d’Angers fin octobre. Mais en arrachant enfin deux victoires contre Clermont puis Troyes, on pensait Claude Puel à l’abri. D’autant que les Verts étaient revenus à deux points du premier non-relégable. Mais ce dimanche, c’était une victoire contre Rennes ou la porte qui était au menu.

La personnalité froide et peu démonstrative de l’ancien coach du LOSC ne l’a sûrement pas aidé dans ces temps troubles, mais il est pourtant loin d’être le seul responsable du marasme traversé par l’ASSE. Certes, c’est lui qui avait choisi de reconstruire Saint-Étienne en se basant sur la jeunesse. Mais qui peut lui en tenir rigueur ? Avec un centre de formation aussi prolifique (Guilavogui, Zouma, Saliba, Fofana…), et des finances aussi serrées, Puel avait-il d’autres possibilités en l’absence de mercatos dignes de ce nom ? Ce jeunisme lui a parfois été reproché, notamment lorsqu’il écartait des cadres au profit de jeunes verts pas encore mûrs. Mais les retours en grâce de Khazri et Boudebouz démontrent aussi que Puel n’a pas toujours été aussi têtu que ce que l’on en a dit. Même si certains choix interrogent, comme la mise au placard de l’Uruguayen Ignacio Ramírez.

L’arbre qui cache le Forez

Propulsé manager général, Claude Puel aura finalement été l’arbre qui cache la forêt dans un club miné par des problèmes structurels qui ne datent pas de son arrivée. En coupant sa tête à l’approche de la mi-saison, la direction bicéphale des Stéphanois rejette la responsabilité sur l’entraîneur (qui n’a jamais aussi peu gagné qu’à Saint-Étienne avec 31% de victoires), plutôt que d’affronter en face les problèmes de gestion illustrés par les multiples fins de contrat ou le fiasco de la vraie non-vente du club. Les dirigeants stéphanois se donnent aussi un peu d’air, en offrant aux supporters ce qu’ils demandent depuis des semaines (même si les banderoles qui pullulent en ville demandent aussi les têtes de Caïazzo et Romeyer…). Au milieu de tout ça, Claude Puel a tenté jusqu’au bout de sauver les meubles.

Alors qu’une réunion de crise scellant son avenir se préparait, il continuait d’ailleurs à mobiliser son vestiaire face à la presse après la débâcle contre Rennes avant d’évoquer ce contexte pesant : « Tout ce qui est contre les joueurs, la direction, le staff ou moi-même, ça ne met pas de la sérénité dont on a besoin. Tout le monde le ressent. L’environnement est difficile pour s’exprimer, ça peut marquer. Le contexte n’est pas évident à gérer. » Cet élan de motivation appartient désormais au passé. Mis à pied par un club qui ne peut se permettre de le licencier tant les caisses sont vides (et qui va donc devoir trouver une faute grave comme dans le cas Ruffier il y a quelques mois), Puel s’apprête à quitter le Forez sur ce constat d’échec imputable aux deux camps. En dehors de son entêtement supposé, de ses choix tactiques parfois surprenants, de sa finale de Coupe de France, du maintien de 2020, des victoires dans le derby ou à Marseille, l’image que Puel laissera à Saint-Étienne est celle d’un rendez-vous manqué. Un arrière-goût amer, de ceux des verres qui étaient prometteurs, mais qu’on ne finit pas. Et qui restent donc à moitié pleins, ou vides.

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