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City-United, Battle Royale

Par Maxime Brigand
City-United, Battle Royale

En cas de victoire samedi face à Manchester United, City sera champion et deviendra même le couronné le plus précoce de l'histoire de la Premier League. Derrière le tableau, un énième épisode de la rivalité Guardiola-Mourinho. Guerre sans paix.

« L’heure est venue. » Une poudrière qui explose : avril 2011, à Madrid, la veille d’une demi-finale aller de Ligue des champions entre le Real et le Barça, troisième round d’une pièce en quatre actes jouée au milieu d’un printemps brûlant. Là, Pep Guardiola, bonhomme qui se plaît à fermer les volets sur ses intentions, dégoupille en pleine conférence de presse. Extraits : « Comme monsieur Mourinho m’a tutoyé, moi aussi je vais le tutoyer. Il m’a appelé Pep, je vais l’appeler José. Je ne sais pas où se trouve la caméra de monsieur José d’ailleurs… Demain, à 20h45, nous nous affrontons sur le terrain. En dehors, il a déjà gagné, il a gagné toute l’année. Je lui offre ce trophée. Qu’il le ramène à la maison et qu’il en profite ! Dans la salle de presse, Mourinho est le putain de chef, le putain de maître et je ne peux pas rivaliser avec lui un seul instant.(…)Maintenant, s’il préfère rester sur ses dernières déclarations et y accorder plus d’importance qu’à notre amitié, non pas amitié… à la relation que nous avions, il est dans son droit. » Moins d’une heure plus tard, Guardiola rentre à l’hôtel où les joueurs du FC Barcelone pioncent en attendant le grand rendez-vous. À son arrivée, c’est une standing-ovation qui l’accueille. Le lendemain, la petite bande marche sur le Bernabéu (0-2) grâce à un doublé de Messi. José Mourinho a été balayé, moins fortement qu’au mois de novembre précédent au Camp Nou (5-0), mais balayé quand même.

Milkgate, câlins et rideaux

Autre décor, autre contexte, même sale odeur : samedi, c’est avec la même rage au bide que Pep Guardiola s’apprête à recevoir José Mourinho, un mec dans les bras de qui il avait sauté un soir de mai 1997, à Rotterdam, après une victoire en finale de la Coupe des coupes face au PSG (1-0). Les deux hommes étaient alors des employés du Barça : Guardiola un patron technique sur le terrain, Mourinho un adjoint de Bobby Robson étiqueté « traducteur » , mais qui était bien plus que ça. C’était l’époque du respect mutuel, de la « relation » cordiale.

Puis, il y a eu 2008, l’après-Rijkaard, la paire Ingla-Begiristain qui voit en José Mourinho un successeur idéal – au lendemain de la victoire contre le PSG, le Portugais avait chanté « aujourd’hui, demain, et pour toujours avec le Barça dans le cœur » –, et Cruyff qui intervient finalement pour pousser la candidature de Guardiola. Une intervention décisive qui a depuis ouvert une plaie qui ne sera jamais refermée. Et qui pourrit sur la place publique depuis. Le sujet excite le monde et, interrogé un jour par le Times, Dani Alves avait résumé l’histoire comme ça : « Quand Mourinho allume la lumière dans la pièce, Guardiola, lui, tire les rideaux. »

Rappelez-vous la dernière fois qu’ils se sont retrouvés : c’était le 10 décembre dernier, à Old Trafford, et le Manchester City de Guardiola était venu mettre fin à une série de 41 rencontres sans défaite à domicile du Manchester United de Mourinho (1-2). Ça, c’était pour le terrain. La suite, c’était autre chose : le milkgate comme l’a appelé la presse anglaise, soit une intervention de Mourinho dans le vestiaire de City qui fête, selon lui, trop bruyamment son succès et qui dégénère complètement. Arteta, adjoint de Guardiola, termine la journée avec l’arcade en sang, Mourinho s’écharpe avec Ederson Moraes et se prendra même du lait dans la tronche, dans un refrain parfait à la Battle of the Buffet de 2004, lorsque Fàbregas avait balancé un morceau de pizza dans le visage de Ferguson. Autant dire que le temps des câlins entre Guardiola et Mourinho est loin. Sur le terrain, l’histoire est encore plus salée pour le second : sur les vingt dernières confrontations entre les deux, il n’en a gagné que quatre, contre dix victoires pour le Catalan. Et samedi, à l’Etihad Stadium, c’est un peu plus que ça.

« Ce serait tellement bon… »

Tout simplement car en cas de succès dans le derby, Manchester City enfilera sa troisième couronne nationale en sept ans. Face à United, ça a une autre saveur. « C’est une chance qu’on ne reçoit qu’une fois dans une vie » , a même annoncé dès le week-end dernier le capitaine de City, Vincent Kompany. Kevin De Bruyne, lui, n’a pas dit autre chose : « Ce serait tellement bon… » Surtout au bout d’une telle saison, mais aussi trois jours après la leçon tactique reçue des mains de Klopp par Guardiola à Anfield (3-0) en quarts de finale aller de C1. Ce derby est donc aussi le moment de rassurer les fans tout en bouclant un titre de champion d’Angleterre déjà acquis dans les têtes depuis longtemps. Mourinho, lui, a un honneur à laver et une place de dauphin à nettoyer alors que Manchester City a une cartouche pour devenir le champion le plus précoce de l’histoire du pays devant le… Manchester United 2000-2001, qui avait terminé avec dix points d’avance sur Arsenal.

Ce derby a donc un poids historique, de la portée de celui de 2012, où une tête de Kompany avait lancé City sur la route d’un improbable titre de champion devant United, de ceux de 1996 ou de 1974, tous également joués en avril. Le Portugais a-t-il cette fois une chance de gâcher une fête déjà organisée ? Elle existe pour celui qui était déjà venu « se battre pour un point » la saison dernière à l’Etihad (0-0), mais cette fois, l’objectif a été formulé ainsi : « Je souhaite obtenir les points pour terminer deuxième. » Et Guardiola ? « Pouvoir être champion lors d’un derby, c’est une coïncidence. On va juste tout faire pour s’imposer. » Et prouver que dans cette bataille éternelle, c’est encore lui le putain de chef du terrain. C’est parti.

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