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Christophe Galtier, le saut dans l’inconnu

Par Maxime Brigand
Christophe Galtier, le saut dans l’inconnu

Alors qu’il s’apprête à vivre, mardi soir, le premier huitième de finale de Ligue des champions de sa carrière d’entraîneur, Christophe Galtier va surtout diriger un peu plus qu’un match de football face au Bayern. Mais est-il prêt ?

Depuis le premier jour, il n’y en a quasiment que pour elle, son prestige et ses deux grandes oreilles. Elle, c’est cette compétition capable d’envoyer les différents acteurs dans les bras de l’irrationnel, que chacun évoque avec des papillons dans le bide et des yeux qui pétillent. Comme tous ses nombreux prédécesseurs, Christophe Galtier, 56 ans, en a fait une obsession dès son premier jour passé avec le costume d’entraîneur du PSG sur le dos. Le technicien en a même ainsi parlé dès sa première prise de parole publique, en juillet : « En observant les différentes équipes de la Ligue des champions, je m’aperçois qu’il faut avoir un modèle de jeu très précis, une organisation très précise, rarement changée. » Il l’a ensuite évoqué dans différents entretiens donnés à la presse, que ce soit à L’Équipe « Pourquoi pas remporter la Ligue des champions ? Vous savez qui a gagné la Ligue des champions avec Chelsea ? C’est Di Matteo. Qui aurait mis un centime sur lui ? » – ou au Parisien « Il me tarde de démarrer cette compétition. Il y a du scepticisme sur ma gestion des ego et des joueurs stars, mais là où tout le monde a vraiment des doutes me concernant, c’est sur la Ligue des champions. Je respecte ces doutes-là. (…) On doit avoir l’ambition de la gagner, mais huit ou dix équipes disent la même chose. Je ne l’attends ni avec impatience ni avec gourmandise, mais j’attends de pouvoir m’exprimer avec un groupe au potentiel extraordinaire. »

On ne la gagne pas la Ligue des champions en achetant les meilleurs joueurs du monde, mais en prenant un chemin dont on ne s’éloigne jamais.

Thierry Oleksiak, adjoint de Galtier

Un soir d’octobre, le sujet a été évoqué à la table d’un bar parisien avec Thierry Oleksiak, l’adjoint historique et ami de longue date de Galtier. Il y a d’abord eu une question : qu’est-ce qui fait qu’un groupe gagne, selon lui, la Ligue des champions ? Et cette réponse : « Il ne la gagne pas en achetant les meilleurs joueurs du monde, mais en prenant un chemin dont il ne s’éloigne jamais. En 2021-2022, le Real Madrid de Carlo Ancelotti a gagné grâce à un chemin fort, à une force intérieure. Comment peut-on dire que c’est impossible que le PSG gagne uniquement à cause de notre trio offensif ? Au bout, un match reste un match, un parcours reste un parcours, et il faut à notre tour trouver un chemin, en ne lâchant rien au quotidien, en faisant comprendre à tous les joueurs que le foot, ce n’est pas “on/off”. Un chemin, ça se construit dans toutes les séances, dans chaque match de Ligue 1, dans chaque tour de Coupe de France et dans chaque rencontre de Ligue des champions. C’est ce sur quoi on travaille depuis le premier jour. » Trois jours plus tôt, le PSG venait de s’imposer face à l’OM (1-0). Son bilan était même plutôt ensoleillé : onze matchs de Ligue 1 disputés, 9 victoires, 2 nuls, 29 buts marqués, 5 encaissés et 2 succès en 4 matchs de Ligue des champions. 

L’exploration plutôt que les fouilles

Plus qu’une victoire comme les autres, ce succès contre l’Olympique de Marseille reste aujourd’hui un marqueur fort dans l’évolution de la saison parisienne. Cette nuit-là, quelques jours après un nul mou face au Benfica (1-1) au Parc des Princes et pour la première fois de la saison au coup d’envoi d’une rencontre, Galtier et son staff avaient décidé d’abandonner la défense à trois immuable de son début de mandat pour mieux répondre à l’équation posée par la bande d’Igor Tudor (marquages individualisés, pression de toutes les secondes) et mieux l’attaquer dans la profondeur. Très osé, le plan, un 4-4-2 losange, en grande partie dessiné en s’appuyant sur le visionnage de séquences du match de Ligue des champions remporté par le PSG face à l’Atalanta en août 2020, au cours duquel Neymar avait peint un chef-d’œuvre total dans un rôle de 10 (ou faux 9, c’est selon), avait fonctionné, même s’il avait laissé entrevoir ses premières limites sur le plan défensif. 

Au premier jour, Christophe Galtier ne cachait pas ses souhaits : « Du rythme, de l’intensité, une capacité à récupérer très tôt et très haut pour pouvoir mettre sous pression l’adversaire. » Coach dont la présence a souvent été garantie de performances et de succès, le Français rêvait de recuisiner à Paris avec les ingrédients récoltés au LOSC et durant quelques mois à Nice, notamment une structure claire, à laquelle Galtier n’avait alors que peu touché. Il ne l’a fait que quelques semaines lors du deuxième semestre 2019 en alignant un 3-4-2-1 à Lille avant de rapidement en revenir pour redonner à son groupe ses « repères » et ne plus le « dérégler », le LOSC ayant su jouer plus haut et être plus agressif, mais s’étant aussi beaucoup plus exposé. L’ancien entraîneur de l’AS Saint-Étienne sait et aime écouter les retours de ses joueurs, mais a longtemps été un technicien qui, plutôt que de jouer avec les systèmes, préférait jouer avec la position de ses hommes (Amine Gouiri à Nice, Renato Sanches à Lille, par exemple). Au PSG, c’est, comme il l’avait annoncé lui-même (« Il y aura une approche différente dans le jeu »), un autre Galtier qui s’est révélé : un Galtier moins dogmatique et plus flexible. Il a très vite dans la saison cherché à jongler avec le cadre pour gagner en « densité au milieu de terrain » plutôt que de fouiller tous les recoins de son plan A à la suite des adaptations des adversaires et à des rencontres devenues plus poussives sur le plan offensif. « Changer de système est une grande décision pour tous les staffs, précise Oleksiak. Pendant plusieurs semaines, on a mis en place une longue liste de repères sans ballon, puis une autre longue liste de repères avec ballon. Changer de système, ça veut dire retrouver de nouveaux repères, dessiner de nouveaux circuits et avoir des maux de tête. Il faut aussi avoir l’adhésion des joueurs. On l’a eue avant le match contre l’OM, ils étaient pour, mais s’ils refusent, je pense qu’on ne le fait pas parce qu’on sort d’un match contre Benfica et qu’on n’a que trois jours. » Quatre mois plus tard, voilà pourtant le tableau : mardi soir, le PSG s’apprête à recevoir le Bayern dans un flou total, Galtier vient de voir ses hommes tomber deux fois de suite sans aucune contestation possible, et le staff parisien ne sait plus vraiment dans quel pot faire sa confiture. À Monaco, il a même dit : « Si je n’étais pas inquiet, ce serait grave. »

Un PSG inadapté à l’époque

Drôle de situation, donc, à l’heure où le septième entraîneur de l’ère QSI s’avance vers le plus gros rendez-vous sa vie de coach, lui qui, avant de venir au PSG, n’avait dirigé que six matchs de C1 (pour un nul et cinq défaites en 2019-2020). Le PSG actuel doute, se prend la tête, mais plus surprenant encore, car assez inédit dans sa trajectoire, Christophe Galtier semble avoir abîmé le fil sur lequel il tirait en début de saison à force de chercher la bonne formule. Il ne faut, bien sûr, pas mettre de côté plusieurs éléments de contexte, que ce soit la coupure liée à la Coupe du monde, qui a empêché le groupe parisien – ce qui a moins affecté celui de l’OM, de Lens ou du LOSC – de travailler collectivement, physiquement et tactiquement, les nombreuses blessures – dont celle de son accélérateur, Kylian Mbappé – ou la construction bancale de l’effectif. Sur ce dernier point, Luis Campos, qui a ramené Galtier sur le banc à Paris, a évidemment sa part de responsabilité, même si le Portugais a aussi récupéré une situation financière limitant la grande majorité des manœuvres (l’UEFA surveille de près la gestion d’un club dont la masse salariale touche ses sommets). Il est quand même intriguant de voir Christophe Galtier évoluer aujourd’hui avec des joueurs – notamment les recrues – qui n’ont absolument pas, pour la grande majorité, le profil de ceux avec lesquels il a réussi à obtenir des résultats par le passé.

Les joueurs sont des champions et ont de l’orgueil. J’en ai aussi

Christophe Galtier, samedi après la défaite à Monaco

Fin 2019, il avait ainsi passé près d’une heure à disserter son évolution et celle du jeu, à évoquer l’apparition du pressing à la perte comme « un thème central », à louer des blocs de plus en plus courts et à parler d’une autre révolution : celle du profil des joueurs. Extrait : « Il te faut des joueurs techniques, mais aujourd’hui, il te faut surtout des sprinteurs, des éléments ayant cette capacité à enchaîner les efforts, à répéter les sprints. Si tu n’as que des joueurs qui demandent le ballon dans les pieds, tu ne vas jamais de l’avant, tu ne trouves jamais aucune profondeur, que ce soit la profondeur après une récupération haute ou face à un bloc bas. Dans tes profils offensifs ou tes milieux, il te faut donc de plus en plus de joueurs capables de faire des courses sans ballon pour engendrer des espaces. (…) Ce n’est plus une question de systèmes, mais d’espaces à détecter et à attaquer. » Dans le groupe actuel du PSG, les joueurs possédant un tel profil se comptent sur les doigts d’une seule main (Nuno Mendes, Achraf Hakimi, Kylian Mbappé, Warren Zaïre-Emery, et ?) et cela explique aussi la situation du moment : ce PSG, qui ne possède pas non plus énormément de milieux capables de jouer avec sérénité sous la pression, alors que la Ligue 1 en regorge, n’est pas vraiment adapté aux caractéristiques du football de 2023, et plusieurs de ses concurrents en Ligue 1 sont venus le lui rappeler ces dernières semaines.

Maintenant, que faut-il attendre ? Bonne question. Si certains reconnaissent qu’il se retrouve dans le même piège que tous ses prédécesseurs et qu’il paie aujourd’hui le décalage entre ce que devait être son PSG à la base et ce qu’on lui a amené sur la table, Christophe Galtier, souvent très juste analyste face à la presse des maux de sa propre équipe, commence également à être remis en cause depuis quelques jours par d’autres sur plusieurs sujets : son coaching en cours de match, la faible intensité des séances la semaine… Est-il prêt pour affronter le Bayern ? Ce que l’on sait est que les dernières semaines l’ont marqué physiquement, ce que plusieurs de ses proches ont noté. Il peut cependant compter sur la capacité déjà constatée par le passé des joueurs du PSG à se transformer et à surperformer (aucune équipe parmi les seize qualifiées pour les huitièmes de finale de la C1 ne l’a fait autant cette saison – 15 buts marqués pour 8.9xG) les soirs de semaine. « Les joueurs sont des champions et ont de l’orgueil, soufflait-il samedi, après la défaite à Monaco. J’en ai aussi. » On sait aussi que s’il est confirmé en poste en fin de saison, le prochain mercato estival devrait permettre de rectifier à tous les étages les faiblesses d’un effectif qui traîne depuis plusieurs mois ses incohérences. Cela pourrait lui permettre d’enfin tracer « un chemin » clair, mais obtenir du rab passera assurément par la preuve apportée devant l’Europe qu’il peut éteindre un incendie en trois jours, contrôler un aller-retour majeur dans une compétition plus que majeure, et recoller tous les morceaux d’un club brûlant et brûlé comme rarement depuis le début d’année. Christophe Galtier, qui pourrait relancer la défense à trois mardi soir face à un Bayern lui aussi capable de changer de masque en fonction des galas, est arrivé au PSG pour la Ligue des champions, pour se prouver qu’il avait les épaules pour ces nuits-là. Les bourrasques sont là, les projecteurs aussi. Nous y sommes. 

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Tous propos issus de "Christophe Galtier, Les marches du succès" (Édition Marabout) et de So Foot, sauf mentions.

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