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Chelsea et Lampard : cauchemar en cuisine
Il faudrait un miracle pour que l’insipide Chelsea mené par Frank Lampard renverse le Real Madrid ce mardi soir. Si le légendaire milieu des Blues n’est évidemment pas le problème de cette descente aux enfers, il n’en est sûrement pas la solution.
En étant ridiculisés à la maison par Brighton pour le compte de la 31e journée de la Premier League (1-2) et en enchaînant donc une troisième défaite de rang en autant de matchs depuis le retour de Frank Lampard, les Blues ont appris trois choses : qu’ils ne mangeaient plus à la même table que les autres grosses écuries de l’élite anglaise, qu’il fallait sûrement tout changer rapidement – à commencer par les mentalités – pour ne pas voir le projet Todd Boehly s’effondrer moins d’un an après sa mise en place, et enfin que Lampard n’était clairement pas l’homme de la situation pour renverser cette table trop chargée.
Un projet trop lourd à porter
Sur la nappe dressée par l’impatient milliardaire américain Todd Boehly, il y a d’abord une belle brochette de joueurs talentueux, achetés à prix d’or et prétendument prêts à défendre les couleurs du club pendant de nombreuses années au regard de leurs contrats longue durée. À côté d’un petit récipient rempli d’idées totalement loufoques, comme l’envie de créer un All-Star Game pour garnir les caisses bien vides de la maison bleue, se trouve « le poste le plus difficile du monde », soit celui d’entraîneur de l’équipe première de Chelsea, comme s’était amusé à le décrire Graham Potter. « C’est un défi très stimulant et extrêmement dur. Je prends tous les jours aussi en considération le fait que je suis à la tête de cette équipe », avait-il lancé en janvier dernier, quelques semaines avant de prendre la porte. Sous l’ère Roman Abramovitch, jamais deux entraîneurs n’avaient été limogés la même saison. Après Thomas Tuchel, c’est désormais chose faite pour l’impatient Boehly. Poste désormais occupé par Frank Lampard, intérimaire jusqu’à la fin de saison, dont les débuts sont donc loin d’être réussis. Autour de cette table, des serviettes mouillées, qu’utilisent certains supporters de Chelsea, assistant à la pire saison du club au XXIe siècle. Les plus courageux d’entre eux n’hésitent pas à s’en prendre directement à leur président, comme le week-end dernier, à la fin d’une énième déconvenue en championnat.
— Chelsea FR (@ChelseaFrance) April 15, 2023
Enfin, comme des miettes de pain, la table regorge de toutes les rumeurs évoquant un vestiaire divisé, dont la confiance et l’esprit combatif sont en berne. Le média anglais The Athletic a en effet révélé il y a peu que les cadres ont toujours été sceptiques quant à la réussite de Potter à la tête d’une équipe aux objectifs élevés ; que certains s’amusaient même à l’appeler « Harry » ou « Poudlard » dans son dos, histoire de se moquer de son travail. Les achats ont été tellement nombreux que les derniers arrivés devaient s’asseoir par terre dans le vestiaire pendant les causeries, tandis que d’autres joueurs étaient contraints de se changer dans le couloir, faute de place. Les séances d’entraînement devaient aussi impliquer un match à neuf contre neuf, en plus du 11 contre 11 habituel, pour que tous les joueurs aient du temps de jeu et, cerise sur le gâteau, personne ne croyait à un succès en Ligue des champions face au Real, toujours selon The Athletic. Wesley Fofana a beau avoir tout balayé d’un coup de balayette en assurant que « Monsieur Frank Lampard a eu un discours rassembleur dès son arrivée », au micro de Téléfoot ce dimanche, « des mots qui nous (les joueurs de Chelsea, NDLR) ont permis de retrouver la confiance, de rejouer un football simple, de revenir à la source en fait et de prendre conscience qu’on se bat pour un club », rien ne semble avoir vraiment changé sur le terrain.
Le non-effet Lampard
D’abord, il y a eu l’espoir. « Je profitais de mon temps à la maison. Quand j’ai parlé avec la direction lors des dernières 24, 48 heures, elle m’a expliqué ce que c’était maintenant. J’ai pris la décision de revenir sans réfléchir, a lancé Lampard, légende et meilleur buteur de l’histoire de Chelsea lors de sa présentation face à la presse il y a un mois. Je savais que je reviendrais un jour à Cobham. Je suis une personne confiante, je travaille dur et je comprends le jeu. En revanche, je ne pensais pas que je serais un jour de retour en tant qu’entraîneur principal. Je suis prêt à tout mettre de côté pour cette mission. J’ai une idée claire de ce que je veux faire. Et ça va commencer par parler aux joueurs, sur et en dehors des terrains d’entraînement. » Ensuite est arrivée la triste réalité : des revers sur la pelouse du Molineux (1-0), à Madrid (2-0), et donc à la maison face aux Seagulls pour le retour de Lampard à Stamford Bridge, où des banderoles « Welcome Home Super Frank » et « Frank Lampard’s Blue and White Army » avaient été déployées pour l’occasion.
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Sans fonds de jeu, sans aucun automatisme, et sans aucune hargne, les Blues orchestrés par Lampard ont tout simplement pris des leçons tactiques. Après avoir tenté de multiples combinaisons face au Real, comme un 3-5-2 avec ballon, puis un 5-3-2 sans ballon, Lampard avait décidé de revenir à une vision plus défensive : un 4-4-2 simple, ponctué d’un marquage serré pour empêcher les feux follets de Roberto De Zerbi de se montrer dangereux dans leur couloir. Résultat : en demandant à Wesley Fofana et Benoît Badiashile de monter haut sur le terrain, plus haut que les latéraux Trevoh Chalobah et Ben Chilwell pour cadenasser Ferguson et Alexis Mac Allister dans l’axe, Pervis Estupiñán et Sanchez ont systématiquement trouvé Mitoma dans l’axe ou sur le bord de la ligne avant de revenir intérieur. Une très mauvaise idée sur le papier, puisque l’ailier japonais est redoutable quand il a du temps pour construire.
Toujours d’après les petits papiers de The Athletic, les séances d’entraînement purement tactiques auraient été très rares depuis le retour de Lampard. À la place, l’entraîneur de Chelsea aurait passé des heures à essayer de motiver ses joueurs individuellement. S’il n’a jamais été réputé pour sa vision tactique, en témoigne son premier passage sur le banc des Blues entre 2019 et 2021, Lampard aurait pu apporter un sursaut d’orgueil. Mais il n’a pas eu l’impact immédiat que lui et les propriétaires espéraient depuis son retour. Et force est de constater qu’il en est en partie responsable. Ses choix dans les compositions de départ laissent aussi à désirer. Lampard a largement privilégié les joueurs qu’il connaissait et qu’il avait côtoyés depuis son premier passage. Au stade Santiago-Bernabeu, seulement six des seize joueurs qui ont fait leur apparition faisaient partie des recrues de cette année. Contre Brighton, ils étaient douze, mais Wesley Fofana, Denis Zakaria, Enzo Fernandez ou encore Raheem Sterling ont tous été remplacés. Plus ou moins au placard sous le mandat de Graham Potter, Reece James, Mateo Kovacic, Mason Mount et Hakim Ziyech sont entrés en jeu. Depuis le rachat de Boehly, Chelsea est tristement en train de devenir le type d’équipe qui a l’air ingérable, mais où les entraîneurs vont et viennent et où rien ne change. Rien ne va, rien ne se crée, tout semble perdu avant le match retour face au Real et les six matchs de championnat cruciaux dans la course à l’Europe. Mais par chance, tout se transforme, comme dirait l’autre.
Par Matthieu Darbas