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Charles Itandje : « La veille de match au kebab, c’est particulier »

Propos recueillis par Eric Carpentier
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Blessé, le néo-Versaillais Charles Itandje ne se dressera pas face au RC Lens de ses débuts, au 8e tour de Coupe de France. L'avantage, c'est que ça lui laisse le temps de revenir sur sa carrière, le monde du foot et les plaisirs de la vie, avant d'aller s'envoyer un bon dîner. À base de poulet, évidemment.

Il y a 11 ans, vous quittez la France depuis Lens et en tant que solide gardien de Ligue 1. Vous revenez cet été pour jouer en amateur à Versailles, en National 3. C’est un vrai grand écart.En matière de football et d’agglomération, c’est sûr que ça n’a rien à voir ! Mais je suis dans une autre tranche de vie, je ne suis plus carriériste, je suis dans une nouvelle aventure, près de chez moi.

Terminer à Versailles pour un natif de Bobigny, ça permet de mesurer le chemin parcouru ?Même si on a toujours des ancrages, ce serait vous mentir que de dire le contraire. En fait, j’ai pris beaucoup de plaisir à me faire du mal dans le travail et je ne me rendais plus compte que j’évoluais. Dans le football, on nous éduque peu, le fait d’être tout le temps dans la performance nous coupe un peu du monde. Alors que malgré tout, le temps passe. L’évolution, on la mesure très tardivement.

À Versailles, ils m’ont mis une période d’essai d’une semaine. Ce qui est complètement normal vu que j’avais pris 12 ou 15 kilos. Ah ouais hein, je ne me suis pas emmerdé, pas emmerdé du tout !

Comment en êtes-vous arrivé à garder les buts du FC Versailles ?En juin 2017, je résilie mon contrat avec Adanaspor. Je reste en Turquie parce que je suis censé signer à Göztepe, mais ça ne se fait pas. Je reviens à Paris en novembre, j’attends jusqu’à décembre pour voir si je peux trouver une équipe. Rien ne se passe, alors je décide d’arrêter le football et je m’inscris pour passer mes diplômes d’entraîneur. Et puis un ami m’appelle, me dit que Versailles cherche un gardien. Ça tombe bien, j’habite à dix minutes. On a établi un entretien avec le coach de la National 3, Youssef Chibhi, et après l’entretien, ils m’ont mis une période d’essai d’une semaine. Ce qui est complètement normal vu que j’avais pris 12 ou 15 kilos. Ah ouais hein, je ne me suis pas emmerdé, pas emmerdé du tout ! (Rires.)

Bien manger, c’est le début du bonheur pour vous ?J’adore la bouffe ! Franchement, ça a été 17 ans de grande frustration, ah ouais ouais ouais… C’est-à-dire que quand c’est Ligue des champions, se faire un bon petit pâté avec une bonne baguette et une bonne bouteille de vin… Je peux vous assurer qu’une fois que j’ai arrêté en pro, tout ce que je n’ai pas pu faire avant, je l’ai bien reprogrammé ! (Rires.)

Le poulet aux arachides de ma femme, super. Je vous le conseille !

À part le menu Ligue des champions, quels sont vos plats préférés ? J’aime beaucoup les plats à base de riz et de poulet. Le poulet aux arachides de ma femme, super. Je vous le conseille ! (Rires.) J’ai appris à faire à manger aussi. Mais moi, c’est que poulet. Poulet poulet poulet !

C’est pour la nourriture que vous avez joué quatre ans en Grèce ?Ça aide ! (Rires.) Je pouvais manger en quantité, mais sainement, c’était génial. Et puis j’aime aussi le poisson, alors là-bas, j’étais servi.

Les quatre ans en Turquie ont du être un peu plus difficile à ce niveau-là…On est quand même dans la cuisine orientale, ça huile, ça huile partout. La veille de match au kebab, c’est particulier ! (Rires.) D’autant qu’après 28, 29 ans, j’avais une certaine tendance à prendre du poids. Donc c’était plus difficile. Le truc, c’est qu’on s’entraîne beaucoup plus en Turquie. Ta dépense énergétique est assez conséquente, donc finalement tu ne prends pas trop de poids.

Finalement, c’est peut-être pour ça que ça n’a pas marché à Liverpool : à cause de la bouffe anglaise.Allez, disons ça comme ça ! Parce que les pâtes n’étaient pas bonnes, allez hop, c’est réglé ! (Rires.) Plus sérieusement, après Liverpool, j’ai eu besoin de me reconstruire psychologiquement. Je suis tombé dans une forme de dépression, je n’avais plus trop la tête au foot, j’avais prévu d’arrêter à 29 ans, au terme de mon contrat. Finalement le fait d’aller en Grèce (en prêt à Kavala pendant un an, N.D.L.R.) m’a fait un bien fou et m’a relancé pour cinq saisons de plus. Mais c’est dur le foot, hein. Vraiment dur.

Liverpool voulait me forcer à partir à Galatasaray, l’idée était de me mettre dans une valise et de m’y jeter.

Il y a notamment cet épisode où vous êtes surpris en train de rigoler pendant les commémorations des 20 ans de Hillsborough…Ça, c’était la deuxième année. La première année, Liverpool veut me forcer à partir à Galatasaray, l’idée était de me mettre dans une valise et de m’y jeter. Benítez avait programmé mon départ, il avait fait sa petite magouille avec ses amis là-bas. Mais moi, je n’ai pas aimé, donc j’ai refusé le deal. Faut comprendre le cheminement. Attention, ça n’excuse en rien le fait que mon comportement n’a pas été adéquat, je l’entends complètement. Mais ça a pris des proportions… Ça a été très loin. Déjà que je m’entraînais avec la réserve… J’avais 25-26 ans et je m’entraînais avec des petits de 18 ans, alors que j’avais 200 matchs de Ligue 1. C’est pas évident.

La nostalgie de l’époque lensoise devait être forte, à moment ?Je vais vous faire une confidence : mon envie n’a jamais été de quitter Lens. On m’a fait comprendre qu’il fallait que je m’en aille au fur et à mesure de la saison, mais dans le même temps je jouais et on me demandait de la performance. Sauf que quand on est joueur professionnel, qu’on sent qu’on essaie de te pousser pour faire de la place, tu es tout seul pour gérer tes émotions. Tu vis avec et je sais que ça a influé sur mes performances de deuxième partie de saison (2006-2007, N.D.L.R.). J’étais le joueur qui jouait le plus, mais personne n’est jamais venu me voir pour me dire « on va te prolonger » ou « il faudrait que tu trouves une solution » . On ne m’a jamais rien dit. J’ai appris que je quittais Lens quand j’étais en vacances ! C’est une énorme blessure, ah ouais. C’est à ce moment-là que j’ai compris : faut arrêter de me parler de l’amour du maillot, parce que c’est très subjectif. Ça va dans les deux sens et il faut rester lucide par rapport au métier que l’on pratique.

Qu’est-ce qui vous avait tant plu à Lens, vous qui venez de la région parisienne ?Déjà, le jour où l’offre de Lens arrive à mon agent, je n’y crois pas. Le fait de pouvoir continuer à progresser directement avec des grands joueurs, c’était une chance incroyable, je n’ai pas du tout pensé à l’endroit. Et puis c’est vrai que je me suis beaucoup attaché à la région, parce que c’est une région forte en valeurs, très hospitalière, où les gens sont simples et accueillants. Vraiment. (Il insiste) Pour moi qui viens des quartiers populaires, je me suis un peu retrouvé dans cette modestie et cette humilité. C’est ce qui a fait que je me suis beaucoup attaché à la région.

Finalement, où trouve-t-on la meilleure ambiance : à Bollaert, à Anfield, en Grèce, en Turquie ou à Montbauron ?À Montbauron ? Ça dépend, je suis honnête ou pas ? (Rires.) Sérieusement, pour moi, Lens a vraiment été particulier. Le Lens de l’époque, c’était énorme, quelque chose à vivre. Et j’ai eu la chance de vivre ça six saisons.

Aujourd’hui Versailles, demain entraîneur, c’est le programme ?L’idée serait de m’orienter vers les gardiens, ça me tenterait bien. Après, le diplôme est assez large, on doit être capable de tenir une équipe à onze. Mais le but ultime, si je dois être entraîneur de haut niveau, ce serait d’entraîner des gardiens de but. Je fais avec ce que je sais ! Parce qu’on a un poste vraiment très particulier, on est une race à part.

Quelles sont les qualités indispensables pour être gardien ?Il fut un temps, il y avait un morphotype pour être gardien. Aujourd’hui, ça a beaucoup changé. On demande beaucoup plus au gardien d’être un joueur de foot, de participer, de jouer plus haut. Maintenant, on signe des gardiens parce qu’ils ont une bonne relance et moins parce qu’ils savent arrêter des ballons. Je trouve ça un peu fou, mais c’est le football moderne !

Quels sont les gardiens qui vous impressionnent le plus aujourd’hui ?J’aime beaucoup Ter Stegen. Pour moi, c’est la modernité complète. Neuer aussi, forcément. Oblak est dans un registre différent, il n’a pas les qualités de Ter Stegen, mais il est phénoménal en un contre un et sur sa ligne. Il a plus d’envergure, il est meilleur dans les réflexes, mais moins bon dans la relance. Ter Stegen est le plus complet, il est très fort dans tout ce qui est technique de gardien de but : déplacement dans la surface de réparation, gestion de l’espace, comment mettre ses mains pour capter, pour dévier, capter en un temps, en deux temps, mettre le pied ou la main… Complet, quoi. Oblak est plus spectaculaire.

Mon coup de foudre, c’est Benjamin Lecomte. Lui, il a vraiment tout, je suis fan. Je le mets à côté de Ter Stegen en matière de style de jeu.

Et en France ?Mon coup de foudre, c’est Benjamin Lecomte. Lui, il a vraiment tout, je suis fan. Je le mets à côté de Ter Stegen en matière de style de jeu. Il sait jouer haut, il sait jouer au pied, il sait capter, il sait prendre des risques dans ses sorties… C’est aussi une notion importante, la prise de risque ! Regarde Lopes, il est complètement zinzin ! (Rires.) C’est vraiment l’école de Joel Bats, ça, tous ses gardiens sont des timbrés ! (Rires.)

Vous avez pratiqué la boxe thaï, c’est quelque chose qui vous est resté dans cette notion de prise de risque ?Effectivement, j’aime les sports de combat et j’en regarde toujours, pas mal de MMA notamment. Et oui, ça m’a servi dans mon métier, parce qu’un type qui arrive lancé face à toi, faut pas se tourner, faut y aller.

Vos gardiens, ils seront comment alors ? Timbrés eux aussi ?Si j’ai la chance de faire d’aussi bons gardiens, je serai le plus heureux des hommes. Mais comment seront-ils en matière de style, ça, je ne peux pas dire.

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