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Champions League : l’axe franco-allemand

Par Nicolas Kssis-Martov
Champions League : l’axe franco-allemand

Le miracle s'est donc produit : Lyon a bouté les Anglais hors de la Ligue des champions. Résultat ? Le dernier carré offre un visage inattendu, au moins au regard du palmarès des deux dernières décennies, avec deux clubs français et deux clubs allemands. Comment cette extraordinaire situation a-t-elle pu se produire, et l'axe franco-allemand va-t-il reconstruire l'Europe du foot ?

À tous ceux qui se plaignaient de l’aseptisation progressive de la C1, l’édition en cours vient sûrement d’apporter un peu de réconfort. Fini le règne sans partage des prétentieux Espagnols ou des super-riches Britanniques. Aucun club anglais, espagnol ou italien en demies ? Inédit depuis 1991. Le Vieux Continent revoit ainsi apparaître à la table de ses grandes puissances une France qui ne s’imaginait pas à pareille fête, et une Allemagne toujours divisée entre l’Est et l’Ouest.

La raclée infligée par le Bayern au Barça, la leçon de courage donnée par les Gones à la Juve puis à City, un PSG triomphant enfin de sa malédiction digne de l’Égypte ancienne… Sans oublier le RB Leipzig, invention commerciale récente sur les ruines de la RDA qui brûle les étapes sans se soucier des préséances. Autant de parcours et de scénarios improbables qui viennent insuffler à ce millésime 2020 une dimension exceptionnelle, au-delà même du seul contexte lié au Covid-19.

Des surprises, vraiment ?

Les esprits chagrins ou raisonnables, selon le point de vue, nuanceront la réalité du séisme. Le Bayern n’a pas franchement le profil d’un rookieet si Lyon ne possède pas l’ampleur des autres prétendants, il trimbale désormais dans son ADN une véritable culture des compétitions européennes dans lesquelles son équipe parvient à se transcender (il a d’ailleurs déjà atteint, voici dix ans, les demies de Ligue des champions). Le PSG, lui, dispose depuis longtemps d’un effectif suffisamment riche pour prétendre arriver aussi loin, et seule sa psychologie collective défaillante l’avait bloqué. En revanche, le RB Leipzig fait clairement office de véritable nouveauté. Tant en raison de son identité pour le moins artificielle que par son onze type, sans parler de son ancrage géographique fort éloigné des rives de la Tamise ou du soleil méditerranéen.

Rien n’aurait été toutefois possible si, en raison de l’épidémie de coronavirus, l’UEFA n’avait été contrainte de repenser dans l’urgence son calendrier, puis la formule de son épreuve phare. Terminé les matchs aller-retour afin de satisfaire les diffuseurs (et par rebond les clubs, qui n’oublient pas non plus leur billetterie). Retour à l’ancienne et vénérable élimination directe, celle qui favorise un peu plus d’incertitude, le coup de sifflet final ne permettant plus de corriger les accidents industriels survenus durant 90 minutes. De même, ce système de tournoi sur terrain neutre – avec comme seul bémol désolant l’absence du public – a aussi forcément remis un peu d’équité entre les diverses formations présentes.

Des changements qui s’expliquent… et qui durent ?

Le fait que chaque pays ait géré diversement la reprise ou l’arrêt de ses championnats nationaux a immanquablement affecté la préparation des matchs, et donc la capacité à dompter l’adversaire. Surtout sans le filet de sécurité de la manche retour, à disputer quinze jours plus tard. Dès lors, impossible de cerner le jeu ou même l’état d’esprit des deux représentants de la L1… à moins de se baser sur la finale de la Coupe de la Ligue. Conséquences : alors que la Juve et City étaient indiscutablement bien plus opérationnels, ils ont paradoxalement été incapables de triompher de la volonté, de l’abnégation et de la rage des Lyonnais. Une petite leçon pour l’avenir, et la confirmation que la République a finalement été bien inspirée de faire passer l’intérêt supérieur au-dessus de toute autre considération (y compris sportive). Avec un peu d’ironie, Roxana Maracineanu pourrait presque s’attribuer une petite part de la qualification dans le dernier carré. N’en déplaise à Jean-Michel Aulas…

Dernière leçon : ce sont deux championnats attentifs à la rigueur des comptes de leurs pensionnaires, et un tant soit peu régulés par leur tutelle étatique qui se retrouvent face à face. Est-il possible d’en tirer des conclusions, sur le long terme ? Ce retour de l’axe franco-allemand augure-t-il une recomposition plus équilibrée de l’Europe du foot ? Des nouveaux prétendants pourront-ils s’inviter ou même espérer soulever cette coupe aux grandes oreilles ? Si Téléfootet Mediapro peuvent se frotter les mains devant le succès de leurs têtes d’affiche, le retour à la normale dès la saison prochaine pourrait vite risquer d’enterrer certains rêves. Car si l’histoire sait s’imposer sur le foot, ce dernier sait malheureusement reprendre ses droits. Et, en son royaume, redonner les titres de noblesse à ses grands seigneurs.

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