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  • Coupe du monde 2014
  • Groupe D
  • Italie/Uruguay (0-1)

C’était la Squadra

Éric Maggiori
C’était la Squadra

Comme en 2010, l'Italie est éliminée au premier tour de la Coupe du monde. Quasiment impensable lorsque l'on repense au premier match des Italiens contre l'Angleterre. Et pourtant, deux matchs plus tard, les Azzurri sont à la maison, et Prandelli a démissionné. C'est le moment, pour le football italien, de se poser les bonnes questions.

Oui, c’est vrai. En 1982, l’Italie n’avait pas gagné un seul match de poule. Des nuls calamiteux contre le Pérou, la Pologne et le Cameroun. Et pourtant, les Azzurri sont allés décrocher leur troisième étoile. Oui, c’est vrai. En 1994, les Italiens avaient perdu leur premier match face à l’Irlande, et s’étaient qualifiés à l’arrache en tant que « quatrième meilleur troisième » . Et pourtant, les Azzurri sont allés en finale, passant à un pénalty de la victoire finale. Oui, c’est vrai. En 2006, l’Italie avait fait match nul contre les USA en poule. Et pourtant, ils sont allés au bout. Alors, quand l’Italie a perdu 1-0, vendredi dernier, contre le Costa Rica, tout le monde s’est dit la même chose : « Pas grave, c’est dans leur ADN, c’est toujours comme ça. » On en aurait presque oublié un détail. Ces Italie-là, celles de 1982, 1994 ou 2006 avaient des joueurs (ou tout un collectif) capables de la transcender. Des leaders. Des joueurs en mesure de prendre toute l’équipe sur les épaules, et de hurler au monde entier : « Nous sommes l’Italie, et nous n’avons peur de personne. » Ni du Brésil, ni de l’Argentine, ni de l’Allemagne. Là, à l’évidence, l’Italie a eu peur. Peur de l’adversaire. Peur d’elle-même. Peur de perdre. Peur de gagner. Peur d’oser. Peur d’assumer les quatre étoiles sur le maillot, aussi. Oui, c’est un échec. Un putain d’échec. L’un des plus grands échecs de l’histoire du football italien, à ranger aux côtés des éliminations face à la Corée du Nord (1966) et la Slovaquie (2010).

Pas un dribble, pas un frisson, rien

Là où le constat fait mal, c’est qu’en quatre ans, l’Italie n’a pas progressé. Pire, elle a régressé dans le jeu. Jamais, lors d’un Mondial, on avait vu la Squadra tenter si peu, dans tous les secteurs. Six occasions de but en trois matchs, à tout casser. Alors, d’accord, il y a eu, entre 2010 et 2014, une finale d’Euro et une troisième place à la Coupe des confédérations, compétitions au cours desquelles la Nazionale s’est montrée séduisante, joueuse. Un savant mélange de joueurs d’expérience (Pirlo, Buffon, Barzagli) et de jeunes talents, avec Mario Balotelli en nouveau fer de lance. De bon augure pour 2014, s’était-on alors dit. Car au Brésil, les jeunes étaient censés être arrivés à maturité, et les vieux en auraient encore pas mal sous les crampons. Mais cette suite logique et programmée s’est finalement retournée contre Prandelli. Pirlo, aussi magique puisse-t-il être sur un match, a 35 ans. Depuis 2012 et son Euro magnifique, il a disputé 110 matchs toutes compétitions confondues. 110 matchs de plus dans des jambes de 35 ans. Pas négligeable, c’est évident. Demandez donc à Xavi et Gerrard. Et le débat est le même pour Barzagli, 33 ans et Gigi Buffon, 36 ans (mais énorme contre l’Uruguay). Les vieux, même s’ils demeurent les meilleurs de l’équipe, sont trop vieux. Et les jeunes ? Ils sont soit trop jeunes, soit pas au niveau. On l’a vu avec Darmian, De Sciglio ou Immobile. Darmian a fait un très gros match face à l’Angleterre, mais a été inexistant lors des deux autres rencontres. Pas un dribble, pas un frisson, rien. Idem pour Immobile, étincelant en Serie A, et complètement seul face à lui-même contre l’Uruguay. D’ailleurs, bien joué, Prandelli, de ne jamais l’avoir associé à Insigne et Cerci, les deux seuls joueurs qui le connaissent parfaitement. Peut-être aussi a-t-on voulu faire passer pour des phénomènes des joueurs qui n’en sont pas ? Être un phénomène sur Twitter, c’est bien. L’être sur la pelouse, c’est encore mieux. « Que ceux qui n’ont pas la passion restent à la maison. Pour repartir, il nous faut des hommes, pas des images » , a martelé Daniele De Rossi après l’élimination. Un message personnel pour Mario Balotelli, le seul à avoir déserté le discours d’après-match d’Andrea Pirlo ?

Finalement, le seul jeune à avoir tenu son rang, c’est Marco Verratti, très bon lors de ses deux apparitions. Mais malgré quelques gestes de grande classe, on sent qu’il n’a pas encore les épaules ni l’aura pour prendre le reste de l’équipe par la main. D’ailleurs, quand la situation s’est durcie, le milieu de terrain du PSG a souvent préféré donner le ballon à papa Pirlo. Pire : hormis le déjà cité Verratti, aucun jeune ne fait rêver. Pas de phénomènes en vue. Il fut un temps où l’équipe d’Italie faisait rêver. Parce qu’il y avait des Paolo Rossi, des Tardelli, des Bruno Conti, des Baresi, des Maldini, des Mancini, des Roberto Baggio, des Del Piero, des Vieri, des Nesta, des Totti. Des top players, des fuoriclasse. Aujourd’hui, les seuls vrais top players de l’équipe d’Italie sont les rescapés de 2006. Pirlo, Buffon, éventuellement De Rossi. Et c’est tout. Et le seul qui pourrait éventuellement entrer dans cette case, si l’on en croit ses performances et ses prestations, Cesare Prandelli a décidé de le laisser à la maison : Pepito Rossi. Jugé « hors de forme » par le sélectionneur. Lorsque l’on voit à quel point tous les joueurs de la Nazionale ont galéré pour courir lors des matchs face au Costa Rica et à l’Uruguay, il y a vraiment des questions à se poser quant à cette non-sélection.

Qui autour de Verratti ?

Après, difficile de tirer des bilans et des conclusions hâtives avec l’Italie. En 1982, elle avait remporté le Mondial alors que personne ne la voyait gagnante. En 2002, avec une génération exceptionnelle, elle s’était fait sortir en huitièmes de finale (dans les circonstances que l’on connaît, certes, mais aussi avec un Trap trop défensif). En 2004, elle s’était fait éliminer au premier tour de l’Euro, et deux ans plus tard, elle remportait le Mondial. À ce rythme-là, l’Italie peut tout à fait remporter l’Euro 2016, ou bien… ne même pas se qualifier. Non, le vrai problème est de savoir sur qui se baser pour repartir. Le fait est qu’il n’y a pratiquement aucun joueur à l’horizon, en Italie, où l’on pourrait se dire : « Oui, lui, c’est le nouveau Baggio. » Verratti peut devenir le nouveau leader, mais qui autour de lui ? Immobile devra confirmer (à Dortmund notamment), car il serait trop cruel de le juger sur le seul match face à l’Uruguay. Et les autres ? Berardi, Zaza, Destro, Florenzi (pourquoi l’avoir laissé à la maison ?), De Luca, Romagnoli… Des joueurs intéressants, mais qui ne couvrent pas tous les postes. C’est d’ailleurs le constat fait à chaud par Cesare Prandelli, au moment de présenter sa démission : « Quand l’Uruguay repartait en contre, elle le faisait avec une vitesse impressionnante. Notre football ne produit actuellement pas de joueurs capables de faire ce genre de choses, et devra donc inventer quelque chose de différent » , a-t-il affirmé.

Il y a deux ans, déjà, juste après l’Euro, Alessandro Nesta, depuis Montréal, nous avait confié qu’il ne voyait aucun futur grand défenseur central à l’horizon. « Peut-être Ranocchia, et encore, il est déjà âgé » , avait-il lâché, un brin inquiet. Un comble pour un pays qui a formé les plus grands défenseurs de l’histoire. C’est tout un projet technique qu’il faut repenser, toute une formation qu’il faut revoir. Combien de jeunes joueurs italiens de 20 ans ont eu leur chance dans un grand club transalpin cette saison ? Pratiquement aucun. De Sciglio à Milan, Romagnoli et Ricci à la Roma, Crecco à la Lazio… C’est tout. Impossible de préparer des joueurs au très haut niveau s’ils sont prêtés pendant cinq ans en troisième division. D’ailleurs, demandez donc à Totti ou Nesta s’ils ont eu besoin d’aller faire leurs gammes en Serie B ou en Serie C… Non, l’Italie doit repartir pratiquement de zéro (un peu comme son championnat, à vrai dire), et ne plus se reposer sur ses quatre étoiles et ses lauriers. Car les lauriers ont fané, et la plantation a besoin d’un nouveau jardinier. Reste à savoir qui. Spalletti, Mancini, Allegri… Ou bien, qui sait, Carlo Ancelotti. Une chose est sûre : il faudra avoir la main verte.

Éric Maggiori

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