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ACTU MERCATO

C’est quoi tous ces prêts ?

Par Morgane Carlier, Boris Teillet et Antoine Beneytou
C’est quoi tous ces prêts ?

Falcao à Manchester United, Negredo à Valence, Torres au Milan AC… Le marché des transferts 2014 a vu se dessiner une nouvelle tendance : le prêt de top joueurs. Entre fair-play financier, fiscalité, souplesse d'effectif et élégance, les causes sont multiples.

Fini le temps où seuls les jeunes joueurs ou ceux en mal de temps de jeu partaient en prêt dans une autre équipe. « S’aguerrir » , « faire ses classes » , « emmagasiner du temps de jeu » , voilà les termes qui revenaient fréquemment pour justifier un prêt. Cependant, difficile de croire que Falcao file à Manchester, pour ces raisons-là. Idem pour Negredo à Valence. Derrière ces nouvelles pratiques se cache un nouveau protagoniste influant dans le bal du marché des transferts : le fair-play financier. Pour rappel, désormais, selon l’UEFA, « les clubs peuvent dépenser jusqu’à 5 millions d’euros de plus que ce qu’ils gagnent par période d’évaluation (trois ans). Et leurs pertes peuvent même dépasser ce seuil jusqu’à une certaine limite, si elles sont entièrement couvertes par une contribution ou un paiement direct par le(s) propriétaire(s) du club ou une partie liée. »

Un prêté pour un rendu

Du coup, pour Jonathan Bensaïd, avocat mandataire sportif, qui s’occupe notamment de joueurs ghanéens et gabonais, le prêt est « une manipulation comptable. Pour les gros clubs, c’est une manière de contrôler le fair-play financier, pour les autres, c’est un moyen de ne pas tout dépenser dans le budget transfert. » « Le prêt est une nouvelle solution puisqu’il ne coûte pas d’argent et impacte juste la masse salariale » , corrobore Jennifer Mendelewitsch, agent de joueur depuis dix ans. Sauf dans le cas Falcao où « le club prêteur est dans un système dans lequel la fiscalité est plus avantageuse que dans le club d’accueil » , détaille Jean-Marc Benammar. « Habituellement, les clubs anglais et les clubs français font le sens contraire, mais là, on fait ça parce que c’est la fiscalité monégasque. C’est plus avantageux donc on a intérêt à ce que le joueur soit payé par Monaco et que Manchester United paye une facture, que Monaco émet, qui serait la facture de 10 millions en question. Elle permettrait de compenser le salaire et les cotisations sociales de Falcao qui sont versées aux organismes sociaux dont dépend Monaco. » Juridiquement, un prêt ne doit pas permettre au club prêteur de s’enrichir, tout comme il doit garantir les mêmes émoluments au joueur prêté. L’ASM ne pourra donc pas réinvestir ces 10 millions d’euros.

Une option obligatoire ?

Concernant le Colombien toujours, le prêt pourrait éventuellement être accompagné d’une option d’achat obligatoire de 55 millions d’euros pour la saison prochaine. Quel est l’intérêt ? Benammar toujours : « On déplace l’opération d’un exercice comptable à l’autre parce que ça arrange, ou les actionnaires, ou pour le fair-play financier. C’est une raison purement comptable. Cela n’a rien à voir avec les droits sportifs du joueur. Le joueur jouera dans le club concerné la saison d’après, mais on fait un montage financier, qui permet que ce soit la meilleure solution pour tout le monde. » Jennifer Mendelewitsch émet tout de même des réserves sur la pertinence d’une telle combine : « Le problème, c’est qu’on parle aussi d’un prêt avec option obligatoire. Et un prêt avec option obligatoire, ça n’existe pas. Une option, si elle est obligatoire, ce n’est plus une option. Si ça devient obligatoire, c’est que ce n’est plus un contrat de prêt avec option. C’est un contrat de prêt avec un transfert différé. C’est-à-dire que le prix est fixé d’avance et il est obligatoire. Un des bénéfices du prêt, c’est quand même de pouvoir tester le joueur. Or, si l’option à la fin de l’année est obligatoire, c’est une perte de liberté pour le club qui accueille le joueur. Si Falcao ne fait pas l’affaire, tant pis, ils sont obligés de le prendre. »

Une pratique très british

Les nouvelles règles fixées par l’UEFA avec le fair-play financier modifient donc sensiblement le type de transactions mises en œuvre durant le mercato. Le PSG a par exemple engagé Serge Aurier en prêt avec une option d’achat automatique estimée entre 10 et 12 millions d’euros. « Toulouse est un club qui travaille très très bien pour tout ce qui est fiscalité » , félicite Benammar. « Olivier Sadran est un gros chef d’entreprise. Il a l’habitude de travailler avec des directeurs financiers. Il est extrêmement compétent. C’est un des rares clubs français où il y a un président très compétent dans ce domaine-là. Le PSG a pu faire un montage financier un peu complexe parce qu’avec Toulouse, vous pouvez le faire… Avec d’autres, c’est plus compliqué. » Mais le fair-play financier n’explique pas à lui tout seul cette nouvelle tendance concernant les prêts. « Le prêt est très présent depuis plusieurs années dans les fins de mercato car les clubs n’ont pas forcément d’argent pour acheter un joueur et qu’ils en ont un besoin sportif. Les clubs anglais en font énormément depuis toujours. Par exemple, Beckham a été prêté à Preston pendant deux ou trois mois quand il était tout jeune joueur à MU. En Angleterre, c’était très courant , même pour de courtes périodes, mais ça se développe ailleurs, car ça donne une souplesse à l’effectif » , explique Jean-Marc Benammar. Dernière bizarrerie dans ce mercato, le prêt pour deux saisons de Fernando Torres au Milan AC. À la fin de la saison 2015-2016, El Niño arrivera d’ailleurs en fin de contrat à Chelsea. « C’est rare, d’habitude c’est six mois, un an, je n’ai pas d’explications particulières, avoue Jean-Marc Benammar. Je pense que c’est un moyen de se débarrasser élégamment du joueur. » Trop aimable.

Par Morgane Carlier, Boris Teillet et Antoine Beneytou

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