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- Affaire Al-Khelaïfi/Valcke
Ce qu’il faut savoir de l’affaire Nasser Al-Khelaïfi/Jérôme Valcke
Par Nicolas Jucha
Les droits télé de plusieurs Coupes du monde FIFA, Nasser Al-Khelaïfi, perquisition, Jérôme Valcke, villa en Sardaigne, corruption... Depuis jeudi, cela part dans tous les sens avec l'annonce d'une enquête de la justice suisse visant le président du PSG et l'ancien secrétaire général de la FIFA. Petit point étape sur un dossier qui va encore beaucoup bouger.
Que reproche-t-on à Jérôme Valcke ?
Il vit tranquille à Barcelone, il s’est rendu en Suisse pour saisir le Tribunal arbitral du sport et faire sauter son interdiction de dix ans de toute activité liée au football. Mais voilà, Jérôme Valcke, ancien numéro 2 de la FIFA, n’est pas retourné tout de suite chez lui en Catalogne. Avant, il s’est fait cueillir par la justice suisse qui l’a auditionné à Berne – ainsi que son épouse à Lausanne – dans le cadre d’une enquête pour acceptation « d’avantages indus en lien avec l’octroi de droits média dans certains pays » . Des avantages reçus de la part d’un homme d’affaires dont le nom n’a pas – encore – fuité pour ce qui concerne les Mondiaux de 2018 à 2030, et de la part de Nasser Al-Khelaïfi pour les Coupes du monde 2026 et 2030 dans certains pays dont le Qatar et l’Arabie saoudite. En échange de divers « avantages » , celui qui était alors à la FIFA aurait « cédé » les droits télé de la compétition phare à des prix en dessous du marché.
Pourquoi Jérôme Valcke a chaud aux miches ?
Déjà banni de la FIFA à la suite du vaste scandale de corruption qui a ébranlé l’institution en 2015, Jérôme Valcke avait signé une circulaire le 7 juillet 2010 pour rappeler aux pays candidats à l’organisation des 21e et 22e éditions de la Coupe du monde de « s’abstenir d’essayer d’influencer les membres du comité exécutif de la FIFA, que ce soit notamment en leur offrant des avantages pour des comportements particuliers » . Sauf qu’en mai 2011, dans un mail adressé à Jack Warner, président de la CONCACAF, il dit explicitement que le Qatar a « acheté la Coupe du monde » . Un Jack Warner qui, comme d’autres proches de Valcke tel Chuck Blazer, a dû quitter la FIFA sur fond de scandales de corruption. Les liaisons dangereuses, en quelque sorte. Si le Français cherche désormais à faire lever sa suspension, la FIFA, qu’il a explicitement accusée d’être derrière l’enquête de la justice suisse, a visiblement l’intention de l’enterrer définitivement.
Quel est le rôle de Nasser Al-Khelaïfi ?
Si le personnage principal s’appelle Jérôme Valcke, clairement au centre de l’enquête, le président du PSG est lui aussi dans le viseur depuis le 20 mars 2017, et l’ouverture en toute discrétion de la procédure pénale de la justice suisse. Aujourd’hui, la FIFA en a rajouté une couche en ouvrant une enquête préliminaire à l’encontre du Qatari via sa commission d’éthique. Le dirigeant parisien est proche de Valcke depuis le milieu des années 2000, quand celui-ci était directeur du marketing de la FIFA, mais aussi collaborateur ponctuel de la société de vente de droits télé sportifs SportUnited. Al-Khelaïfi avait, à l’époque, réussi à négocier pour Al Jazeera Sport les droits au Moyen-Orient de la Liga espagnole 2003-2004 et 2004-2005. Par la suite, en 2010, Valcke avait facilité l’entrée de Nasser Al-Khelaïfi à la Commission d’organisation de la Coupe du monde des clubs de la FIFA. Commission alors présidée par le controversé Chuck Blazer. La proximité entre Valcke et Al-Khelaïfi tient donc de l’évidence.
Comment Nasser Al-Khelaïfi aurait-il soudoyé Valcke ?
Actuellement dans le viseur de la justice, une villa en Sardaigne estimée à sept millions d’euros, perquisitionnée puis saisie par la police italienne ce vendredi. Le président du PSG et de beIN Media aurait mis le bien à disposition de Jérôme Valcke « gracieusement » . Le Français admet aujourd’hui avoir profité de l’endroit, mais « avec un bail » et en ayant « payé la location » . Une affirmation que les enquêteurs suisses vont avoir pour mission de vérifier, tout comme l’absence de corrélation entre le recrutement du fils de Valcke comme salarié du PSG pendant plus de trois mois consécutifs. « Cette plainte porte sur une accusation selon laquelle j’aurais bénéficié d’avantages, notamment de la part de Nasser (al-Khelaïfi) en échange de donner les droits à un prix en dessous de la valeur du marché pour la région du Moyen-Orient. Ce n’est pas vrai. Je n’ai jamais fait ça. Je n’ai jamais reçu quelque chose en échange d’autre chose.(…)Je réfute les accusations contre moi ou contre Nasser » , affirme aujourd’hui l’ancien dirigeant du football mondial, qui s’est déjà exprimé dans L’Équipe, Le Monde ou encore France Info. Pour lui, « c’est insensé. On mélange tout. Ça n’a rien à voir. Je crois que mon fils a été salarié du PSG pendant trois mois (six en réalité, ndlr). Il faut arrêter. C’est n’importe quoi… »
Qui va trinquer ? Nasser, beIN, le PSG…?
Le ministère public de la Confédération helvétique (MPC) ne plaisante pas. Ce jeudi, il a obtenu une perquisition longue de sept heures dans les locaux de beIN Sports à Boulogne-Billancourt. Une opération menée par deux magistrats français du Parquet national financier, assistés d’enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (CLCIFF), en collaboration avec le MPC et sous l’égide d’Eurojust, l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne. Le bureau personnel de Nasser Al-Khelaïfi n’aurait pas été épargné, pendant qu’en Italie était donc saisie la fameuse villa qui trouble les enquêteurs. Le président de la chaîne était en déplacement à Doha, et n’a donc pas été confronté aux magistrats. Les bureaux administratifs du PSG, également situés dans l’immeuble où siège beIN, n’ont pas été visités, l’affaire ne concernant que l’entité beIN Media et Nasser Al-Khelaïfi comme président de cette dernière. Aucune conséquence directe pour le PSG, donc. Et ce, même si la FIFA vient également d’ouvrir une « enquête préliminaire » à l’encontre du président parisien.
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