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Bordeaux : un club ne meurt jamais

Par Pierre Rondeau
Bordeaux : un club ne meurt jamais

Mardi, la commission d’appel de la FFF a confirmé la relégation en National des Girondins de Bordeaux. Après de trop nombreux déboires économiques et sportifs, ce couperet risque de signer la fin du club au scapulaire, avec un probable dépôt de bilan et une rétrogradation au dernier échelon sportif. Oui, sauf qu’un grand club ne meurt jamais.

C’en était trop. Avec une dette cumulée de plus de 40 millions d’euros, une absence de garanties fortes apportées par les actionnaires et les créanciers, une incapacité à tenir sportivement, Bordeaux a failli. Le club devra jouer, après la décision de la commission d’appel de la FFF, la troisième division. Selon certains, cette décision, si le CNOSF la confirme, risque de conduire les dirigeants bordelais à déposer le bilan. Ils seraient incapables de solvabiliser les traites et de tenir leurs engagements financiers. On se dirigerait malheureusement vers la disparition d’un club historique, fondé en 1920 et auréolé de six titres de champion de France.

Néanmoins, pour rassurer les nombreux fans et supporters des Girondins, un club ne meurt jamais. C’est en tout cas la théorie des économistes Luc Arrondel et Richard Duhautois qui, dans un article paru en 2021 dans la revue universitaire Risques, estiment que « les clubs de football sont parmi les affaires les plus durables et les plus anciennes qui soient ».

Rares sont les faillites définitives

Selon eux, l’économie du football ne doit pas être considérée comme un secteur lambda, à comparer à n’importe quelle autre branche, et ne peut être analysée avec les mêmes codes de l’entreprise. Bien que l’histoire du football ait enregistré de nombreuses faillites depuis l’ère du professionnalisme, rares sont les disparitions totales et absolues. « Les clubs de football sont comme le phénix, ils renaissent de leurs cendres. »

En France, la DNCG a comptabilisé 45 faillites entre 1979 et 2019. Deux seulement ont perdu leur statut professionnel en faisant partie de l’élite, Brest en 1991 et Bastia en 2019. Tous les autres étaient soit en Ligue 2, soit en National. Et aucun n’a définitivement disparu. Mieux encore, la majorité a retrouvé un niveau équivalent au moment de sa faillite, voire a atteint un échelon supérieur. Évoquons même le cas de Reims et de Strasbourg actuellement en Ligue 1. Ces clubs ont déposé le bilan respectivement en 1991 et en 2011. Les Rémois ont été rétrogradés en Régional, et les Strasbourgeois en National 3. Ces deux équipes ont retrouvé leur niveau après deux saisons pour Strasbourg et onze pour Reims et se rencontrent actuellement en Ligue 1.

Pour Arrondel et Duhautois, « tous ces exemples montrent que le football professionnel est une activité économique à part et que très peu de clubs disparaissent définitivement pour des raisons financières ». On peut donc espérer la même tendance pour les Girondins.

Trop petits pour échouer, les clubs de foot ne valent finalement pas grand-chose

Cette particularité tient en une maxime : « too small to fail » (trop petit pour échouer, en VF). En effet, contrairement à d’autres secteurs économiques qui brassent plusieurs milliards et dont les pertes pourraient atteindre des niveaux difficilement réparables, les clubs de foot restent avant tout de petites sociétés. « Le chiffre d’affaires des clubs des cinq grands championnats européens professionnels, environ 17 milliards d’euros en 2019, est six fois inférieur à celui d’AXA dans le monde. Autrement dit, les clubs de football sont « trop petits pour faire faillite » », rappellent Arrondel et Duhautois. Cette petitesse facilite les renaissances et laisse joindre l’espoir d’un renouveau, malgré la faillite, malgré le dépôt de bilan, malgré la crise.

En admettant que la rétrogradation de Bordeaux soit confirmée, après appel, par le CNOSF, en acceptant l’idée que les actuels actionnaires déposent le bilan et abandonnent, la marque au scapulaire ne pourra pas disparaître. Et si d’autres investisseurs veulent parier sur ce club, il ne faudra pas envisager des centaines de millions d’euros d’investissements pour démarrer. Les Girondins resteront, c’est une évidence.

On ne peut pas imaginer un championnat sans Bordeaux

D’autant plus qu’il faut rajouter à ce « too small to fail » une autre sentence : « too famous to fail » (trop connu pour échouer en VF). Bordeaux a une identité, un palmarès, est une marque identifiable, connue nationalement. Il est certain qu’elle restera, elle s’est inscrite dans la postérité. Interrogé spécifiquement sur le cas bordelais, Luc Arrondel abonde dans ce sens : « Bordeaux se relèvera comme la plupart des clubs en difficulté dans le passé se sont relevés. Cela prendra un certain temps, la période sera pénible à vivre, avec des licenciements et intérêt sportif moindre, mais les clubs sont pour la plupart des entreprises séculaires qui ont été créées pour certaines au début du jeu. Très peu de clubs disparaissent définitivement pour des raisons financières. Aux éléments géographiques, démographiques et économiques – Bordeaux est la neuvième ville de France par sa population dans une région réputée pour son vignoble – s’ajoutent d’autres éléments liés à son histoire et son palmarès sportif. La mémoire sportive est autrement plus coriace que celle d’autres entreprises en difficulté. »

Alors amis bordelais, ne perdez pas espoir, un club de foot ne meurt jamais.

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