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Bordeaux : The Thiodet Show

Par Mathias Edwards
Bordeaux : The Thiodet Show

Grâce à différentes enquêtes et révélations sur le fonctionnement des Girondins de Bordeaux diffusées la semaine passée, la France a découvert Antony Thiodet, le M. Billetterie du FCGB. Pas sûr que l'homme prenne goût à cette célébrité soudaine.

C’est peu dire que les Girondins de Bordeaux ont mal vécu leur première semaine de déconfinement, acté la semaine dernière sur tout le territoire national. Mais ici, il n’est nullement question d’hypocondrie, d’agoraphobie, ou simplement d’angoisse – encore que. Mais plutôt d’un feu nourri, auquel ils ont dû faire face toute la semaine. L’attaque a eu lieu sur deux fronts, avec toujours la même cible : la direction du club, mise en place en novembre 2018 par King Street, le fonds d’investissement américain. Le premier front, occupé par L’After Foot de RMC, a pilonné trois soirs de suite le Haillan, mitraillant tour à tour la cellule de recrutement, la gestion du centre de formation, et la politique générale du club, incarnée par le PDG Frédéric Longuépée et Antony Thiodet, son « directeur stratégie commerciale stade et réseaux » . Les deux hommes eurent également à encaisser des attaques venant de l’autre front, mené par les Ultramarines. Le principal groupe de supporters bordelais, en guerre ouverte contre le binôme depuis des mois, a publié toute la semaine des leaks audio enregistrés lors de réunions entre dirigeants du club et abonnés.

« Les gens viennent au stade pour 100 euros, pas pour 40 »

Que King Street, le fonds d’investissement propriétaire des Girondins de Bordeaux, et Frédéric Longuépée, président, soient visés par les supporters en temps de crise n’a rien d’étonnant. C’est même la procédure habituelle en pareille situation. Mais que le départ du responsable de la billetterie – ce qu’est Antony Thiodet – soit mis au même niveau de priorité est pour le moins exotique. Alors, comment en est-on arrivé là ? Florian Brunet, porte-parole des Ultramarines, date le début de la brouille aux premiers mois de 2019. « Entre janvier et septembre, on a eu quelques réunions avec Thiodet qui s’étaient très mal passées. Il nous disait qu’il voulait développer les loges, que les entreprises viennent signer des contrats pendant les matchs. Nous, on n’a pas de problèmes avec les loges, mais il veut faire venir au stade un public qui ne s’intéresse pas forcément au ballon, alors que le public bordelais existe. On était 100 000 à fêter le titre de 2009, des dizaines de milliers pour dire adieu au Parc Lescure, etc. Jamais le rugby n’a mis la ville de Bordeaux dans un tel état, mais on nous dit que c’est une ville de rugby. Il faut simplement que l’équipe soit bonne, pour que les gens viennent au stade. Mais il pense qu’il faut d’abord faire venir les gens au stade pour d’autres motifs, et ensuite développer le sportif. Il nous a également tenu des discours mythiques, tels que : « Les gens viennent au stade pour 100 euros, pas pour 40. »Comme si les Girondins étaient un produit de luxe. »

Les divergences de pensées entre les supporters et ce chantre du foot-business avaient déjà bien entamé les relations, mais c’est en septembre 2019 que le divorce sera consommé, avec l’affaire dite « de la billetterie ». À l’occasion des réceptions du FC Metz et du Stade brestois, des supporters se trouvent dans l’impossibilité d’acheter des places dans le Virage Sud du Matmut-Atlantique, la tribune occupée par les ultras. La billetterie du stade affiche complet, alors que c’est loin d’être le cas, mais propose des places plus chères ailleurs dans le stade. Sur les réseaux, les témoignages de supporters frustrés de ne pas avoir pu rejoindre leur tribune loin d’être pleine affluent. Les Ultramarines crient au refus de vente, tandis qu’Antony Thiodet déclare à 20 minutes « ne pas comprendre les informations publiées », évoque « d’éventuelles incompréhensions de la part des guichetiers », et jure qu’il n’y a aucune volonté de sa part « d’obliger les gens à acheter des places plus chères comme certains le suspectent ». Les explications ne satisfont pas les ultras, et Thiodet gagne le droit de voir son nom inscrit aux côtés de ceux de Longuépée et King Street sur des banderoles hostiles à leur présence en Gironde.

Leak of legend

Les Ultramarines, qui manifestent depuis lors leur désir de voir tout ce petit monde le plus loin possible de Bordeaux, allant même jusqu’à interrompre la rencontre face à Nîmes, en décembre dernier, pour protester contre l’interdiction du déploiement d’une banderole contre la direction du club, ont donc décidé de publier la semaine dernière ces fameux leaks. Feuilletonnés en cinq documents sonores, on y entend un peu Longuépée, beaucoup Thiodet. Ils ont été enregistrés lors de réunions du Conseil des membres, organisées par le club pour échanger avec ses abonnés (les associations de supporters refusent d’y participer). Dans l’extrait mis en ligne le lundi 11 mai, le directeur de la billetterie accuse les Ultramarines de faire pression sur les Marine et Blanc d’Île-de-France, un autre groupe de supporters, pour les empêcher de chanter. Le communiqué des fans franciliens des Girondins tombe dans la foulée : « Nous démentons fermement l’instrumentalisation de notre association, et démentons les propos mensongers tenus par des représentants de la direction du FCGB à notre égard. » Le mardi, il assure que Benoît Trémoulinas, Ludovic Obraniak, Christophe Dugarry et même Florian Brunet sont critiques envers le club, car ils possèdent la même attachée de presse que Joe DaGrosa, le patron de GACP, évincé du club en décembre 2019. Rebelote, les démentis pleuvent. Dugarry n’a pas d’attachée de presse personnelle, Brunet encore moins, et Trémoulinas et Obraniak publient des tweets assassins, vexés que leur indépendance de pensée soit ainsi mise en doute. Quant à Caroline Thiebaut, la conseillère en communication visée par Thiodet, elle conclut sa réaction ainsi : « La bassesse de ce type de conversation me fait m’interroger quant à la capacité de ces personnages à diriger un club. » Et il en sera de même toute la semaine. Le mercredi, Thiodet accuse un journaliste de Sud Ouest d’être un ancien ultra. Démenti, et colère du Club de la presse de Bordeaux. Le jeudi, Thiodet se targue de faire travailler pendant le confinement les salariés dont il a la charge aux Girondins, « même ceux qui étaient en congé, même ceux qui étaient au chômage partiel ». Pas de démenti, ce coup-ci. Enfin, le vendredi, Thiodet assure que deux supporters, dont le petit-fils de Claude Bez, auraient tenté de demander aux Ultramarines, par l’intermédiaire de Florian Brunet, de se calmer. Trêve de suspense : les deux ont démenti publiquement (ici et ici).

Ticket perdant

Frédéric Longuépée a beau assurer dans une note interne à ses salariés avoir « demandé à [ses] avocats d’examiner tous les éléments à [leur] disposition pour déterminer les suites judiciaires à mettre en œuvre », il reste que son duo avec Antony Thiodet ne sort pas grandi de cette affaire. Surtout qu’au même moment, RMC consacrait près d’une heure d’émission au binôme dans l’After Foot du 13 mai. De Thiodet, l’enquête de la radio périphérique dresse le portrait d’un homme « imbuvable », « viré de partout », qui n’a rempli aucun stade dont il a eu la charge, en dehors de celui des rugbymen de La Rochelle. Et pourtant l’homme a eu l’occasion d’exercer. Avant de poser ses valises à Bordeaux, il a occupé des fonctions au Chambéry Savoie Mont Blanc Handball, à l’AS Saint-Étienne, à la Ligue nationale de handball, au Stade Français, au Stade Rochelais, au HBC Nantes, à l’Aviron bayonnais, aux Chamois niortais, à la Section paloise, au BCM Gravelines-Dunkerque, au PSG, à la Ligue nationale de basket, à l’OGC Nice, à l’ASVEL et à la Fédération française de basket-ball. Contactés par nos soins, les Green Gones, supporters de l’ASVEL, club de basket dont Thiodet a été le directeur exécutif de 2003 à 2011, nous ont signifié qu’« aucun membre du groupe ne souhaite parler de ce mec. Il a laissé une image pas terrible et nous préférons tourner la page ». Même son de cloche chez les Ultras Green du CSP Limoges, dont il a géré la billetterie en 2016. Dans la tourmente, Antony Thiodet pourra toujours se consoler en rajoutant une ligne à son profil LikedIn : il est désormais le responsable de billetterie le plus connu de France.

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Par Mathias Edwards

Propos des Green Gones recueillis par Chloé Saunier

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