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Bleues : le sale air de la peur

Par Julien Duez, au Havre
Bleues : le sale air de la peur

Après un huitième de finale décevant, la question du manque de réussite se pose plus que jamais, surtout devant l’éventualité d’un duel face aux redoutables États-Unis. Et si, malgré les apparences, les Bleues avaient du mal avec la pression de jouer un Mondial à domicile ?

« Quand on voit les stades pleins, ça fait chaud au cœur, mais ce n’est pas le même public que chez les hommes. C’est plus américain. Les gens viennent avec femmes et enfants consommer du Coca. C’est plus familial, plus spectateur, mais l’engouement est extraordinaire. Et les retombées seront réelles et sérieuses. Nous recevons déjà des coups de fil tous les jours pour nous proposer des essais. » La citation, tirée du Républicain lorrain, est de René Franceschetti, président de la section féminine du FC Metz. Si ce qu’elle décrit est théoriquement vrai, plus la Coupe du monde avance et moins elle se vérifie. Ce dimanche au Havre, par exemple, le Stade Océane ne s’est pas contenté d’applaudir poliment les beaux gestes des Bleues. Il a tantôt rugi, tantôt sifflé, tantôt hurlé, tantôt chanté. Et a contribué aussi à rajouter une couche de pression supplémentaire à un match déjà particulièrement stressant.

De la difficulté de changer de dimension

Il faut dire que le temps où l’équipe de France féminine jouait dans l’anonymat le plus total, devant quelques centaines de curieux et sur des pelouses d’obscurs stades de province, est bel et bien révolu. Depuis le début de la Coupe du monde, plus de 135 000 personnes se sont déplacées pour voir jouer les Bleues, et les 47 000 sièges du Parc des Princes, où elles disputeront leur quart de finale ce vendredi, ont déjà trouvé preneur. Autant dire que la ferveur est là. Trop peut-être, et il faut dire que même les joueuses les plus habituées à disputer des affiches de gala européennes n’ont jamais connu d’affluences aussi importantes.

Pas question de bouder son plaisir pour autant. Wendie Renard l’a rappelé après la rencontre face au Brésil : « Quand nos supporters chantent la Marseillaise et Allez les Bleues, vous ne pouvez pas lâcher sur le terrain, c’est impossible. On a fait avec eux, et cette victoire est amplement méritée pour eux et ceux qui n’ont pas pu venir. » Même son de cloche du côté d’Eugénie Le Sommer. L’attaquante de l’Olympique lyonnais a rappelé le supposé avantage de jouer une compétition chez soi : « Malgré la fatigue, il fallait rester lucide et continuer à pousser pour marquer ce deuxième but. Tout le monde y a cru, on n’a pas été abattues et on a réussi à le faire avec l’appui du public. Ça fait vraiment chaud au cœur. Si on n’avait pas joué à la maison, ça aurait peut-être été plus difficile. »

Pourtant, après cette nouvelle victoire obtenue aux forceps, Corinne Diacre, elle, a timidement ouvert une autre brèche pour tenter d’expliquer le manque de réussite de ses joueuses : « La pression, elle est sur nos épaules, on le sait bien. Vous savez, ce n’est vraiment pas facile et, je m’excuse, mais il faut avoir été sportif pour le savoir. Jouer devant un public aussi nombreux, même chez soi, ce n’est pas toujours évident. On peut, je pense à juste titre, accorder aux joueuses d’avoir un petit peu de pression et de parfois moins jouer sur leur valeur par rapport à d’habitude. Après, la valeur intrinsèque de mes joueuses, je la connais et je sais que l’on n’est vraiment pas à 100% aujourd’hui. Et le but c’est d’y parvenir au prochain match. » Une petite phrase qui expliquerait énormément de choses.

L’avantage d’être outsider

La dernière fois qu’une sélection a remporté un Mondial féminin chez elle, c’était en 1999, aux États-Unis. Chez les garçons, c’était un an plus tôt… en France. La symbolique est donc toute trouvée pour ajouter une charge mentale de plus sur les épaules des Bleues, déjà en quête de destruction du signe indien qui les bloque au stade des quarts de finale. Alors certes, les joueuses de Corinne Diacre ont déjà joué plusieurs rencontres à guichets fermés (notamment face aux États-Unis au Havre, en janvier dernier), à la différence près que celles-ci étaient amicales. Le contexte du Mondial n’est pas forcément simple à gérer, surtout quand le discours officiel place le public français sur un piédestal et lui confère une importante part de responsabilité dans les succès acquis jusqu’à présent. Malgré elle, la sélectionneuse a commencé sa conférence d’après-match dans ce sens : « L’ambiance était très très belle avec ce stade plein et ce public qui nous soutient. Très sincèrement, cela nous était rarement arrivé, même si on l’a déjà vécu trois fois sur cette compétition, et honnêtement, on espère que cela va durer. »

Évidemment, nul n’oserait déplorer l’engouement populaire provoqué par cette équipe de France et les retombées positives dont pourrait bénéficier l’ensemble du football au féminin après la compétition. Néanmoins, Corinne Diacre, pourtant réputée froide et renfermée, a malgré elle levé un pan du voile sur les raisons des faiblesses qui habitent son équipe. Et c’est déjà un immense pas en avant de reconnaître que la peur et le stress qu’elle engendre peuvent avoir une influence sur le cours du jeu. Si les États-Unis l’emportent ce lundi face à l’Espagne, la France abordera son premier match du tournoi dans la peau de l’outsider. Paradoxalement, ce changement de statut pourrait être bénéfique aux Bleues qui devront plus que jamais se dépasser pour espérer entrer dans le dernier carré. Parfois, se retrouver au pied du mur dès le début du match peut avoir du bon. On espère en tout cas que cette théorie permettra à ces Bleues d’écrire un peu plus leur histoire. Même s’il ne faut pas le dire trop fort.

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Par Julien Duez, au Havre

Propos recueillis par JD, sauf mention.

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