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Bielsa-Campos, la valse impossible ?

Par Eric Carpentier
Bielsa-Campos, la valse impossible ?

Après l'idylle de la lune de miel, les premières tensions viennent agiter le couple star du projet lillois. La faute aux personnalités, mais surtout aux résultats.

« Il n’y a aucune tension. Il serait bon que vous puissiez étayer ces rumeurs et donner leurs origines. Parce qu’entre ma position négative et vos rumeurs, le public ne sait pas qui croire » : les mots sont de Marcelo Bielsa, le 20 septembre dernier, en conférence de presse. Quant aux rumeurs de tension, elles concernent les deux hommes forts du projet sportif lillois : Bielsa donc, et Luis Campos, officiellement conseiller sportif du président Gérard Lopez. Fin du game ? Non, évidemment. Car un mois et demi plus tard, toujours en conférence de presse, Marcelo Bielsa accepte de revenir en détails sur la relation qu’il entretient avec le Portugais. Un long monologue de quinze minutes, dans lequel l’Argentin développe ses accords et désaccords avec Campos, laissant entrevoir la possibilité de frictions au plus haut niveau du club nordiste (à partir de 8’50 »). Pour quelles conséquences ? À l’heure de recevoir Saint-Étienne, où Óscar García a préféré se faire la malle plutôt que de rester au casting d’une mauvaise série B, la question se pose.

« Si l’entraîneur gagne, il décide un peu plus que quand il perd »

À l’origine, les choses paraissaient pourtant simples : à Luis Campos la charge de scanner tout ce que la planète porte de talents en devenir, à Marcelo Bielsa celle de piocher dans les listes ainsi établies, les joueurs les plus à même de convenir à son projet de jeu. Et à Gérard Lopez de se féliciter du tour de force consistant à faire cohabiter deux personnalités, en mai dernier : « Luis et Marcelo échangent tous les jours depuis des mois.(…)Il y a une belle symbiose dans l’équipe. Cela s’annonce de façon positive. » Sauf que, faute de résultats, le ciel nordiste s’est singulièrement assombri depuis le printemps. Quelque chose qui n’étonne pas Pierre Dréossi, passé par les directions sportives de Lille et de Rennes : « Toute la problématique d’une organisation, c’est qu’au départ, tout le monde est content, mais dès qu’il y a des soucis, on se rend compte que ce n’était pas aussi clair que ça. »

Pour l’actuel manager du Paris FC, qui se garde de commenter directement la situation de son ancien club, deux choix organisationnels sont possibles : celui d’une structure pyramidale, avec un manager général portant la double casquette, administrative et sportive, et exerçant un lien hiérarchique sur l’entraîneur, ou celui d’une organisation à plat, dans laquelle directeur sportif et entraîneur doivent collaborer ensemble et rendre des comptes à un directeur général ou, à défaut, au président. « La meilleure organisation, c’est celle qui est acceptée par tout le monde. On en connaît les limites, les contours, après il faut l’accepter jusqu’à l’arrivée, pose celui qui exerce dans le premier système. Dans une organisation à plat, le rôle du président est très important. Il faut qu’il soit dans un arbitrage, il faut qu’il y ait quelqu’un qui décide. Et si l’entraîneur gagne, il décide un peu plus que quand il perd, c’est comme ça ! (Rires.) »

Les monologues de l’Argentin

Le cas lillois est-il un cas d’école ? Les derniers propos des différents acteurs collent en tout cas parfaitement avec la leçon du professeur Dréossi. Fin octobre, en marge d’une interview de Gérard Lopez dans laquelle le boss déplorait « une situation inacceptable » , Téléfoot évoquait le vœu présidentiel d’un rapprochement de Campos auprès de l’équipe première. Quelques jours plus tard, Marcelo Bielsa détaillait : « J’ai la prérogative, insérée dans mon contrat, qui stipule que toute personne dont le travail est en lien avec l’équipe première ne peut réaliser son travail qu’avec mon accord. Et que j’en réfère uniquement au directeur général (Marc Ingla, ndlr), et évidemment au propriétaire (Gérard Lopez). » Et d’ajouter, toujours dans son monologue du 3 novembre : « (Campos) joue un rôle de conseiller, je m’occupe de l’équipe première. J’aurais pu refuser son lien avec ma sphère de travail, mais je n’ai pas agi ainsi, même si je ne partage pas ses méthodes. » Ou quand Marcelo accepte de mettre un peu de Coca dans son Fernet.

Reste une paire de questions : d’une part, une collaboration approfondie peut-elle entraîner des améliorations concrètes sur le terrain ? D’autre part, un couple en désaccord peut-il avancer ensemble ? Si Marcelo Bielsa assure régulièrement qu’il ne démissionnera pas de son poste, des rumeurs venues du Times annoncent en revanche un regard intéressé de Chelsea envers Luis Campos. Ce qui pourrait paraître plus embêtant, à écouter celui qui a été le président de Dréossi à Rennes, Frédéric de Saint-Sernin : « Le directeur sportif assure la continuité sportive au club lorsqu’il faut se séparer de l’entraîneur. Parce qu’un club, ce n’est pas que le groupe professionnel, c’est aussi le centre de formation, le centre d’entraînement, tout ce qui gravite autour du terrain. » Sauf qu’à Lille, ces missions ressemblent à des prérogatives plutôt dévolues à… Marcelo Bielsa, quand Luis Campos est davantage occupé à vadrouiller à la recherche de la prochaine plus-value. Quoi qu’il en soit, il est une chose sur laquelle se rejoignent Saint-Sernin et Dréossi : « L’entraîneur est responsable de qui joue sur le terrain, ça, c’est immuable » , tranche le premier. « Si on rentre là-dedans, après, ça devient impossible » , ajoute le second. Or, avec un calendrier chargé de neuf matchs en cinq semaines d’ici la trêve, le terrain devrait avoir suffisamment d’espaces pour reprendre les devants sur les coulisses. Si les résultats remontent, il y a à parier que les tensions et intérêts retomberont à l’état de rumeurs. Dans le cas contraire, rendez-vous à Noël pour la prochaine danse.

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Par Eric Carpentier

Tous propos recueillis par EC.

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