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Benoît Hamon : « Le football est l’une des grandes religions laïques modernes »

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
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Pour cette primaire, Benoît Hamon a décidé de jouer clairement sur l'aile gauche. Une stratégie étonnante dans le contexte actuel, mais qui lui permet de rêver au rôle d'outsider face à Manuel Valls, grand favori, dont beaucoup doutent de la couleur du maillot. Et entre les deux hommes, y compris niveau foot, le fossé ne se situe pas qu'entre deux façons de penser le jeu collectif.

Le grand supporter du Stade brestois que vous êtes a-t-il pensé à David Ginola pour la présidence de son comité de soutien ? Apparemment, il n’y a pas besoin de lui demander…Non, car j’ai décidé de ne pas faire de comité de soutien. Mais si tel avait été le cas, pourquoi pas ? C’était un attaquant merveilleux, même si j’aurais préféré qu’il aille jouer à l’OM, mon deuxième club de cœur, plutôt qu’au PSG. Je suis soulagé de savoir qu’il s’est parfaitement remis de son grave malaise cardiaque cet été. Je trouve sa reconversion à la télévision très réussie.
Si le Stade brestois se qualifie pour une finale de Ligue des champions, vous promettez, une fois élu, de ne pas prendre d’avion officiel pour vous y rendre ?Au contraire, cela sera un déplacement officiel inscrit publiquement à mon agenda. Il est du devoir du président de la République d’aller supporter un club français en finale de la Ligue des champions.
Vous avez souvent dit que le plus beau geste de foot consistait en un tacle. Cette passion pour le jeu défensif n’est-elle pas la parfaite métaphore de votre conception d’une gauche qui doit résister avec rudesse face à la pression d’adversaires bien plus fortes qu’elle ?Il n’y a pas de bonne attaque sans une solide défense. Au football comme en politique, il faut savoir assurer ses bases arrière. Un tacle glissé est un geste merveilleux qui condense la prise de risques, la technicité extrême et la fluidité. Il n’y a pas que les buts qui peuvent être beaux au football. Un tacle, une transversale ou un arrêt de gardien peuvent également confiner au sublime. Qui ne voit pas, par exemple, que Chelsea comme Leicester auparavant, gagne grâce à N’Golo Kanté. J’ai toujours aimé ces milieux défensifs infatigables, gratteurs de ballon et relanceurs. En France, Deschamps, Vieira, Makelele. À l’étranger, Roy Keane, Gattuso ou Rijkaard.

Vous aimeriez que les touches se jouent au pied. Cela se fait déjà en FSGT. C’est un clin d’œil à l’électorat communiste ?Non, mais le clin d’œil serait justifié. Le football, sport populaire, a souvent attiré des dirigeants communistes. Georges Marchais fréquentait parfois les tribunes de Geoffroy-Guichard en compagnie de son camarade, Joseph Sanguedolce, qui fut maire de Saint-Étienne quand les Verts dominaient le football français. Claude Cabannes, aussi, était un supporter assumé du Red Star.

L’évasion fiscale des hauts revenus n’est pas acceptable, qu’elle soit le fait de chefs d’entreprises, de rentiers, d’artistes ou de sportifs de haut niveau. Elle doit être implacablement combattue. De ce point de vue, Karim Benzema montre le bon exemple. J’ai peu lu d’articles pour le saluer.

Vous êtes l’une des rares voix politiques à avoir montré de la modération, voire de la compréhension, face à Benzema. Pensez-vous toujours que le traitement de son cas a révélé la montée du racisme dans notre pays ?Didier Deschamps a fait un choix motivé par de seules considérations sportives, et j’ai trouvé choquant qu’il puisse être accusé de racisme. Aimé Jacquet, lui aussi en son temps, avait décidé de se passer des services de Jean-Pierre Papin et d’Éric Cantona qui pourtant étaient les meilleurs attaquants français à l’époque. En revanche, la jouissance que certains ont exprimé à l’annonce de la non-sélection de Karim Benzema en a dit long sur la dérive qui a gagné une partie de nos élites, touchées par une sorte de « Zemmourisation » des esprits. François Hollande trouvait que les footballeurs auraient besoin de muscler leur cerveau. En découvrant les Football Leaks, il n’aurait pas mieux valu qu’ils s’occupent d’abord de leurs impôts ? On a sorti la phrase de François Hollande de son contexte. Je crois qu’il avait encore en tête le traumatisme de la Coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud. Les footballeurs sont à l’image de la société. Vous trouverez parmi eux des gens parfaitement équilibrés et des gens parfaitement immatures. Je partage totalement votre opinion sur leur rapport à l’impôt. L’évasion fiscale des hauts revenus n’est pas acceptable, qu’elle soit le fait de chefs d’entreprises, de rentiers, d’artistes ou de sportifs de haut niveau. Elle doit être implacablement combattue. De ce point de vue, Karim Benzema montre le bon exemple. J’ai peu lu d’articles pour le saluer.

Ne considérez-vous pas que la gauche aime le foot de la pire des manières, en négligeant la pratique amateur et en ignorant le peuple des tribunes ? Pas toute la gauche en tout cas, et sûrement pas la mienne. Le football est l’une des grandes religions laïques modernes. Il existe dans, et autour de la pratique du football, un rituel qui n’est pas sans rappeler parfois le rituel religieux. Ceci dit, quand on est comme moi de gauche, on doit veiller à ce que cette passion reste accessible à tous et que les matchs de football restent une grande fête populaire. Le prix des places au stade doit être accessible à la grande masse de la population, et cette ségrégation rampante par l’argent n’est pas acceptable. C’est aussi un problème que l’on rencontre pour certains concerts qui sont devenus trop chers. La passion doit pouvoir s’exprimer dans les stades, y compris en acceptant une part de contestation des supporters sans laquelle aller au stade peut vite devenir ennuyeux. Un grand tifo procure beaucoup de belles émotions pour ceux qui le réalisent et ceux qui le découvrent. Mais, et j’insiste là-dessus, la passion ne doit pas servir d’excuse au développement de comportements violents, racistes ou homophobes, qui doivent être combattus avec la plus grande sévérité.

Je préfère un modèle assis sur une base démocratique que des clubs fonctionnant comme une entreprise capitaliste internationale où, de plus en plus, les actionnaires ont pris le pouvoir au détriment des amoureux du football.

Vous désirez instaurer un revenu minimum universel. C’est une façon d’essayer de sauver le bénévolat dans les clubs amateurs, qui est si menacé en période de crise économique ?Oui. Le sport joue un rôle fondamental dans le maintien de la cohésion sociale et le développement de pratiques bénéfiques aux individus et à l’ensemble de la société pour la santé. Les éducateurs sportifs, les bénévoles et les dirigeants des clubs sont un peu, à leur manière, devenus les nouveaux « hussards noirs » de notre République. L’adhésion à un club sportif est la forme la plus massive d’affiliation dans nos sociétés contemporaines. Plus, en tout cas, que l’adhésion cumulée à un parti politique ou à une organisation syndicale. Le bénévolat sportif doit être considéré et aidé constamment dans son développement. Tant mieux si le Revenu universel d’existence permettra à terme d’y contribuer. C’est l’un de ses objectifs. Vous préconisez un 49.3 citoyen où 10% des électeurs peuvent demander l’annulation d’une loi. Appliqué au foot, cela ne permettrait-il pas aux supporters la possibilité de révoquer un entraîneur ?Non. Cependant, le modèle des clubs comme le Barça ou le Benfica de Lisbonne – où les dirigeants sont élus par des socios propriétaires de leurs clubs – me paraît une voie à explorer. Cela ne met pas ces clubs automatiquement à l’abri des dérives, mais je préfère un modèle assis sur une base démocratique que des clubs fonctionnant comme une entreprise capitaliste internationale où, de plus en plus, les actionnaires ont pris le pouvoir au détriment des amoureux du football.

Vous désirez légaliser le cannabis. Vous êtes certain que c’est le seul moyen d’éradiquer le hooliganisme ?La loi interdit de fumer ou de boire dans un stade. Je n’entends bien évidemment pas la changer, car c’est une bonne loi.
On voit aujourd’hui que les stades de l’Euro sont de vrais boulets pour les collectivités territoriales, entre affaires judiciaires à Lille et poids financier insupportable à Marseille. Dans ces cas-là, le prochain président de la République ne pourrait-il pas « nationaliser » le BTP pour régler le problème ? Non. Mais les pouvoirs publics ont une responsabilité pour accompagner les collectivités et les clubs dans le développement de leurs arènes sportives. Les dirigeants des clubs professionnels doivent mieux réfléchir à l’insertion globale de leurs stades dans un projet sportif et économique cohérent. Sous l’autorité de Frédéric Thiriez, la Ligue de football professionnel a conduit une réflexion intéressante. Les clubs et les collectivités doivent s’en saisir.
Si vous devenez président de la République, quel serait le footballeur idéal pour devenir ministre des Sports, ou du budget ?Une personnalité qui croise Lilian Thuram pour l’engagement, Pippo Inzaghi pour la ruse – nécessaire dans les arbitrages budgétaires – et Éric Cantona pour le charisme.

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov

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