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Benítez et Garcia, rivalité ibérique en Italie

Par Markus Kaufmann
Benítez et Garcia, rivalité ibérique en Italie

Nous sommes en 2001, et Rudi Garcia cherche un stage pour obtenir son diplôme d'entraîneur. Jocelyn Angloma le pistonne : ce sera le FC Valence. Maître de stage : Rafael Benítez. « Je n'étais personne, mais il a pris le temps d'échanger avec moi », aime raconter Garcia. Depuis, les deux coachs sont souvent présentés comme maître et élève. Le madrilène exporté partout en Europe, et le Français d'origine andalouse. Arrivés en même temps en Italie, attachés tous les deux au football espagnol, la rivalité est toute naturelle.

En Italie plus qu’ailleurs, le football est dirigé par ses entraîneurs. Une semaine après les Oscars, le prix Panchina d’oro ( « banc d’or » , plutôt explicite) a été remis au meilleur entraîneur de la saison dernière. Conte vainqueur, devant Montella et Mazzarri. Et cette saison ? Le célèbre Benítez, respectueux, sympathique et surtout grand admirateur de Sacchi, est certainement l’entraîneur préféré de la presse italienne. Forcément, un Espagnol fan de football italien, cela s’adopte, cela se protège. Seulement, le Madrilène connaît une saison partagée entre l’amertume de n’avoir pas pu lutter pour le Scudetto ni sortir des poules de C1, et la satisfaction d’être encore en course en Coppa Italia et Europa League. De son côté, Garcia « l’inconnu » est arrivé sur la pointe des pieds et a séduit la Botte par des résultats inattendus. Pour le moment, si Garcia mène deux victoires à une, Benítez a mis fin aux rêves de Coppa Italia de la Roma. Quatrième épisode, ce soir.

Garcia 2 – Benítez 1

Le 18 octobre dernier, Garcia « tue le père » en battant Benítez 2-0 à l’Olimpico. Face à la possession de l’Espagnol (56%), la Roma propose plus d’équilibre et surtout beaucoup plus de Pjanić que d’Hamšík. En bons deuxième et troisième, Rome et Naples se rencontrent ensuite en demi-finale de Coppa Italia. Le 5 février à Rome, Garcia confirme : 3-2 après avoir mené 2-0 à la mi-temps. Comment le Napoli, qui jouait dans une autre sphère que la Roma la saison dernière, a pu être si dominé, si rapidement ? Une semaine plus tard, sous les yeux divins d’un Maradona adoré, c’est la secousse : 3-0 ! Callejón, Higuaín et Jorginho assomment et éliminent la Roma en l’espace de vingt minutes. Un coup dur pour une Roma qui se voyait déjà en finale.

Deux jours après l’orgasme napolitain, Fabio Capello frappe très fort dans la Gazzetta dello Sport : « Derrière la Juve, le championnat italien n’est pas compétitif. » Garcia et Benítez peuvent se sentir visés : oui, cette saison, ni l’un ni l’autre n’ont su trouver les armes nécessaires pour rendre le championnat attrayant jusqu’au bout. Garcia a fait des miracles, mais finira la saison sans titre, peu importe le résultat de ce soir. « Rome ne s’est pas faite en un jour, c’est un projet à long terme » , répète-t-il. Côté Benítez, avec un effectif grandement remanié (cinq/six nouveaux titulaires), Naples a assisté à une saison de « travaux » .

Pourquoi le Napoli ne décolle-t-il pas ?

On joue les dernières minutes de Livourne-Naples le weekend dernier. Le score est de 1-1 quand Mertens sert idéalement Duvan Zapata. L’occasion est immense. Le désespoir de voir Bardi s’emparer du ballon aussi. Le Napoli s’est fait remonter pour la cinquième fois cette saison, et perd encore des points sans Higuaín. « Tout le monde m’a déçu. Nous ne dépendons pas de Gonzalo, mais de notre détermination » , tranche Benítez. On attendait une saison de consécration, ce sera finalement « une année de changement » , dixit Hamšík. Des changements trop nombreux pour espérer la deuxième place ? On peut cibler quatre causes, et une conséquence. D’une, le turnover, spécialité de Benítez. La défaite à Bergame (0-3) ou le match nul à Livourne ont laissé des traces : sans Higuaín, Inler ou Albiol, les erreurs défensives se multiplient, et la détermination offensive n’est plus la même.

De deux, Marek Hamšík n’illumine plus le San Paolo. Le Slovaque n’a plus marqué depuis le 2 novembre, et peine à revenir de deux mois de blessure. De trois, et c’est loin d’être une coïncidence, l’équilibre du milieu de terrain napolitain affole. Sans un bon Hamšík, le double pivot Inler-Jorginho est vite esseulé. Sous Mazzarri, le soutien des milieux latéraux Maggio et Zúñiga était permanent. Ce qui nous mène à la quatrième explication, certainement la plus importante : l’apprentissage de la défense à quatre. Après des années à trois/cinq derrière, cela prend du temps. Et Naples n’en a pas : depuis la reprise en janvier, Benítez n’a eu que deux semaines complètes de travail. Enfin, l’absence de Zúñiga (depuis le 29 septembre dernier) se fait sentir. Avec le Colombien, Naples avait connu quatre victoires en quatre matchs. Ce soir, ce sera Ghoulam contre Gervinho…

Hamšík et Pjanić à la mène, Inler et Nainggolan sur le ring

Au-delà des différences abyssales entre les deux solidités défensives (29 buts encaissés pour Naples, seulement 11 pour Rome), on retrouve deux points communs majeurs dans les projets tactiques de Garcia et Benítez : des attaques très verticales et des milieux de terrain « élastiques » capables aussi bien de prendre l’initiative que de l’abandonner. Les statistiques racontent la même histoire : la possession est proche (59% pour la Roma, 56% pour Naples), l’agressivité est importante (52 cartons à 50) et même le rythme des attaques est identique (12% de longs ballons contre 11%). D’où l’intérêt tactique du match de ce soir : il y aura des choix à faire. Verra-t-on la Roma de San Siro, qui avait piégé l’Inter en attendant patiemment dans son camp, ou alors celle du Juventus Stadium, qui s’était perdue dans la langueur de ses constructions ?

Les compositions aussi sont comparables, car deux 4-2-3-1 sont attendus ce soir. Il y a la vitesse des ailiers : Mertens et Callejón (et Insigne) contre Gervinho et Ljajić (et Florenzi). Puis, Naples est depuis plusieurs saisons réputée pour le jeu costaud d’Inler et Behrami, et le duel face au « ninja » Nainggolan s’annonce terrifiant. Enfin, tout pourrait dépendre des créations des deux meneurs, Pjanić et Hamšík. Lors du match aller, Pjanić avait marqué un doublé. À Hamšík de lui répondre en manœuvrant entre les lignes romaines, à l’image d’un autre « regista » napolitain, Paolo Sorrentino, illustre tifoso du Napoli et vainqueur de l’Oscar du meilleur film étranger avec La grande bellezza, tourné entre les murs de Rome…

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