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  • Le derby du week-end – Irlande du Nord – Cliftonville/Linfield

Belfast, une ville coupée en quatre

Par Régis Delanoë
Belfast, une ville coupée en quatre

Ce samedi après-midi aura lieu un choc du championnat nord-irlandais, le leader Linfield se déplaçant sur la pelouse de son dauphin Cliftonville. Ces deux équipes sont de Belfast, tout comme deux autres grosses écuries du championnat, Glentoran et Crusaders. Quatre clubs rivaux dans une ville à l'histoire complexe, même si les tensions politiques et religieuses ont diminué ces dernières années. Ce derby du week-end est l'occasion d'en apprendre plus sur le football en Irlande du Nord.

Il est là, le fameux match à 6 points. Samedi dans son stade poétiquement nommé Solitude, Cliftonville reçoit Linfield. Le second face au leader. Actuellement, 5 points séparent ces deux équipes. À l’issue de ce match, il ne restera que 6 journées à disputer pour désigner le nouveau vainqueur du championnat. Qui va l’emporter samedi ? La rencontre va-t-elle être décisive pour l’attribution du titre en fin de saison ? Le suspense est grand mais sachons faire preuve d’honnêteté, on s’en tamponne un peu de ces questions. En dehors d’Irlande du Nord, personne ne s’intéresse vraiment à ce championnat semi-professionnel de niveau « League Two pour les meilleures équipes, Conference National pour les autres » , d’après le journaliste local Chris Holt, interrogé pour l’occasion, et qui fait là référence à la 4e et à la 5e divisions anglaises… Du point de vue du jeu pratiqué et de l’enjeu strictement sportif, il n’y a pas grand-chose à en retenir. Là où ça devient beaucoup plus intéressant, c’est lorsqu’on s’intéresse à l’histoire de ce championnat et aux rivalités entre quatre des meilleures équipes du pays, qui se trouvent être toutes situées dans la ville de Belfast : Linfield et Cliftonville donc, mais également Glentoran et Crusaders. Faisons les présentations.

Tous jaloux de Linfield

Avec 51 titres nationaux acquis dans son histoire, Linfield est d’assez loin le plus beau palmarès d’Irlande du Nord. Le club de l’ouest de Belfast a remporté le premier championnat organisé en 1891 et son dernier trophée remonte à la saison 2011-2012. Des quatre rivaux de la capitale, il a la réputation d’être le plus protestant sectaire, quoique ce soit moins le cas ces dernières années, que ce soit au niveau de son fonctionnement – concrètement ce n’est plus nécessaire d’être protestant pour y jouer comme ça a pu être le cas par le passé – et au niveau de ses supporters, moins bagarreurs. Si Linfield n’est pas aimé de la concurrence, c’est pour une autre raison qu’explique la journaliste Laure James : « L’équipe évolue à Windsor Park, qui se trouve être aussi le stade national. La Fédération nord-irlandaise paie pour que la sélection y joue, ce qui fait qu’il y a beaucoup plus d’argent dans les caisses de Linfield. » Une situation qui suscite forcément la jalousie des rivaux, le combat semblant inéquitable…

S’agissant des autres clubs protestants, il y a d’abord Glentoran, dont le stade, The Oval, est situé à l’est de Belfast. C’est le deuxième club le plus titré d’Irlande du Nord avec 23 championnats remportés, le dernier en 2009. Un club avec trois particularités à retenir. Premièrement, George Best en était fan lorsqu’il était gamin. Deuxièmement, le blason est étrangement frappé d’un coq et d’une devise écrite en français : « Le jeu avant tout » . Pourquoi ? Mystère… Il semblerait que ça date seulement des années 60 (alors que le club a été fondé en 1882), mais personne ne se souvient de l’auteur de cette bizarrerie. Putain de tournées de bières… Enfin troisièmement, les fans sont organisés en un « Supporters’ Trust » qui a un droit de regard sur les décisions des dirigeants. L’autre club protestant se nomme Crusaders, situé au Nord de la ville. Il n’a que quatre titres à son palmarès et le dernier remonte à 1997. Un Français y a joué jusque récemment : Yohann Lacroix, un gardien actuellement prêté à une autre équipe du championnat et que nous avions interrogé l’été dernier.

Cliftonville, la fierté républicaine

Et puis on en arrive au quatrième larron : Cliftonville. Son stade s’appelle donc Solitude et est situé également au nord de la ville, à moins de deux bornes du Seaview Stadium des Crusaders. Sur le logo du club figure un trèfle qui ne laisse pas tellement de place au doute : on a ici à faire au club à majorité catholique et républicaine, le seul d’élite existant aujourd’hui en ville. Il y en avait un autre dans la première moitié du 20e siècle qui s’appelait le Belfast Celtic, en référence au club écossais adoré des Irlandais cathos. C’était même la meilleure formation du pays à l’époque, avec 14 titres gagnés entre 1900 et 1948. Mais cette même année 1948, lors du Boxing Day disputé face à Linfield, des supporters de ces derniers s’en sont pris physiquement à des joueurs du Celtic, blessant trois d’entre eux, au point que les dirigeants ont immédiatement décidé de retirer leur club des compétitions nationales. Fin de la glorieuse histoire du Belfast Celtic. Citons aussi le cas de Derry City, le club de la ville voisine de Derry, où ont eu lieu les affrontements les plus violents du conflit nord-irlandais dans les années 70 et 80. Le club de Derry City, champion d’Irlande du Nord en 1965, s’est trouvé au cœur de cette ambiance de guerre civile et a fini par se retirer de la Ligue du pays et trouver refuge dans le championnat d’Irlande, avec les clubs de Dublin, Cork and co, depuis l’année 1985.

Cliftonville est donc à l’heure actuelle la plus grande fierté footballistique de la frange catholique et républicaine d’Irlande du Nord. « Cette étiquette religieuse et politique existe encore aujourd’hui mais elle a moins d’importance que par le passé, relativise néanmoins Chris Holt. Avec Crusaders, la rivalité est d’abord géographique, les deux équipes se disputant la suprématie du nord de la ville. Quant à Linfield et Glentoran, ce sont les deux grands clubs à succès qui voient leur mainmise sur le foot nord-irlandais bousculée les temps derniers par ce nouveau trublion. Forcément, ils le vivent mal. » Champion en 1906 et 1910, Cliftonville a longtemps été en dessous de la concurrence, avant de ravir un troisième titre national en 1998 et un quatrième au printemps dernier (avec un match décisif remporté 3-2 face à… Linfield !). « Depuis la saison dernière, Cliftonville possède les meilleurs joueurs de notre championnat, précise Laure James. Il s’agit de Liam Boyce, qui a évolué en Allemagne (avec la réserve du Werder) et de Joe Gormley, issu du milieu amateur, auteur de 21 buts depuis le début de saison. »

La baston de 2004, le match annulé de 2013

La rivalité entre les quatre fantastiques de Belfast peut parfois dépasser le cadre strict du rectangle de pelouse. Deux derbys ont particulièrement mal tourné dans un passé récent. Le premier a eu lieu en 2004, en marge du « Big Two » entre Glentoran et Linfield. « C’était le 23 avril sur la pelouse de Glentoran, lors de l’avant-dernière journée de la saison, se souvient Chris Holt. Linfield pouvait se contenter d’un nul pour assurer la conquête d’un nouveau titre, tandis que Glentoran avait besoin d’une victoire pour continuer à espérer. Alors que le score était de 2-2, Chris Morgan, un joueur de Glentoran qui avait évolué chez l’ennemi par le passé, a inscrit le but du 3-2 à la 93e minute. Le match s’est terminé dans la confusion par un envahissement de terrain et des affrontements entre supporters. Le week-end suivant, Glentoran raflait le championnat. » Depuis, le 23 avril a été renommé le « Morgan Day » par les supporters de Glentoran. Plus récemment, en février 2013, un « North Belfast Derby » entre Crusaders et Cliftonville a été annulé avant même le coup d’envoi, des loyalistes pro-britanniques ayant profité de la tenue de ce match hautement symbolique pour s’incruster dans le stade l’Union Jack à la main et en beuglant quelques slogans anti-cathos…

Voici donc un panorama du football à Belfast. On y joue moche, les stades sont petits, il n’y a pas vraiment d’argent… Mais il y a assurément de la passion et de bonnes histoires à raconter. « Contrairement à l’Angleterre et à la plupart des championnats en Europe, les supporters en Irlande du Nord sont en contact direct avec les joueurs, assure Laure James. Il y a une grande tolérance des fumigènes, les tribunes sont situées très près de la pelouse et il y a beaucoup d’amitié entre joueurs et supporters. » Et on veut bien la croire en visionnant cette vidéo captée lors de la cérémonie du titre remporté par Cliftonville la saison dernière. Cérémonie à laquelle les fans avaient été conviés, pour une délicieuse ambiance District.

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