« J’ai eu quelques contacts sans plus, plutôt des clubs de Ligue 2, mais j’espère avoir quelque chose. J’ai refusé des propositions à l’étranger parce que je pensais pouvoir rebondir dans des clubs comme Reims ou Bastia. J’attends la bonne proposition, ça va venir. Un club de Ligue 2, où on peut construire quelque chose, cela m’intéresserait. » Quand on lui demande des nouvelles et le branche sur son futur job, Mécha Baždarević se révèle toujours amoureux de la France. Pour pouvoir revenir poser ses fesses sur un banc de Ligue 1 ou de Ligue 2, il aurait notamment refusé le poste de directeur sportif à l’Hajduk Split. Mais avant de reprendre éventuellement du service, l’ancien meneur de jeu de Sochaux se ressource tranquillement dans la maison familiale en Bosnie. Dans les semaines qui viennent, il va suivre le parcours des Bosniens en Coupe du monde. Pour lui, la présence des Dragons au Brésil est la nouvelle étape d’un travail aux fondations duquel il a participé dans les années 90.
Récupérer ces joueurs issus de la diaspora, c’est vital pour le football bosnien ?
C’est obligé, on a commencé à bâtir cette sélection il y a 20 ans. À cette époque, on était tous expatriés, jeunes et moins jeunes. Avec la guerre, impossible de jouer au football en Bosnie, le niveau est donc encore très faible aujourd’hui, même si certains bons joueurs, à l’image de Džeko, ont commencé au pays. Depuis quelques années, la formation a repris, quelques joueurs commencent à sortir, il y a un vrai travail qui a été mis en place. D’autres bons joueurs vont arriver, mais il y a énormément de joueurs bosniens qui ont été formés à l’étranger à cause de cette période douloureuse, on est obligés de penser à eux.
Un joueur comme Zlatan Ibrahimović a choisi la Suède, vous comprenez ce positionnement ? Seuls les succès sportifs peuvent permettre à la Bosnie de récupérer ce type de joueurs ?
Concernant Zlatan Ibrahimović, quand il a dû choisir, le football bosnien n’était absolument pas organisé. C’est donc difficile d’évoquer son cas, c’est un joueur exceptionnel. Aujourd’hui, la sélection existe réellement, elle a un nom, de l’expérience, de la qualité pour faire des résultats. Je ne pense pas que l’on puisse de nouveau manquer un Zlatan Ibrahimović. L’équipe de Bosnie attire aujourd’hui tous les Bosniens qui ont un intérêt pour le football.
L’histoire personnelle de ces joueurs, confrontés à la guerre et expatriés pour beaucoup, est-ce un handicap en termes de sentiment d’appartenance ou un supplément d’âme pour la sélection ?
La guerre est passée, cela fait un moment… Je pense que cela peut être un petit plus, une fierté de penser au passé, à ce qu’il s’est passé, et de constater qu’aujourd’hui on a une sélection capable d’aller en Coupe du monde, d’être respectée. Cela doit être une fierté et quelque chose qui les rend plus forts. Quand on dispute une Coupe du monde, on pense avant tout au sportif, mais c’est vrai que les joueurs penseront peut-être un peu au passé de leur pays.
Je ne pense pas que nous soyons des outsiders
Cette sélection bosnienne, elle n’a rien à perdre au Mondial ?
Je ne pense pas que l’équipe n’ait rien à perdre : comme tout le monde, elle doit gagner des matchs. C’est sûr, la Bosnie ne doit pas être présentée comme un outsider, il faut être réaliste. Il y a un bon entraîneur, de très bons joueurs, mais pas d’expérience de la Coupe du monde, même dans l’encadrement. Nous allons être respectueux envers toutes les autres équipes, mais il faut qu’elles nous respectent aussi. Je ne pense pas que nous soyons des outsiders, mais il faut jouer avec ses qualités avec une obligation : montrer qu’on est là et qu’il faut compter sur nous.
Le plus important, c’est de prôner un jeu offensif ou d’obtenir des résultats ?
Si on peut allier les deux, ce serait magnifique, mais aujourd’hui, l’essentiel c’est d’oser, de jouer. Je préfère que l’on fasse de bons matchs, quitte à être éliminés rapidement, mais que les gens disent « quelle belle équipe » , plutôt que de jouer petit bras et se qualifier en arrachant des matchs nuls. Je préfère que l’on joue, que l’on ose, car de toute façon cette équipe ne sait pas faire autrement. Il ne faut pas trop calculer, jouer à fond, et il arrivera ce qu’il arrivera. Il faut jouer pour montrer au monde que l’équipe n’est pas venue pour calculer, il faut y aller…
En quelques mots, le style de jeu bosnien ressemble à quoi ?
Je ne vais pas trop rentrer dans les détails, mais c’est justement un jeu offensif. Un 4-4-2 porté sur l’attaque car on a beaucoup de joueurs créatifs devant comme Džeko, Ibišević, Misimović ou Pjanić. Je ne vois pas cette équipe rester derrière et défendre. Aujourd’hui, notre style est offensif car on a des joueurs offensifs, on s’adapte aux qualités de nos joueurs. Il faut calculer un peu parfois, mais je ne pense pas que cette équipe va le faire, ils vont jouer pour la gagne.
Sortir du groupe, ce serait déjà une très belle performance
Quelles sont les faiblesses de la sélection bosnienne ? La défense ?
Je ne dirais pas la défense, plutôt la profondeur de banc. Dans une compétition comme ça, il faut des remplaçants de niveau équivalent pour compenser les blessures. Aujourd’hui, il manque encore un ou deux joueurs capables de remplacer les titulaires. J’aimerais bien aussi que cette équipe ait un vrai milieu défensif parce qu’il n’y a pas dans ce milieu de terrain un profil purement défensif. Quand on a certains manques, il faut les compenser par ses qualités, heureusement la Bosnie a des joueurs de qualité.
Vous les voyez aller jusqu’où ?
Une place en huitièmes de finale, ce serait très bon. Après, sur un match vous savez, tout est possible. Il faut bien jouer ce mini-championnat, on a des qualités… Sortir du groupe, ce serait déjà une très belle performance.
Cette équipe de Bosnie 2014, c’est l’enfant de Sušić ?
Quand on est entraîneur et que cela se passe bien, on est responsable. Quand cela se passe mal, on l’est encore plus (rires). Il a amené son calme, ses qualités de grand joueur et de grand technicien. Il a su transmettre aux joueurs sa sérénité dans les grands rendez-vous, parce qu’il a un gros vécu, une grosse carrière. Je pense aussi que les joueurs ont atteint une certaine maturité. Plusieurs choses sont réunies, le calme de Sušić a permis en plus d’avoir une solidité mentale et une bonne ambiance dans le groupe. Il a amené ce qu’il manquait auparavant.
La capacité à jouer les grands matchs sans le frein à main ?
Tout à fait. Ne pas avoir peur d’une part, et appuyer sur les qualités offensives d’autre part. Il savait que c’était le point fort, donc il a insisté pour miser dessus. Et son discours : « Rassembler, rassembler, rassembler » … Il a créé une excellente ambiance, ce qui lui a permis de bien voyager avec cette équipe.
La qualification a fait beaucoup de bien pour la réunification du pays
Il profite d’une génération exceptionnelle : Pjanić, Džeko, Misimović…
Eh vous savez, c’est aussi ça qui fait un entraîneur. Vous pouvez être très bon, mais si vous n’avez pas les joueurs… Il a donné quelque chose, les joueurs ont donné le reste.
Prendre en main cette sélection dans le futur, cela vous plairait ?
J’ai refusé trois fois, parce que ce n’était pas le bon moment. J’ai failli postuler en même temps que Safet Sušić, mais c’est mon ami, donc je me suis abstenu quand j’ai su qu’il était candidat. Après, bien sûr, cela me plairait de travailler avec cette équipe, cela peut être un grand bonheur.
On dit que les exploits des Dragons ont permis à la société bosnienne de se réunifier autour du ballon rond. La réalité des faits à vos yeux, quelle est-elle ?
Oui et non. Il y a en effet des Serbes et des Croates de Bosnie qui supportent l’équipe, mais pas tous. Ce qui est certain, c’est que l’on a gagné beaucoup de terrain. S’il y a trois ans, 60% de la population supportait l’équipe, aujourd’hui on est au moins à 80%. Il y a encore du travail : l’équipe est née, a donné des résultats, mais il faudrait un beau parcours au Mondial. La qualification a fait beaucoup de bien pour la réunification du pays. La réunification de la Bosnie va d’abord passer par le sport.