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Bastia, plus dure sera la renaissance

Par Eric Carpentier
Bastia, plus dure sera la renaissance

Il y a 18 mois, le Sporting tombait de quatre divisions en 90 jours. Aujourd'hui solide leader de sa poule de National 3 et en lice pour une qualification en huitièmes de finale de Coupe de France ce soir face à Noisy-le-Grand, Bastia tente d'avancer. Un pas après l'autre.

Un but de Bafé Gomis, une victoire de l’OM et une qualification marseillaise en Ligue Europa : autant de marqueurs du temps qui passe depuis le dernier match professionnel du Sporting Club Bastiais. Le 20 mai 2017, une ultime défaite laisse le club corse scotché au 20e rang d’un championnat pourri de bout en bout, du terrain (17 journées dans la charrette) aux tribunes (affaires Lucas Moura, Balotelli, Lyon). Le pire dans tout ça ? C’est que le Sporting n’a pas encore touché le fond. De rétrogradations administratives en tentatives de reprises infructueuses, Bastia repart officiellement 89 jours plus tard et quatre divisions plus bas, en National 3. Avec un seul objectif, ne pas s’y éterniser. Et une question : comment faire pour se relever d’une telle chute ?

Le club de demain leur appartient

Première urgence, changer les hommes et la structure. Pierre-Noël Luigi et Claude Ferrandi, respectivement présidents des groupes Oscaro et Ferrandi, mettent l’argent et prennent les rênes du club. « Tout le monde a été remplacé, le public n’en voulait plus, explique Claude Ferrandi depuis le bureau de la présidence désormais à son nom. Ils ont fait trop de mal au club. » Trop d’erreurs, trop d’arrangements, trop d’opacité ont laissé le Sporting exsangue, structure professionnelle à terre, versant associatif sous respirateur artificiel. Demain, anticipe Ferrandi, « il y aura un gros travail à faire sur la gouvernance, pour partager au maximum les décisions, intégrer les socios. Bastia est un club très particulier qui doit appartenir à tout le monde. » Techniquement, et suivant les préconisations de la mission confiée à Luc Dayan jusqu’en 2018, cela pourrait passer par une société coopérative d’intérêt collectif. Une structure qui permet « de créer un équilibre de gouvernance, pour pouvoir toujours garder la tête froide et éviter les jalousies » . Et accessoirement, d’amener des actionnaires.

L’argent ravit les gens

C’est évidemment l’énorme point noir sur le tarin d’un club qui passe de professionnel à amateur en moins de trois mois. Deux chiffres suffisent à cerner le problème : un million d’euros, soit le montant des dettes de l’association à l’été 2017 ; et 1,8 million, soit le budget de fonctionnement annuel du club. Oscaro et Ferrandi ont accepté de reprendre la dette en 2017. Et, en attendant d’éventuels investisseurs lorsque le club sera revenu à meilleure fortune, tentent de joindre les deux bouts d’un budget largement au-dessus de la moyenne d’une division qui tourne « entre 300 000 et 1,4 million d’euros, d’après Ferrandi. Rien que l’entretien de la pelouse d’entraînement, c’est entre 120 000 et 130 000 euros chaque année. Mais c’est historique, et puis c’est une vitrine, c’est vendeur auprès des joueurs. »

Sauf qu’avant de recruter, il faut boucler le budget. « Nos revenus viennent du sponsoring, avec Oscaro (sponsor maillot, N.D.L.R.) qui est resté et des entreprises plus localisées, détaille le président. En 2017, les supporters ont aussi fait une levée de fonds de plus de 200 000 euros. » Des supporters qui, avec 3 200 abonnements cette saison, contribuent à faire rentrer de l’argent frais. Parmi eux, une quinzaine d’anciens joueurs : « Enzo Crivelli, Guillaume Gillet, Anthony Modeste, Yannick Cahuzac, Sébastien Squillaci… C’est un soutien très important, très motivant. » Sans oublier la case « revenus exceptionnels » cochée par Wahbi Khazri : « Ce qu’a fait Wahbi, c’est grandiose. Un jour, il m’appelle, me dit : « Je ne peux pas ne rien faire. Ma femme va t’appeler ». Elle m’appelle, et en trois minutes, elle nous fait un chèque de 10 000 euros. » Une preuve que Bastia reste un club à part pour ceux qui l’ont fréquenté.

Armand-Cesari style

Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que, cette saison, Frédéric Née a enfilé le survêt’ du Sporting, en tant qu’adjoint de l’entraîneur Stéphane Rossi : « Le coach cherchait un adjoint, on s’est appelés, en deux jours c’était réglé. J’avais à cœur de participer à ce projet de faire remonter le club. » Mais le cœur de l’ancien adjoint du côté de Rennes ou de l’équipe de France féminine sait aussi garder raison : « Si on monte, je continue. Sinon, je m’en vais. » La saison passée, le Sporting a échoué de peu au terme d’une saison commencée sur le tard, deux points derrière l’USM Endoume. Cette saison, prévenus que « les clubs adverses considèrent le Sporting comme un club de haut niveau, donc on ne joue que des matchs de Coupe » , Rossi, Née et leurs joueurs font le travail : leur dernière victoire, 6-1 face au FC Côte Bleue, a mis ce dauphin à huit points. Première étape d’un plan qui doit mener au National dans les trois ans maximum, afin de retrouver le statut professionnel et de relancer définitivement la machine.

En attendant, Bastia s’échauffe en Coupe de France, tombeur de Concarneau (2-2, 5-4 tab) ou Le Mans (2-1), deux clubs de National, aux tours précédents. Frédéric Née, lui, « passe le message aux joueurs. Ça met une grosse pression, il faut un encadrement, de l’investissement, beaucoup de temps et de travail. Mais Bastia n’a pas le droit de végéter ici. » Voilà pour les ambitions. Et les moyens ? « On a des joueurs qui ont connu les divisions supérieures, donc on utilise leur maîtrise technique pour avoir la possession, tout en allant rapidement vers l’avant, en terminant vite par des frappes, des centres. On joue pour le public, c’est important. » En utilisant les réseaux d’un coach qui a tout connu avec le CA Bastia, en attirant grâce à des installations au-dessus des standards et en étant tout simplement « le Sporting » , intraitable à Armand-Cesari, Bastia est en passe de franchir la première marche de sa longue route, en roi de sa division tel Paris plus haut. Mais attention : la Coupe est une autre histoire et Noisy-le-Grand, ça rime avec Guingamp.

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Par Eric Carpentier

Photo : SC Bastia

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