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Au Hertha, la révolution bruyante

Par Julien Duez
Au Hertha, la révolution bruyante

Depuis l'arrivée d'un nouvel investisseur et de Jürgen Klinsmann sur le banc de touche, le Hertha Berlin ne s'en cache plus : il veut compter parmi les grands de Bundesliga. Mais à quel prix ? Pour l'instant, 73 millions d'euros. Suffisant pour lancer un projet cohérent ?

Il s’en est fallu de peu. Un petit million pour être précis. Un petit million pour que le record de Lucas Tousart, celui de transfert le plus cher de l’histoire du Hertha Berlin, ne tombe pas avec la confirmation de l’arrivée de Krzysztof Piątek ce jeudi soir. L’Alte Dame a été plutôt dépensière pendant le mercato qui s’achève : 23 millions pour l’attaquant polonais, 24 millions pour le désormais ex-milieu lyonnais, auxquels s’ajoutent onze pour son homologue argentin du VfB Stuttgart, Santiago Ascacibar et quinze pour l’attaquant brésilien du RB Leipzig Matheus Cunha.

Au total, ce sont presque 75 millions d’euros qui ont été claqués cet hiver par un Hertha dont le précédent transfert-record s’appelait Davie Selke et avait débarqué sur les bords de la Spree en 2017 pour la modique somme de huit millions. Surprenant ? Pas tant que ça. Depuis le début de la saison, et en dépit de résultats sportifs peu encourageants, le Hertha Berlin a les crocs et regarde désormais vers le haut. En toute décontraction.

Assumer un statut capital

Sur la dernière décennie, le Hertha Berlin n’a été présent qu’une seule fois sur la scène continentale et a même joué deux saisons dans l’antichambre. Sur la dernière décennie toujours, le club de Charlottenburg a été sous la houlette d’un seul manager, Michael Preetz. L’ancien attaquant a d’ailleurs fait les frais de ce bilan sportif peu fameux lors de la réception du Borussia Dortmund en novembre dernier. Dans le kop de la Ostkurve, une banderole dénonçait : « Dix ans, douze entraîneurs, un seul responsable. » Lui, donc. Car Preetz porte sur ses épaules le poids d’un club historique, mais endetté jusqu’à la moelle et qui ne parvient pas à se développer sportivement. Pour la plus grande frustration d’un public qui doit se contenter de miettes au classement, souvent derrière d’orgueilleux provinciaux, à l’instar de Hoffenheim, Wolfsburg ou, pire encore, le RB Leipzig. Dur à encaisser quand on connaît la fierté qui caractérise les Berlinois en Allemagne.

Pourtant, tout ceci pourrait bientôt appartenir au passé. En effet, depuis le début de cette saison, le Hertha Berlin a changé de propriétaire. Celui-ci se nomme Lars Windhorst et, outre-Rhin, il est considéré comme le dernier des grands golden-boys en date. Du genre tellement Wunderkind que l’ancien chancelier Helmut Kohl l’invitait à accompagner une délégation gouvernementale lors d’un voyage officiel en Asie au début des années 1990. Depuis, la bulle Internet, dans laquelle il avait massivement investi, a fini par éclater et, malgré quelques faillites à son actif, Windhorst, aujourd’hui âgé de 42 ans, a su rebondir pour finalement diriger la société d’investissements Tennor, avec laquelle il a racheté 49,9% du capital du Hertha Berlin pour la somme de 225 millions d’euros en novembre dernier.

Première conséquence de l’arrivée de Windhorst, et non des moindres, les 90 millions de dette du club de la capitale allemande sont effacés. Deuxième conséquence : la nomination de Jürgen Klinsmann sur le banc à la place d’Ante Čović. Un changement qui en jette en matière d’image. Aux côtés de Klinsmann, on retrouve l’ancien international Arne Friedrich, qui parle, le plus sérieusement du monde, d’ « objectifs mégalomanes » . Une formule qui colle bien avec son rôle – un peu flou – de « performance manager » . En tout cas, l’objectif est le même pour tous : à l’avenir, le Hertha doit désormais se battre pour les premières places et devenir un cador de Bundesliga. « Nous avons désormais des moyens différents de ceux des équipes avec lesquelles nous étions en concurrence, comme l’Eintracht Francfort, le Werder, Cologne ou Stuttgart et Hambourg, lorsqu’ils remonteront » , analyse dans les colonnes de Sportbuzzer Michael Preetz, confirmé à son poste de directeur sportif. Mais pour combien de temps encore ?

Restons courtois

Depuis sa prise de fonction, Jürgen Klinsmann est en effet présent sur tous les fronts. À tel point que pas mal d’observateurs allemands le voient mal prolonger son bail d’entraîneur, lequel prend fin en juin prochain, et endosser plutôt une casquette de manager chargé de mener à bien la nouvelle mission du Hertha. Une mission qui a commencé par une sacrée opération dégraissage : de 34, le nombre de joueurs du noyau est passé à 25. Victime de l’arrivée de Piątek et Cunha, Davie Selke a été envoyé en prêt à Brême avec option d’achat sur le buzzer. D’autres, comme Salomon Kalou par exemple, baignent dans l’incertitude. Laissé en Allemagne alors que l’équipe partait en stage hivernal en Floride et s’entraînant désormais seul, l’Ivoirien est quelque peu dégoûté de sa situation et l’a fait savoir au Berliner Kurier : « Je ne suis pas là depuis cinq semaines ou cinq mois, mais depuis cinq ans ! Jamais je n’ai vécu une situation comme celle-ci, pas même avec le grand Chelsea ! »

Même chose pour Arne Maier. Au Hertha depuis ses dix ans, le milieu de terrain est aujourd’hui concurrencé par Ascacibar et la venue programmée de Lucas Tousart, qui devra d’abord terminer la saison en cours avec Lyon. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Tousart confiait à sa signature pouvoir « très bien s’identifier aux ambitions du Hertha. Il se trame quelque chose d’excitant à Berlin et je veux en faire partie. » En attendant, son futur club est treizième de Bundesliga et ne compte que cinq points d’avance sur la place de barragiste. Et comme le dirait Pierre Littbarski, ancien coéquipier de Klinsmann et aujourd’hui ambassadeur du VfL Wolfsburg à la dpa : « C’est comme avec un groupe de rock. Pour pouvoir partir en tournée, il faut que vous ayez produit un tube. » Pour l’instant, le Hertha fait encore figure de vieux gosse de riche qui répète dans son garage en espérant un jour percer dans les charts.

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